Le système de bonus-malus octroyé/perçu par la Région wallonne à l’achat d’un véhicule automobile vient d’être remanié pour la seconde fois. Heureuse des versions 1 et 2, l’industrie automobile ne décolère pas face à cette troisième mouture qu’elle considère comme une trahison. Le Ministre Antoine, en charge du dossier, se justifie en arguant du caractère nécessairement évolutif du système. Pour notre Fédération, un remaniement complet de la taxe de mise en circulation (TMC) tel que nous le proposons de longue date permettrait de simplifier le système, d’en assurer la lisibilité par le citoyen et d’en faire un véritable outil de pilotage public des comportements d’achat. Trop simple ?
Le système de bonus/malus, introduit en 2008 (et annoncé à la veille du Salon de l’auto, avant même que le Parlement ne vote le Décret l’instituant !) avait – à juste titre – été identifié par la Fédération belge de l’industrie automobile et du cycle (FEBIAC) comme une mesure de soutien au secteur. En dépit de cette visée avant tout économique, le système a néanmoins permis une diminution significative des émissions de CO2 des véhicules neufs vendus en Wallonie. Mais à quel prix… En 2008, les 128.000 dossiers de bonus ont coûté 43,87 millions aux finances régionales alors que les 10.141 dossiers de malus ne rapportaient que 2,9 millions. Pour les 9 premiers mois de 2009, la situation était semblable : 92.046 dossiers et 36,4 millions de bonus; 9.827 dossiers et 2,9 millions de malus. Soit, globalement, onze fois plus de dossiers de bonus que de malus et des sorties financières 13 fois plus élevées que les rentrées.
Un système remanié fut alors introduit en janvier 2010, avec des seuils d’octroi de bonus et de perception de malus rabaissés. On annonçait alors un « solde » positif de 36 millions d’euros. Las ! Il semblerait que, conformément à nos prévisions, et pour l’exprimer avec retenue, ces estimations étaient quelque peu surfaites : les bonus continuèrent en effet à dangereusement vider les finances régionales. Il fallait dès lors trancher dans le vif. Ce qui fut fait dans le cadre du Décret-programme voté en juillet 2010 par le Parlement wallon. Le seuil d’octroi d’un bonus est rabaissé de 125 à 98 gCO2/km alors que le malus est maintenu dans sa forme précédente.
Et l’environnement, dans tout cela ? Il constitue essentiellement voire exclusivement un outil de communication. Initialement calibré en tant que soutien à l’achat de voitures (et reconnu comme tel par le secteur), le système fut remanié en raison du déséquilibre budgétaire qu’il induisait. La récente communication du Ministre du Budget selon laquelle le remaniement est induit par la nécessité de suivre l’évolution du marché vers des véhicules toujours moins polluants n’est pas crédible. Certes, un système de bonus-malus, pour être performant, doit être évolutif. Mais peut-on raisonnablement soutenir que les progrès technologiques ont permis, en huit mois (de janvier à août 2010) d’abaisser de 27 gCO2/km (sur 125, soit – 20% !) les émissions des véhicules neufs ? Non, bien sûr. Et l’on comprend dès lors que la FEBIAC soit crispée : grande spécialiste de l’utilisation abusive de l’argument environnemental, elle ne supporte guère de voir d’autres en faire le même usage… à son détriment !
Pour nous, si l’on vise la réduction de l’empreinte écologique de la voiture, il est beaucoup plus efficace d’introduire les modifications suivantes à la taxe de mise en circulation (TMC)
supprimer le système de bonus/malus ;
établir le calcul de la TMC sur base des émissions de CO2 et non plus de la puissance fiscale ;
pour les véhicules alternatifs (électriques principalement) émettant moins de 80gCO2/km, fixer la taxe à 500 euros, pour prendre en compte l’empreinte écologique associée à la construction ;
pour les véhicules dont les émissions sont supérieures à 80 g/km, adopter une loi d’évolution linéaire de 20 euros par g/km : cette valeur, qui peut paraître élevée a priori, reste faible en regard des pratiques de certains pays européens ; ainsi, la taxe due pour un véhicule émettant 150 g/km sera de 1480 euros, ce qui représente un niveau susceptible de constituer un véritable incitant à s’orienter vers un véhicule moins émetteur.
Avec un tel système, le citoyen peut directement calculer la TMC sur base des émissions de CO2, qu’une directive européenne impose d’afficher sur tout document promotionnel.
Pour une analyse complète et une mise en perspective à la lumière des pratiques dans les autres pays européens, on se rapportera utilement au dossier « Taxer plus, taxer mieux, plaidoyer pour une fiscalité automobile au service de l’environnement » publié il y a quelques mois par la Fédération.