Bilan de santé de la PAC en Europe et en Wallonie

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De nombreuses études démontrent que la dérégulation des marchés agricoles est propice à une volatilité des prix, qui, in fine ne bénéficie ni aux consommateurs ni aux producteurs. Sourd à ces critiques, le bilan de santé de la PAC renforce cette orientation prise depuis 1992. Par ailleurs, ce bilan prévoit un refinancement des politiques de développement rural accentuant par là-même la régionalisation des politiques agricoles, notamment sur le plan environnemental. La Région wallonne loin d’être à la pointe sur ce plan, a du pain sur la planche.

Révision à mi-parcours

Sur base d’un bilan de santé de la Politique Agricole Commune très orienté, la Commission Européenne a remis un premier projet de révision à mi-parcours. Comme nous l’avons déjà signalé dans une précédente nIEWs, il prévoit toujours plus de dérégulation et de subsidiarité pour une agriculture orientée par les seuls marchés. Les « débordements » seront pris en la charge par les Etats-membres à travers un cofinancement des mesures du Programme de Développement Rural (PDR) refinancé via la modulation et le plafonnement encore symbolique des aides aux agriculteurs.

Etats membres partagés sur les quota laitier…

Dans le cadre de cette dérégulation, la suppression progressive des quota laitiers est in fine entérinée avec une période transitoire qui prévoit une augmentation des quotas. En conséquence, il faudra s’attendre à une concentration de la production dans les régions « les plus compétitives », mais aussi une réduction drastique du nombre de producteurs. Pour répondre à la crise que connait actuellement le secteur laitier – et que cette décision amplifiera – la Commission n’a rien trouvé de mieux que d’appliquer les recette des année ’70 : elle subsidie la distribution de produits laitiers dans les écoles. Nous vous avons, quant à nous, déjà démontré que la surconsommation du lait est pointée du doigt pour ses lourds impacts environnementaux et de santé publique !

Enfin, ces phénomènes de concentration vont encore accentuer l’impact environnemental de l’agriculture, que les efforts réalisés pour y pallier n’ont en rien réduit.

…mais favorables à la dérégulation et…

Ainsi, la suppression des jachères, un outil certes contestable sur le plan environnemental et certainement dans son application en Région wallonne, est elle passée inaperçue. Cette pratique a pourtant permis de stabiliser le marché européen et de limiter l’impact de nos surproductions sur l’agriculture des pays du Sud.
Globalement, pour palier à la suppression des outils d’intervention sur les marchés, le nouveau règlement permettra aux différents États membres de soutenir les secteurs rencontrant des problèmes spécifiques. Il s’agit là d’une forme de renationalisation de la PAC…
Au niveau environnemental, la suppression des jachères devrait être partiellement compensée par un renforcement des exigences environnementales par le biais de la conditionalité au sein des Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales (BCAE). Mais si l’on en juge par leur mise en ½uvre actuelle en Région wallonne, la biodiversité et la qualité de notre environnement risque bien de payer une fois de plus le démantèlement du cadre européen.

…défavorable à une PAC plus équitable

Dans son projet initial, la Commission envisageait d’introduire un plafonnement important des aides, limité aujourd’hui à 4 % des montants au dessus de 300.000 ¤ ! Une mesure qui ne devrait pratiquement pas s’appliquer en Wallonie et qui reste à ce stade symbolique. Pourtant, un plafonnement important se justifient d’autant plus que les grandes exploitations qui en bénéficient n’ont recourt qu’à peu de main-d’½uvre et sont davantage destructrice de l’environnement. Nous sommes par ailleurs dans un contexte où le prix des productions agricoles ne justifie plus un tel niveau d’aide.
Par contre, la modulation des aides qui est actuellement de 5% et qui concerne pratiquement tous les producteurs, augmentera d’1 %/an jusqu’en 2013 pour atteindre 10 %, au lieu des 2% annuel initialement prévu par la Commission. Les budgets dégagés, revu à la baisse par les États membres, devraient servir à renforcer le développement rural pour rencontrer 4 défis : celui des changements climatiques, des énergies renouvelables, de la gestion de l’eau et de la biodiversité. Le cofinancement européen de ces mesures complémentaires du PDR sera de 75 %.

