L’eurodéputée belge Anne Delvaux (cdH siégeant au sein du PPE – Parti Populaire Européen) vient de déposer un amendement demandant à la Commission de proposer l’instauration d’une « taxe carbone » aux frontières de l’Union européenne. L’idée de recourir à un instrument économique (en l’occurrence fiscal) au niveau européen pour combattre les émissions de CO2 n’est pas nouveau. En 1991 déjà, la Commission européenne y faisait référence. En vain. Espérons dès lors que l’initiative de notre élue ne sera pas un nouveau coup dans l’eau.
En 1991, donc, la Commission européenne avançait l’idée de créer« un instrument économique susceptible de révolutionner les systèmes fiscaux européens et d’orienter durablement les structures productives et les modes de consommation vers une faible intensité carbonique et énergétique : la taxe carbone européenne»[[LAURENT, E. et LE CACHEUX, J. (2010), Une Union sans cesse moins carbonisée ? Vers une meilleure fiscalité européenne contre le changement climatique, Notre Europe.]]. Depuis lors, 20 années ont passé et force est de constater que cette taxe n’a jamais vu le jour. Pourtant, ce projet fut soumis à de multiples reprises à l’approbation des États membres qui le rejetèrent à chaque fois, la Commission revoyant vainement sa copie. Deux raisons sont à évoquées pour expliquer ces échecs répétés : d’une part, le refus de certains États membres de céder des compétences fiscales et, d’autre part, la forte résistance de l’industrie intensive en énergie.
Pourtant, parallèlement à ces efforts européens avortés, certains États membres, nordiques pour la plupart, n’ont pas attendu pour instaurer une taxe carbone au niveau national : la Finlande et la Suède en 1990, la Norvège en 1991 et le Danemark en 1992; puis les Pays-Bas (1996), la Slovénie (1997), l’Allemagne (1998) et le Royaume-Uni (2000). On peut par ailleurs signaler la tentative du Gouvernement français qui est aujourd’hui occupé à revoir sa copie.
L’idée de taxe carbone européenne a refait surface en 2009, sous l’impulsion de en ligne de mire de la Présidence suédoise. Les voix, au sein de l’Union, sont toutefois discordantes. Rappelons-nous l’audition du nouveau commissaire européen au Commerce, notre compatriote Karel De Gucht, devant le Parlement européen le 12 janvier dernier, au cours de laquelle il s’était explicitement prononcé en défaveur d’une taxe CO2 aux frontières européennes. La députée européenne cdH Anne Delvaux n’est manifestement pas du même avis. Celle-ci a en effet déposé ce lundi un amendement demandant à la Commission de proposer une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne.
S’inscrivant dans une proposition de résolution sur les résultats de Copenhague, cet amendement vise à taxer les produits importés des pays les moins engagés sur le plan climatique. Cette mesure devrait permettre de préserver les engagements européens et de tirer vers le haut les engagements climatiques mondiaux. Elle pourrait également avoir un effet boule de neige sur les pays qui, à l’instar de la Chine et des Etats-Unis, hésitent encore à accepter les objectifs contraignant sous-jacents aux négociations internationales sur le climat.
S’agissant des recettes générées par cette taxe, le cdH est d’avis qu’il faut prioritairement les ré-allouer aux pays défavorisés afin qu’ils développent leur propre expertise et des plans d’actions appropriés en matière de lutte contre les changements climatiques.
Pour le reste, le cdH appelle l’exécutif européen à rédiger des propositions concrètes pour la mise en ½uvre d’une taxe européenne aux frontières et ce d’ici le sommet intermédiaire de Bonn qui se déroulera du 31 mai au 11 juin prochain.
La Fédération ne se réjouit que pareille proposition soit sur la table. Mais dès lors que toutes les décisions en matière fiscale requièrent, au niveau européen, l’unanimité (ce qui laisse présager un processus relativement long), cette initiative ne peut pas dispenser les États membres de continuer à agir à leur propre niveau. Ainsi, la Belgique ne pourra pas prétexter d’un blocage européen pour ne pas agir (d’autant que les pays voisins ont déjà leur propre taxe CO2). Et à défaut de créer une taxe carbone belge, les taxes énergétiques actuelles devraient à tout le moins, comme le suggérait le Conseil Supérieur des Finances dans un récent rapport, être modulées en fonction du contenu carbone des énergies qu’elles frappent. Ce qui n’est le cas aujourd’hui.