La plupart des communes ont amélioré leurs pratiques en termes de conservation de la nature ou semblent en tous cas avoir pris conscience des enjeux en la matière. Malheureusement, les efforts réalisés restent insuffisants au regard de l’ampleur du problème de l’érosion de la biodiversité. Les autorités communales doivent donc prendre davantage leurs responsabilités dans ce domaine.
Tous groupes confondus, 31 % des espèces étudiées sont menacées de disparition à l’échelle de la Région wallonne. Et 10 % d’entre elles ont déjà disparu du territoire régional. Les causes de cette régression sont multiples et variées : pollution des eaux de surface, eutrophisation des milieux naturels, apparition d’espèces invasives, intensification de l’agriculture et de l’exploitation forestière, homogénéisation des modes de gestion, fragmentation des habitats, développement croissant des infrastructures de communication et de loisirs. Autant de problématiques sur lesquelles les communes peuvent, si elles le souhaitent, avoir une influence directe, du moins en partie.
En tant que gestionnaires d’espaces publics et propriétaires fonciers, les autorités locales sont en effet un acteur incontournable de la protection de la faune et de la flore par le maintien d’un réseau d’habitats naturels en bon état de conservation. Elles disposent en outre de compétences multiples en lien avec la préservation de la biodiversité : aménagement du territoire, délivrance de permis, gestion de l’eau et des déchets, etc. Mais rares sont celles qui développent, sur leur territoire, une stratégie globale de préservation de leur patrimoine naturel. En effet, les communes privilégient souvent la méthode du « coup par coup », initiant ou soutenant la mise en place d’actions isolées et ponctuelles en fonction des opportunités qui se présentent : aménagement d’une zone humide, organisation d’une séance d’information sur les abeilles, restauration d’un verger hautes tiges, etc. Autant de pratiques positives et à encourager, certes, mais qui resteront malheureusement bien insuffisantes si elles ne s’intègrent pas dans un programme d’actions plus global.
Intégrer d’avantage la biodiversité dans les politiques sectorielles
Il existe pourtant des outils de planification qui offrent aux communes la possibilité de développer une stratégie efficace et durable en faveur de la biodiversité dans le cadre des différentes politiques qu’elles mènent. Le Schéma de structure communal (SSC), le règlement communal d’urbanisme (RCU) ou encore le Plan communal d’aménagement (PCA) permettent par exemple de mieux planifier l’urbanisation d’un territoire en prenant en compte une série de facteurs environnementaux dont les milieux naturels et les espèces. Et pourtant, les résultats d’un sondage réalisé récemment par l’Union des villes et communes révèlent que, sur 150 communes interrogées, seules 28% d’entre elles utilisent un SSC et un RCU. Des outils de grande qualité mais visiblement largement sous-utilisés par les entités locales.
La biodiversité ne figure toujours pas au rang des priorités
La problématique de l’érosion de la biodiversité souffre, dans nos sociétés, d’un désintérêt manifeste. Serait-ce parce qu’elle ne fait l’objet d’aucun enjeu financier, économique, ou du moins pas encore ? Ou bien le lien entre l’homme et la nature s’est-il tellement distendu que nous ne parvenons plus à voir à quel point nous dépendons l’un de l’autre ? Faut-il le rappeler, la biodiversité joue un rôle important dans le fonctionnement des écosystèmes et nous rend de nombreux services : cycle des éléments nutritifs, cycle de l’eau, formation et rétention du sol, pollinisation des plantes, contrôle des organismes nuisibles et de la pollution… Inverser le processus de dégradation des écosystèmes tout en répondant aux besoins d’une population humaine grandissante constitue donc un défi majeur qui requiert des mesures fortes. Les communes sont des acteurs importants pour assurer la réussite de cet objectif. Et pourtant, les moyens financiers et humains investis par la plupart de ces dernières dans la conservation de la nature sont encore souvent insuffisants.
D’autres lacunes peuvent être pointées comme le manque de qualification du personnel communal ou des élus par rapport à certains thèmes, ce qui peut conduire à un manque de clairvoyance par rapport aux priorités et à l’efficacité des actions menées (ex : on installe des nids à hirondelles mais on ne se préoccupe pas de la disparition des insectes qui constituent leur menu principal).