Une conditionnalité simplifiée ou dérégulée ?

La conditionnalité sera « simplifiée », entendez par là qu’un certains nombres de règles européennes sortiront du cadre de la conditionnalité, et, comme précédemment en Région wallonne risque bien de n’être plus du tout contrôlées activement. Le projet prévoit d’élargir le champs des Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales à la gestion de l’eau et à la préservation des avantages environnementaux des jachères… supprimées. Sur ce point, certains Etats Membres sont plutôt proactifs mais notre Région se situe plutôt du coté des cancres (voir http://www.iewonline.be/spip.php?article732)

En Wallonie, érosion de la biodiversité et des agriculteurs

A peu de chose près, le bilan de santé de l’agriculture wallonne peut se synthétiser en deux indices : celui de la disparition des agriculteurs sous la pression des dérégulations européennes (malgré l’importance des politiques de soutien régionales) et celui de l’érosion de la biodiversité en milieu agricole (malgré les politiques incitatives comme les mesures agro-environnementales). Ils atteignent l’un et l’autre 3 % annuel !

Pour ce qui est de la biodiversité mais aussi de l’environnement en général, le bilan est relativement aisé puisque les politiques régionales sont presqu’exclusivement incitatives, le volet normatif des BCAE étant totalement absent. Et il faut encore relativiser les politiques incitatives régionales : notre agriculture est dans le top 10 des plus intensives au niveau européen et les budgets destinés aux mesures agroenvironnementales sont vraiment faibles au regard de ce que font certains autres pays.

Des mesures agroenvironnementales discréditées !

Ces politiques sont en outre totalement discréditées par un dysfonctionnements administratifs navrant. Ainsi, par exemple, les prairies extensives diversifiées en espèces et dont la gestion est subventionnée dans le cadre des mesures agroenvironnementales sont, pour les contrôleurs des aides, exclues des aides à la production. Une situation kafkaïenne… Manifestement, certaines parties de l’administration n’ont pas encore compris ou plutôt admis que les attentes de la société pour l’agriculture ne s’arrêtaient pas à la stricte production agricole.

Une vision de l’agriculture héritée des années ’60 !

Pourtant, contrairement à ce que l’on imagine les règlements européens permettent réellement d’intégrer de manière positive l’environnement et la biodiversité comme une composante de la multifonctionnalité de l’agriculture. Et là aussi, la vision de notre administration régionale se réduit à la production au sens strict. Un arbre isolé dans votre parcelle ? On vous le retire de la surface permettant l’accès aux aides !! Vous avez des haies, pas question de les y inclure comme font nos voisins anglais. Vos haies débordent sur votre prairie, pas de soucis on retire aussi les surfaces de débordement ! Rien n’oblige pourtant la Région a prendre des dispositions aussi restrictives. Si ce n’est une vision trop monolithique et passéiste de l’agriculture.

Une lueur d’espoir ?

Gageons que la nouvelle intégration des administrations de l’environnement et de l’agriculture permette une évolution positive.

Pour une autre PAC : position de la plate forme souveraineté alimentaire

Réunis au sein de la Plateforme Souveraineté Alimentaire, les différents acteurs (syndicats agricoles, ONG d’environnement, ONG Nord-Sud et Consommateurs) ont plaidé pour d’autres orientations, basées sur le maintien des outils de régulation, sur le renforcement de la légitimité de la PAC par une rémunération des producteurs au travers des prix et sur une orientation plus durable des modes de production (voir ici). A ce titre, cette plateforme souhaite que la part des aides devant passer du premier au second pilier demeure à l’intérieur du premier et soit consacrée à des prestations environnementales (protection de l’eau, des sols, de la biodiversité et des paysages) définie au niveau européen.

Lionel Delvaux

Anciennement: Nature & Ruralité