Comme promis, nous vous livrons ici une nouvelle « édifiante » histoire de chasse…
La chasse, ce n’est pas que du sport et du grand air… C’est aussi le lieu où les grands de ce monde, hommes politiques, magnats de la finance, grands entrepreneurs et hauts fonctionnaires se rencontrent, négocient et scellent de nouvelles alliances et de nouveaux projets. Entre deux battues, des apartés utiles offrent de nouvelles perspectives ou des arrangements à l’amiable : la chasse procure d’incomparables moments d’intimité dans des décors grandioses. Au fond des campagnes, allégés de leurs charges et de leurs conventions, ces « grands » de ce monde retrouvent une simplicité de ton et une liberté de propos qu’ils sont loin d’adopter dans leurs cercles professionnels ou même les golfs prestigieux qu’ils affectionnent.
Le décor est en place. Imaginez une chasse organisée par un de ces barons de la finance, entre gens de bonne compagnie donc. La brume se lève, les traqueurs sont au rendez-vous et les chiens piaffent d’impatience. Un cortège de véhicule tout terrain, plus rutilants les uns que les autres, arrive, prêt pour une journée de chasse dont la réputation du propriétaire dépasse les frontières. Chacun est revêtu pour la circonstance des griffes les plus renommées et des armes les plus chères. Le groupe se rassemble et les personnalités se mesurent. C’est à ce moment précis qu’arrivent l’Unité Anti-Braconnage. Cette irruption met un terme à tous les préparatifs. La sanction tombe : le territoire de chasse est clos, la chasse ne peut avoir lieu ! « L’ouverture » laissée par les grilles grandes ouvertes pour accueillir les convives ne laisse pas la place pour ces messieurs à interprétation de la Loi sur la chasse. Et voilà comment une partie de chasse se termine en partie de carte…
Décryptage
La question des clôtures déborde sur celle du nourrissage puisque les clôtures permettent de conserver le gibier, élevé au maïs, sur le territoire de chasse qui l’a nourri. Et le gibier visé ne se limite pas au sanglier, que seul la Loi autorise de nourrir au grain toute l’année, mais bien aux cervidés qui accourent, avec les sangliers derrière le distributeur de maïs. Quand la faune sauvage se fait animal d’élevage, il ne restait plus qu’un pas pour se l’approprier…
Le Ministre José Happart a adopté une circulaire interprétative du décret de 1994 en 2000, circulaire qui réinterprétait la Loi et l’esprit du législateur. Ni les recours au Conseil d’État, ni l’avis de la Cour d’arbitrage n’ont pas permis de clarifier cette question des clôtures.
Cette illustration illustre aussi un dysfonctionnement plus grave, au sein de notre administration. Sur le terrain, les accointances entre fonctionnaire public et propriétaire privé ne sont pas rares et certains agents de l’administration ont même une double casquette : agent de triage et garde chasse privé. Difficile dans ces cas de faire respecter la Loi ou son esprit. En l’occurrence, il nous faut bien croire que pendant quelques années, « on » aura fermé les yeux au niveau local jusqu’à l’intervention de l’UAB…
Position
La Fédération revendique le respect de l’esprit du décret, à savoir l’interdiction de la chasse sur tout territoire clôturé, même partiellement. Pour cela, la Fédération demande une clarification de la Loi à travers une révision du Décret.
Références
Les termes de la Loi sur la chasse : « Art. 2ter. En Région wallonne, la chasse à tout grand gibier est interdite sur un territoire clôturé sous peine d’une amende de 4,96 à 24,79 euros. La présente disposition ne s’applique pas aux territoires ou parties de territoire délimités par des clôtures installées pour la sécurité des personnes ainsi que pour la protection des cultures et le maintien du bétail, à l’exclusion de toute autre clôture. Le Gouvernement détermine la hauteur de ces clôtures. »
L’esprit du législateur était clair, comme le commentaire des articles du décret le confirme, il s’agissait bien d’interdire la chasse au sein d’un espace clôturé qu’il le soit partiellement ou complètement : « Un nouvel article 2ter interdit la chasse de tout grand gibier dans tout territoire clôturé, essentiellement dans un objectif de conservation de la faune gibier sauvage. Cette faune sauvage est déjà suffisamment entravée par les clôtures de protection et de sécurité, notamment le long des autoroutes. Il faut lui laisser la possibilité de migrer et de se déplacer en fonction de son instinct et faciliter son libre parcours. Par ailleurs, il faut mettre fin à un déséquilibre entre l’animal et son milieu, qui peut avoir des conséquences graves tant au niveau du sol que de la pérennité de la forêt. Enfin, afin de maintenir un patrimoine génétique diversifié, seul garant d’une pérennité des espèces, le libre parcours des populations animales est une nécessité. Il n’est pas porté atteinte au droit civil de clore, attribut direct du droit de propriété, lequel n’est au demeurant pas absolu (voir article 544 du Code civil) puisque ce qui est interdit, c’est de chasser sur un territoire clôturé, et non de clôturer un territoire. Par ailleurs, il appartient bien à la seule autorité décrétale d’estimer que le libre parcours du gibier doit être assuré pour la totalité de la Région wallonne, partout et sans aucune solution de continuité, pour des raisons biologiques. »
La circulaire du 12 octobre 2000 relative à la définition du « territoire clôturé » visée à l’article 1er, §1er, 10°, de la loi du 28 février 1882 sur la chasse interprète ainsi la notion de territoire clôturé : « Par territoire clôturé, il faut entendre un territoire entièrement clos. »
Du nouveau
Il semblerait qu’un courrier ait été envoyé par l’administration à tous les gestionnaires de territoire de chasse clôturé ou partiellement clôturé leur signifiant la fin de la « récréation ». L’administration envisagerait de faire respecter l’interdiction de chasser, le cas échéant. A suivre donc.