La biodiversité victime de l’urbanisation
La fragmentation des habitats naturels[[Milieux dans lequel une population d’individus d’une espèce ou d’un groupe d’espèces peut normalement vivre et s’épanouir.]] figure parmi les causes majeures de l’érosion de la biodiversité. Elle est liée d’une part à l’urbanisation galopante et au développement des infrastructures routières et ferroviaires qui morcellent le territoire et d’autre part aux pratiques agricoles et sylvicoles (perte des haies, enrésinement des forêts, etc.).
Selon les chiffres que vient de publier l’IWEPS (Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique), la surface urbanisée a augmenté de 13% entre 1995 et 2009, aux dépends des espaces agricoles, forestiers et naturels. Une tendance confirmée par le rapport d’activité 2010 du CWEDD qui fait état de la multiplication interpellante des projets de lotissements au cours de ces dernières années (53 projets en 2010).
Si les communes n’ont pas de prises directes sur le phénomène -le plan de secteur est ce qu’il est- elles peuvent néanmoins atténuer leurs impacts sur les habitats naturels. En préservant ou en renforçant le réseau écologique sur leur territoire, elles peuvent en effet lutter directement contre cette menace de fragmentation provenant de l’urbanisation. Le Plan communal de développement de la nature (PCDN) peut dans ce cadre jouer un rôle essentiel, tout comme la participation aux actions d’un Contrat de rivière ou l’application du fauchage tardif des bords de routes. Malheureusement ces initiatives, bien qu’elles soient pertinentes, ne sont pas toujours synonymes d’efficacité. En effet, certains PCDN ont tendance à s’essouffler, faute de motivation des membres ou de réel soutien de la part des autorités locales, le fauchage tardif n’est pas toujours mis en ½uvre de manière globale et rigoureuse, et l’investissement des communes dans les contrats de rivière est parfois minimal.
L’amélioration de l’environnement et la préservation de la biodiversité impliquent pourtant que des choix fondamentaux soient opérés en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire au niveau local. Prenons l’exemple des lotissements. Il n’est pas si difficile de faire rimer « projet immobilier » avec « biodiversité ». Certaines communes ont ainsi intégré une série de conditions particulières favorables à la faune et la flore dans les permis de lotir. L’aménagement des ZACC constitue à cet égard un enjeu important. Bien qu’elles puissent recevoir tout type d’affectation souhaité par les communes, à l’exception de la zone d’activité économique à caractère industriel et de la zone d’extraction, les ZACC (zones d’aménagement communal concerté) sont rarement destinées à d’autres fonctions que l’urbanisation. Elles deviennent la plupart du temps des zones d’habitat, d’équipements communautaires ou d’activités de loisirs, etc. Et pourtant, d’autres possibilités d’affectation tout aussi essentielles, telles que la zone agricole ou la zone d’espace vert pourraient être privilégiées dans certains cas par les pouvoirs locaux. Quelques communes ont choisi cette option.
Des niveaux d’engagement variables
L’intérêt accordé à la préservation des milieux naturels et l’importance des actions mises en ½uvre en faveur de ceux-ci varient fortement d’une commune à l’autre. Certaines entités locales continuent à se démarquer par la quantité, la diversité et la qualité des actions qu’elles mettent en place en faveur de la biodiversité. Les comportements évoluent donc, mais bien trop lentement. Pour répondre efficacement à l’urgence environnementale, il faudrait que ces bonnes pratiques gagnent l’ensemble des communes. Comment se fait-il que dans certaines localités on n’applique toujours pas le fauchage tardif alors que dans d’autres on réalise l’inventaire écologique des ZACC afin de réfléchir à leur affectation ? Rien ne justifie de telles disparités.
Il apparaît parfois que l’objectif poursuivi par une commune consiste avant tout à cultiver, auprès de l’opinion publique, une image écologique responsable, sans se soucier réellement de la pertinence ou de la qualité des mesures mise en ½uvre. Certaines actions, axées essentiellement sur la communication (distribution de brochures, cérémonies en tout genre) relèvent parfois d’avantage du marketing que d’un réel engagement en faveur de la biodiversité. Une manière pour certaines communes, d’afficher leur intérêt pour les questions environnementales sans trop s’impliquer pour autant.
Mais tout n’est pas qu’une affaire de bonne volonté. Sans doute les communes gagneraient-elles à bénéficier aussi d’un plus grand soutien financier de la Région pour ces matières ainsi que d’un encadrement « technique » pour une mise en ½uvre d’actions réellement efficaces sur le terrain.
Extrait de nIEWs (n°88, du 17 février au 3 mars 2011),
la Lettre d’information de la Fédération.
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