Limiter les impacts de l’aviation sur le climat impose de limiter la croissance du transport aérien.
Les responsables politiques doivent mettre en place les outils fiscaux nécessaires pour atteindre cet objectif. A savoir, les taxes liées aux émissions et la taxation du kérosène. Tel est le message que les quatre fédérations d’environnement (Inter-Environnemnt Wallonie, Inter-Environnement Bruxelles, Bond Beter Leefmilieu vlaanderen et Brusselse Raad voor het Leefmilieu) veulent rappeler à l’occasion de la consultation populaire européenne qui se clôture ce 6 mai[La consultation se trouve à l’adresse : [http://europa.eu.int/yourvoice/consultations/index_fr.htm ]].
Taxer le kérosène…
Début avril, le kérosène était coté à 0.38 ¤/l (niveau maximum pour les dix dernières années) à la bourse d’Amsterdam, soit environ trois fois moins que les carburants routiers. Outil de promotion du développement de l’aviation civile instauré dans les années quarante, la détaxe des carburants a porté ses fruits. Le secteur connaît aujourd’hui une croissance annuelle de l’ordre de 4%. Les quatre fédérations d’environnement plaident pour une suppression de la situation de distorsion de concurrence dont ce secteur bénéficie en raison de l’absence de taxation du kérosène.
… et les émissions
Le rendement énergétique des avions s’est amélioré d’environ 70 % sur les 40 dernières années. Sur la même période, le trafic aérien a été multiplié par un peu moins de trente… Cette explosion du trafic annule donc les bénéfices obtenus par les améliorations technologiques. Ainsi, entre 1990 et 2000, les émissions de CO2 d’origine fossile imputables au secteur aérien dans l’Europe des Quinze sont passées de 82 à 130 millions de tonnes, soit une augmentation de l’ordre de 58%… Pour contrer cette évolution, il est nécessaire de taxer les émissions polluantes du secteur aérien, estiment les quatre fédérations d’environnement. Il s’agit d’un outil doublement efficace. Il introduit une contrainte financière tout en sensibilisant aux impacts du secteur sur le climat.
Aviation et ETS
Les professionnels du secteur (transporteurs et gestionnaires d’aéroports) commencent à reconnaître les incidences réelles de l’aviation sur le climat planétaire. Mais plaident pour le maintien de sa croissance. Et veulent que la Commission européenne néglige les deux outils fiscaux décrits ci-dessus au bénéfice d’un système d’échange de droits d’émissions (ou ETS pour emission trading system[Informations sur le système européen à l’adresse : [http://europa.eu.int/comm/environment/climat/emission.htm
]]). Leur message est donc : « Il est vrai que nous polluons… mais laissez-nous continuer à croître [donc à polluer plus] – nous payerons pour cela dans le cadre d’un système ETS ». Ils oublient que le premier débiteur est en fait le climat planétaire…
Consultation européenne
La consultation mise en ligne par la Commission européenne – bonne initiative en soi – pêche par trois défauts. Premièrement, ne jouissant de quasiment aucune publicité, elle n’est accessible qu’à de rares internautes, habitués du site de la Commission. Deuxièmement, au vu du questionnaire qui leur est destiné, les citoyens font l’objet d’une présomption d’incompétence et de réaction « nimby ». Ils sont ainsi invités à se ranger dans l’une des deux catégories : travailleur du secteur ou riverain d’aéroport. Troisièmement, le questionnaire destiné aux organisations, après avoir rapidement abordé l’outil « taxes », se concentre essentiellement sur des considérations techniques pointues relatives à l’option ETS. Comme si les souhaits du secteur aérien avaient été entendus avant même la consultation…
Une réflexion globale est indispensable
Le climat de la Terre se dégrade. Les signaux d’alarme lancés par le monde scientifique se multiplient. Le monde politique commence à intégrer ce message. L’Union européenne a joué un rôle moteur dans la mise en place du protocole de Kyoto. L’industrie a consenti de gros efforts. Mais un secteur échappe à toute régulation : celui des transports. Ses émissions de CO2 continuent de croître, rendant vains les efforts consentis par les autres secteurs. Parmi les différents modes de transports, l’aérien est celui qui croît le plus vite. A politique inchangée, les prévisions à l’horizon 2050 font état d’un trafic aérien six à 15 fois supérieur à ce qu’il était en 1990[[L’aviation et l’atmosphère planétaire, rapport spécial du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), 1999]]…
Faire face aux enjeux climatiques de ce secteur implique de mener une politique volontariste basée d’abord sur la réduction de la demande de mobilité aérienne[[Voir à ce sujet l’avis sur l’avant-projet de plan fédéral pour un développement durable 2000 – 2003, CFDD (Conseil fédéral du développement durable), avril 2000
]]. Pour cela, il faut avant tout améliorer et promouvoir l’offre alternative afin de favoriser un réel transfert modal. Et développer les outils fiscaux qui, en éliminant la distorsion de concurrence dont jouit actuellement le secteur aérien, rendront les alternatives économiquement attrayantes. Un système de taxation des émissions est, à cet égard, l’outil le plus approprié. Une telle mesure pourrait être appliquée au niveau européen, pour les vols internes et les vols au départ des aéroports européens. L’efficacité d’un système ETS (sujet à des dérives, notamment au niveau de la fixation des quotas d’émissions) semble par contre beaucoup plus limitée.
Au Royaume-Uni, une enquête menée par la BAA[[British Airport Authority, propriétaire de 7 aéroports au Royaume Uni, dont celui de Heathrow]] a révélé que le nombre de personnes favorables à une plus forte taxation du domaine aérien est deux fois plus élevé que le nombre de personnes qui y sont opposées. Les quatre fédérations d’environnement estiment que les responsables politiques doivent saisir cette opportunité et choisir de mettre en place les mesures à la hauteur des enjeux.
Informations complémentaires :
BBL : Bram Claeys, 02/282.17.32, 0474/59.46.70
IEW: Pierre Courbe, 081/25.52.80 – 0479/497.656