Préserver la biodiversité qui, faut-il encore le rappeler, assure le bon fonctionnement des écosystèmes indispensables à notre survie est une politique qui ne peut échouer ! C’est un impératif éthique mais aussi, plus platement, économique. Nous connaissons, en outre, les moyens de la préserver. C’est donc en parfaite conscience que chaque jour nos choix de société contribuent à l’éroder un peu plus de nos territoires et de la surface de notre terre. Un choix qu’assume pleinement nos pouvoirs politiques…
Une crise majeure
Nous sommes au c½ur de la sixième crise d’extinction des espèces. Sa particularité est d’être causée par l’Homme seul et d’être 100 à 1000 fois plus rapide que les précédentes. Pourtant, ni nos politiques ni nos concitoyens ne s’inquiètent de la chose. Le monde vient de prendre conscience des dangers que représente l’utilisation de ressources financières qu’il n’a pas, mais il ne prend nullement en compte un danger bien plus grand : l’éradication des espèces vivantes qui l’entourent et dont il dispose. Ce capital, une fois perdu, et contrairement au capital financier, ne pourra être reconstruit dans un laps de temps concevable pour l’Homme. En d’autres mots, la nature n’acceptera de plan de sauvetage qu’immédiat : c’est aujourd’hui qu’il nous faut agir ! Le coût de l’inaction ? Près de 6 % du PIB mondial d’ici 2050. Aujourd’hui, chaque wallon dépense… 3 ¤ pour les politiques sectorielles de conservation de la nature !
Une Europe avec d’autres priorités
La Commission européenne a récemment publié le bilan à mi-parcours de son plan d’action pour la biodiversité . On peut y lire : “Il est fort improbable que l’UE puisse atteindre son objectif d’enrayer la diminution de la diversité d’ici 2010. Pour que l’Union européenne parvienne ne fût-ce qu’à se rapprocher de cet objectif, il faudra redoubler d’efforts tant au niveau communautaire qu’au niveau national au cours des deux prochaines années”. Souhait tout simplement avorté 15 jours avant la sortie du rapport par l’adoption du bilan de santé de la Politique Agricole Commune qui n’ a apporté aucune réponse structurelle au niveau communautaire tant en termes de transfert budgétaire que d’intégration de la biodiversité. L’agriculture est, rappelons-le, le principale secteur participant à l’érosion de la biodiversité.
Natura 2000 : une réponse très partielle
Au sein du réseau natura 2000, le constat de la Commission est cinglant : 50 % des espèces revêtant un intérêt européen ne sont pas suffisamment protégées et ce chiffre atteint 80 % pour les habitats naturels. Notre Région n’est pas en reste puisque ces chiffres atteignent 73 % pour les espèces et plus de 90 % pour les habitats naturels. Un constat accablant qui mériterait un indicateur dans le rouge pour notre réseau Natura 2000. Etonnemment, le tableau de bord de l’environnement wallon considère ce résultat comme positif en arguant de l’importance des surfaces désignées depuis 2002…
Mais ce n’est pas tout : ce réseau n’aura un régime de protection satisfaisant qu’après l’adoption des différents arrêtés de désignation, un travail qui devrait être finalisé d’ici à 2013… Et encore : ce régime de protection ne permettra réellement d’atteindre les objectifs de maintien voire de restauration de l’état de conservation que si les gestionnaires adhèrent aux différents régimes incitatifs qui leur sont proposés. Et pour s’en assurer, il faudra encore réaliser un bilan de la situation sur base de l’expérience acquise suite à la mise en oeuvre sur les 8 premiers arrêtés.
Bref, rien n’est donc acquis, même en forêts publiques, ou le statut des chênaies de substitution pourrait bien mettre à mal la réalisation de l’objectif 2010. En effet, près de 40.000 hectares de forêts indigènes au coeur du réseau Natura 2000 n’ont toujours pas de statut de protection satisfaisant.
Une Région sans plan d’action pour la nature
Malgré les engagements internationaux, notre Région ne dispose pas d’un véritable plan d’action pour la sauvegarde de notre biodiversité. Seul le Fédéral semble réellement s’impliquer mais avec des compétences – et donc des possibilités d’action – trop limitées. Au Régional, un Plan d’action pour la nature a pourtant été déposé en début de législature mais il n’a jamais été adopté par le gouvernement. Les crises économiques ont bon dos…
Dans les faits, cette inaction trouve confirmation, au-delà des bien diplomatiques formulations, dans le Tableau de Bord de l’Environnement (p.154) puisque l’état de conservation de notre faune et de notre flore y est dans le rouge. L’engagement du gouvernement au cours de cette législature à enrayer la perte de biodiversité s’est clairement heurté au réalisme politique : pas de renforcement des budgets à la hauteur des enjeux ni d’intégration de la biodiversité dans les autres politiques sectorielles, à l’exception de la gestion forestière publique et de la mise en ½uvre de Natura 2000.
A la vitesse actuelle, notre région mettra 300 ans pour constituer un réseau de sites naturels sous statut de conservation de la nature… Et notre Région continuera à trainer les pieds pour mettre en ½uvre de manière ambitieuse les politiques transversales nécessaires à la préservation de la biodiversité. Citons notamment la protection indispensable des cours d’eau (imposée d’ailleurs par la directive-cadre « eaux ») ou les bonnes conditions agricoles et environnementales et la conditionnalité en agriculture. Un bilan plutôt négatif pour une région qui devra assumer, lors la présidence belge, l’objectif 2010 au second semestre 2010.
Un plan de sauvetage pour la nature
Ce n’est plus un Plan d’action pour la nature qu’il faut mettre en place mais bien un Plan de sauvetage, avec la même volonté de régulation et des moyens comparables à ceux mis en place pour corriger les égarements et les méfaits d’une économie dérégulée. Et l’ambition ne doit plus être d’enrayer l’érosion de la biodiversité – un objectif par trop minimaliste – mais d’en assurer la « croissance » en restaurant l’intégrité et les fonctionnalités de nos écosystèmes.
Ce plan devra mettre en ½uvre les politiques européennes comme la directive-cadre « eaux », la conditionnalité agricole (et à travers elle établir un taux de surfaces de prestations environnementales d’au moins 5 % dans les espaces agricoles). Mais notre Région devra également développer un réseau régional des espèces menacées et assurer les connectivités entre les différents sites protégés. Il faudra également mettre les moyens pour lutter contre les facteurs émergeant pesant sur la qualité de nos écosystèmes : le développement des espèces invasives et l’impact des changements climatiques.
Espérons que notre responsabilité lors de la Présidence belge de l’union européenne inspire nos politique qui se décideront enfin à mettre des moyens à la hauteur des enjeux.