L’interdiction française d’utilisation du BPA dans les contenants alimentaires n’a pas ravi l’industrie, on s’en doute. Mais les tentatives des lobbys industriels pour casser cette législation génèrent des résultats pour le moins surprenants. Explication.
Le Conseil Constitutionnel français, saisit par Plastique Europe pour contester la législation sur l’interdiction de mise sur le marché, l’importation et la fabrication de contenants alimentaires avec du Bisphénol A vient de rendre sa décision. La première partie de la législation est considérée comme constitutionnelle. L’argument de Plastic Europe considérant qu’elle met à mal la volonté d’entreprendre par une interprétation excessive du principe de précaution est donc rejeté par le Conseil. Cette décision du juge est liée au respect du principe de proportionnalité et de l’objectif de la protection de la santé de la femme et de l’enfant. Excellente nouvelle donc, car ce faisant le Conseil reconnait que l’interdiction de vente et d’importation de contenants alimentaires contenant du BPA est une mesure adéquate pour protéger la santé des personnes les plus vulnérables des effets de ce perturbateur endocrinien.
Mais, et c’est là que l’on commence à se poser des questions, l’interdiction de fabrication et d’exportation est quant à elle anticonstitutionnelle. La législation française vise en effet à protéger les citoyens… français. Quand l’Etat français prend des mesures pour protéger sa population d’un risque sanitaire, elle ne peut l’élargir aux citoyens des Etats vers lesquels les contenants alimentaires seront exportés, ni interdire la fabrication de ces produits sur son territoire. En gros c’est laisser fabriquer un poison, tant qu’il est vendu sur un autre territoire et qu’il n’intoxique pas les citoyens français…
L’Etat français reconnaît donc pleinement que le Bisphénol A est dangereux pour la santé et fait le nécessaire pour en protéger sa population. Ce faisant, il ne fait que suivre une nouvelle étude, publiée ce lundi par l’Endocrine Society (dont voici le résumé exécutif : « Executive Summary to EDC-2: The Endocrine Society’s Second Scientific Statement on Endocrine-Disrupting Chemicals ») qui appelle à l’adoption de mesures politiques pour réduire l’exposition des citoyens aux perturbateurs endocriniens, du fait de leur contribution – qui ne fait plus aucun doute pour l’institution au vu de la littérature accumulée ces 5 dernières années – dans le développement de maladies chroniques, comme l’obésité, le diabète et le cancer, notamment.
Si le Conseil Constitutionnel français estime qu’il est anticonstitutionnel pour la France d’interdire la fabrication et l’exportation de contenants alimentaires contenants du BPA sur son territoire, rien n’empêche nos députés et notre gouvernement fédéral d’élargir le champs d’application de la législation existante dans notre pays. Cet élargissement doit viser non seulement à bannir le BPA de l’ensemble des contenants alimentaires, à l’instar de la France, mais aussi à définir une stratégie belge visant à protéger les femmes enceintes de l’exposition aux perturbateurs endocriniens, quelle que soit leur origine (pesticides, contenants alimentaires, cosmétiques, etc)…
Si ce type de décision ne peut se prendre au minimum à l’échelle du continent, on est en droit de se demander à quoi sert l’Europe, si ce n’est à être au service exclusif des entreprises et du marché.