Avec son autoroute urbaine, ses 4×4, ses shopping centers, ses grands hôtels de luxe climatisés, Cancun apparaît quasi plus américaine que mexicaine ! Pour ceux qui rêvaient d’une COP aux Etats-Unis, l’alternative ne pouvait pas être plus ressemblante… Ce décor presque familier, les plages enchanteresses en plus, n’a pourtant pas contribué à assouplir les positions de la délégation US, bien au contraire.
Les Etats-Unis se sont d’ailleurs vu décerner, hier et aujourd’hui, pas moins de trois « fossiles du jour » qui, selon la tradition, épingle dans le bulletin quotidien des ONG environnementales, l’ECO, les pays ayant affiché un comportement particulièrement négatif dans les négociations.
Tout le monde savaient que les Etats-Unis ne joueraient pas un rôle de pointe dans ses négociations. Après la défaite du Parti Démocrate aux élections de mi-mandat, début novembre, l’adoption d’une loi climat aux Etats-Unis et donc la participation du pays à tout accord international contraignant sont en effet exclues jusqu’à la fin de la présidence d’Obama. Mais si les négociateurs américains n’ont pas grand chose à offrir, ils pourraient au moins avoir la décence de faire profil bas et ne pas bloquer les négociations. Or, hier, après une semaine relativement calme, les Etats-Unis sont sortis de leur silence de manière tout à fait inopportune. Ils se sont en effet opposés à un objectif global de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les pays développés de 25% à 40% d’ici 2020 par rapport à 1990, soit l’objectif recommandé par les scientifiques…
Aujourd’hui, les Etats-Unis ont reçu un premier « fossile » pour le blocage de la mise en place d’un mécanisme permettant le transfert de technologies propres vers les pays en développement. Cette attitude est d’autant plus étrange que l’ « Accord de Copenhague » conclu l’an dernier convenait déjà d’établir ce mécanisme. Alors que les négociateurs ont travaillé dur toute l’année et que tout le monde est prêt à se montrer flexible, les Etats-Unis posent aujourd’hui comme condition préalable des avancées suffisantes dans d’autres domaines des négociations, plus particulièrement en matière de réduction des émissions et de transparence. Cela parce que les entreprise américaines de technologie propre craignent la mise en place d’un organe bureaucratique lourd… alors que c’est précisément ce dont le climat a besoin : une approche coordonnée permettant aux pays en développement de se tourner vers un avenir à faibles émissions.
Et les Etats-Unis n’en restent pas là : ils ont reçu dans la foulée un deuxième fossile qui, cette fois, stigmatise leur volonté de retarder un accord sur la création d’un « Comité d’adaptation ». Cette structure demandée par les pays en développement devrait améliorer la coordination des actions leur permettant de faire face aux conséquences des changements climatiques qui les frappent.
La position de la délégation américaine est clairement de considérer les différents éléments des négociations comme un bloc indissociable. Une stratégie qui risque de bloquer toute avancée ici à Cancun tant il est vrai que les progrès enregistrés diffèrent fortement selon les éléments négociés et que de sérieux blocages subsistent sur certains points (voir article précédent). Il est pourtant essentiel de pouvoir prendre des décisions sur les sujets les plus mûrs afin de relancer la confiance dans le processus multilatéral, mise à mal après la désillusion de Copenhague.
Le « paquet de décision équilibré », une expression sur les lèvres de tous les négociateurs, doit se concevoir dans le temps avec, espérons-le, un accord global en 2011 à Durban, en Afrique du Sud. Le pragmatisme voudrait dès lors que l’on avance pas à pas, avec des décisions arrêtées sur les sujets matures (REDD+, financement, technologies) qui auraient un effet de cliquet, évitant les retours en arrière.
Pour l’heure, tout reste encore possible… Si, pour l’instant, les progrès semblent encore incertains, beaucoup de choses peuvent évoluer dans les prochaines heures. Les négociations sont entrées dans la dernière ligne droite et les consultations au niveau ministériel battent leur plein. Contrairement à l’année dernière, les négociateurs proposent cette fois aux ministres des textes avec des options claires ; des décisions sont donc possibles.
Le choix est entre les mains de nos décideurs. Puissent-ils ne pas ignorer l’urgence de la situation et les attentes de leurs populations…