Année internationale oblige, la biodiversité est omniprésente. Conférences, colloques, séminaires, etc. pour les « fans »; radio, télé, presse quotidienne pour le grand public. Les publicitaires toujours à l’affût d’un potentiel « verdissement » ne se privent pas de surfer sur la vague. Les discours oscillent entre les « acquis positifs » et les « pertes irrémédiables ». Mais une analyse lucide des faits révèle l’inertie en la matière et donc, l’ampleur des défis à relever.
Quand on souhaite communiquer sans froisser, il est de bon ton de parler « positif ». Ce qui en matière de biodiversité donnerait par exemple ceci: la biodiversité c’est la vie, et, dans nos villes, elle se porte bien ! Les populations d’abeilles sauvages y trouvent un refuge inespéré, chassées de nos campagnes par quelques molécules polémiques. Ou encore : de nombreuses espèces emblématiques ont réalisé un véritable come-back : castors, cormorans ou hérons pour les plus polémiques, mais aussi cigognes noires, faucons pélerins, hiboux grand-duc et autres rapaces diurnes, voire lynx pour les plus discrets. Il y a là de quoi se réjouir! Nombreux sont aussi les projets qui ont permis de restaurer en une décennie des joyaux de notre biodiversité. Certes.
Un verre à moitié vide…
Si l’espoir fait vivre – souvent dans l’illusion – regarder en face, lucidement, les constats globaux et notre responsabilité nous remet les deux pieds sur terre : nos écosystèmes s’appauvrissent à une vitesse jamais atteinte au cours de l’histoire de la planète. La sixième extinction, c’est tout simplement la perte en 7 ans de 30 % de la biodiversité au sein de nos espaces ouverts et ce, en Wallonie, pas en Amazonie ! Heureusement, cette tendance est moins importante en forêt au sein desquelles, faut-il le préciser, la perte de biodiversité remonte à des époques antérieures. La communauté internationale s’était engagée à infléchir cette tendance pour 2010 et l’Europe, allant plus loin encore, s’était engagée à arrêter l’érosion de la biodiversité. Neuf ans plus tard, sans avoir pris de mesures ambitieuses pour atteindre leurs objectifs fixés, tant la communauté internationale que l’Europe s’apprêtent à reformuler des engagements.
Vers de nouveaux engagements
La dixième Conférence des parties de la Convention sur la biodiversité se tiendra en octobre à Nagoya au Japon et la communauté internationale devra y adopter de nouveaux objectifs. La Commission européenne vient de publier une communication établissant les options possibles pour l’après 2010 dans laquelle sont précisés ses objectifs. Les options possibles qui seront discutées en Conseil européen varient, du report en 2020 de l’objectif international d’infléchir la perte de biodiversité – la version minimaliste – à la restauration de la biodiversité au sein de l’UE accompagnée d’une contribution à la prévention de la perte de biodiversité – l’option maximaliste. Précisons que la notion de biodiversité est maintenant étendue, d’un point de vue sémantique, aux services écosystémiques. Les options intermédiaires, quant à elles, se limitent au report des engagements que l’Union n’a pu tenir pour 2010, dans une version légèrement renforcée du fait qu’elle viserait également la restauration des services écosystémiques (sans pour autant garantir l’attrait en termes de biodiversité).
Des paroles mais peu de concret
Au delà de ces différents niveaux la Commission envisage cinq pistes dont certaines sont pour le moins réchauffées, comme la mise en ½uvre du réseau Natura 2000, la création d’un GIEC de la biodiversité et la mise en place d’indicateurs sectoriels. D’autres paraissent anecdotiques tant la commission reste floue sur les moyens : « approfondir les politiques relatives aux sols et aux espèces exotiques envahissantes (…) et les services écosystémiques. ». La Commission aborde également l’importance du réseau écologique, rebaptisé trame verte dans cette version « light », annonçant la mise en place d’une stratégie européenne sur la question qui se limiterait à valoriser les bonnes pratiques des états membres.
L’intégration de la biodiversité dans les politiques sectorielles – un point qui devrait être prioritaire – se limite à la description d’un cadre de décision pour la politique de la pêche et à la rémunération des services écosystémiques liés à l’agriculture et aux forêts via les budgets du développement rural. Il s’agira de rétribuer « les activités agricoles et forestières ayant une haute valeur naturelle dans le contexte de la Politique Agricole Commune ». Une option qui devra être adoptée avec la réforme de la PAC en 2013.
Sur le volet « financement », la Commission reconnait les insuffisances actuelles du budget pour assurer la mise en ½uvre de Natura 2000 sans apporter d’autre réponse que d’utiliser le budget du développement rural… Au niveau international, la Commission souhaite intégrer la notion d’équité dans le traitement de la question de la biodiversité, ce qui devrait se traduire par le financement des services écosystémiques au-delà des frontières européennes. Enfin, l’Union examinera également l’impact de ses schémas de consommation sur la biodiversité au-delà de ses frontières, un premier pas vers la nécessité d’une certaine décroissance…
De l’Europe à la région wallonne
La communication de la Commission laisse ouverte toutes les voies : ce sont les États membres qui donneront le « la ». Des états membres qui ont déjà fait entendre des avis assez contrastés puisque certains estiment que l’Europe fait déjà trop pour la biodiversité… A l’exception majeure de Natura 2000 et de la Directive Cadre Eau, l’Europe reste pourtant particulièrement timide en matière de biodiversité même si, dans le cadre de ses compétences, elle développe une vision de plus en plus transversale de celle-ci. Une vision transversale qui s’est trop souvent opposée à la vision très verticale et aux objectifs minimalistes en la matière de certains États membres.
A niveau de la Région wallonne, la Déclaration de Politique Régionale apporte des réponses qui doivent encore se concrétiser. Une concrétisation qui a déjà fait défaut, lors de la législature précédente, puisque le Plan d’action pour la nature s’est rapidement transformé en communication actée par le gouvernement avant d’être soigneusement rangée dans les placards.