Le gouvernement vient de lancer un appel a projet pour la construction d’une centrale électrique fonctionnant aux pellets principalement importés. D’après la presse, le Ministre Furlan qui a la main sur le projet, entend avoir signé avec un opérateur début 2017 et mettre la centrale en route en 2021…
Dans un rapport sorti en décembre dernier, nous soulignions à quel point ce projet de centrale risquait de coûter cher, apporterait peu à l’économie wallonne et surtout était plus que questionnable en terme de durabilité. Nous développons ici les raisons pour lesquelles ce projet de centrale biomasse électrique de 200 MW doit être réévalué et nous appelons le Gouvernement à se coordonner avec les autres autorités impliquées.
Cette centrale est-elle nécessaire pour notre approvisionnement ?
Dans le millefeuille institutionnel belge, la question de la sécurité d’approvisionnement est du ressort du Gouvernement fédéral et de sa ministre, Marie-Christine Marghem. A sa demande, le gestionnaire de réseau Elia vient de sortir un rapport qui montre que, dans le cadre d’une prolongation des centrales nucléaire de Doel 1 et 2, notre pays n’avait pas besoin de capacité centralisée supplémentaire d’ici à 2O25. Si le Gouvernement fédéral persiste dans son agenda nucléaire, une centrale biomasse se verrait donc vraisemblablement condamnée à tourner quelques heures par an (voire pas du tout), en tous les cas au cours des premières années d’exploitation ? On s’interroge donc sur les motivations du Gouvernement wallon à vouloir faire avancer aussi vite ce projet de centrale pellet. D’autant que pour garantir une rentabilité suffisante au projet, les opérateurs répondant à l’appel d’offre réclameront un soutien financier (octroyé via le mécanisme de certificats verts) proportionnel au faible nombre d’heures de fonctionnement escompté.
Il serait plus cohérent que la Région wallonne (mais la remarque vaut aussi pour la Région flamande) développe ses projets de centrale électrique en fonction des capacités électriques nécessaires pour notre approvisionnement, et donc en concertation avec les autres entités fédérées. La Ministre Marghem a d’ailleurs lancé son chantier de pacte énergétique et entend le faire aboutir d’ici à la fin de l’année. De quoi s’agit-il ? Et bien justement de déterminer nos besoins en nouvelles centrales électrique d’ici à 2030. Une coordination avec les régions est d’ailleurs prévue. Est-on à ce point pressé par le temps que nous ne puissions attendre le résultat de cette coordination nationale ? D’autant que les conclusions de cet exercice risquent d’être (si on se base sur les conclusions de l’étude d’Elia en tout cas) que nos investissements devraient s’orienter vers des unités plus flexibles plutôt que dans une centrale construite pour tourner en «continu ».
Des critères de durabilité déterminés au niveau européen…
Le Gouvernement wallon a promis que la nouvelle centrale au pellet répondra à des critères très strictes de durabilité. Un jury serait même mandaté pour exclure les projets de centrale n’y répondant pas. Comme nous le soulignions dans notre rapport, des critères de durabilité beaucoup plus strictes que ceux appliqués aujourd’hui sont nécessaires et méritent certainement un débat et une réflexion commune entre les acteurs de la filière et les organisations environnementales. Cela requiert du temps.
D’autant que la Commission européenne est elle-même occupée à développer des critères de durabilité pour la biomasse ! Une « législation » (un règlement, une directive ou des recommandations ? La forme légale de ce texte législatif n’est pas certaine) est attendue pour l’été dans le cadre du paquet « climat énergie » 2030… Quel que soit le statut de ce texte, il parait raisonnable d’attendre sa sortie plutôt que de développer à la va vite des critères qui seraient en contradiction avec le prescrit européen à venir
Pourquoi se presser ?
Au vu de ces éléments, il serait peut-être opportun de prendre le temps de réfléchir et de se coordonner un minimum. Rien ne presse ! La centrale au pellet arrivera de toute façon trop tard pour aider à atteindre l’objectif renouvelable 2020 (elle est prévue pour 2021) et la prochaine échéance renouvelable est en 2030. Cela nous laisse le temps de réfléchir à la manière de booster le déploiement éolien et photovoltaïque ainsi que l’efficacité énergétique, et de réfléchir à la meilleure manière de développer une filière biomasse efficace, durable et locale. Il existe bien d’autres pistes que de bruler des pellets importés dans une centrale au rendement très faible. Ne serait-il pas temps de développer et de soutenir sérieusement la chaleur renouvelable comme l’annonce d’ailleurs le nouveau plan climat ? C’est définitivement dans cette direction et celle de la cogénération qu’il faut chercher. En tous les cas, la biomasse et à fortiori le bois, est une ressource beaucoup trop rare pour la gaspiller.