Comme promis, nous vous livrons ici une nouvelle « édifiante » histoire de chasse…
Début 2010, la Commune de Wellin perdait sa certification forestière avec, en toile de fond, un locataire de chasse entretenant de fortes densités de sangliers et de cervidés sur le territoire loué à la commune. Afin de maintenir des forêts bien giboyeuses, de nombreuses clôtures limitaient le déplacement du gibier. Le cas qui suit illustre combien cette question des clôtures, a priori de peu d’intérêt, a mobilisé les passions, les énergies et les moyens d’une certaine caste de chasseurs.
Le « bloc de Wellin » est fortement clôturé mais pas totalement. A l’occasion de la relocation du bail de chasse, en 2008, le Ministre compétant a rappelé à la commune, par courrier, l’esprit de la Loi sur la chasse tel qu’adopté par le Parlement en 94, appelant donc cette dernière à inclure une clause dans son bail de chasse exigeant le démantèlement des clôtures existantes. Il y signifiait que la présence des clôtures autorisées par ce bail rendait illégal l’exercice de la chasse et qu’il appartenait à la Commune de procéder ou de faire procéder à l’abaissement des clôtures. La commune de Wellin s’est contentée de communiquer ce courrier aux locataires de la chasse…
Mais comme la majorité des forêts communales, la forêt de Wellin est aussi certifiée « durable » à travers le label PEFC. Suite à un audit, le PEFC a relevé le problème des surdensités de gibier et le problème des clôtures, non conformes à la Loi. La Commune a alors introduit un recours auprès du PEFC qui n’a pas retenu cette question des clôtures, à cause des risques juridiques soulevé par l’avocat des chasseurs quant à l’interprétation de la Loi. En recours, le PEFC a cependant confirmé la perte de la certification pour cause de surdensité de gibier…
Tout ce ramdam a finalement amené l’administration du DNF à dresser (enfin) procès verbal. Contre toute attente, le procureur du Roi ne donna pas suite. Fort heureusement, le récent décret sur les infractions environnementales permet à l’administration de poursuivre ce type d’infraction avec, comme sanction éventuelle, une amende administrative. Intervient alors le fonctionnaire « sanctionnateur » régional, qui fait office de « juge administratif ». Ce dernier a acquitté le prévenu sur base d’un argumentaire des plus légers : l’existence sur le site du DNF d’une circulaire désuète ouvrant une interprétation ambigüe de la Loi.
La Commune, bien décidée à récupérer sa certification, a notamment pris les mesures nécessaires pour interdire les clôtures présentes sur plusieurs territoires de chasse. Elle n’est pas intervenue en arguant des dispositions décrétales mais bien par le biais de dispositions existantes de son cahier des charges. Les clôtures devront donc être rabaissées à 1,20 m progressivement, sur 3 ans.
Wellin a donc exigé le respect de son cahier des charges mais, pour ce faire, a dû démonter elle-même la clôture litigieuse. Et c’est là que nos chasseurs dérapent encore : 2 jours plus tard, une nouvelle clôture apparaissait, à moins d’un mètre de la précédente, sur la commune voisine. Mais le jeu ne s’arrête pas là : la commune voisine impose également le démontage de la clôture sous peine d’astreinte financière. Une astreinte de 25 euros par jour, soit une bagatelle pour le locataire de la chasse, un groupe de presse influent…
Devant la (mauvaise) volonté affichée de certains mandataires communaux, l’administration régionale a récemment décidé de reprendre la main. Un courrier appelant à supprimer les clôtures litigieuses aurait récemment été envoyés aux gestionnaires de territoires de chasse clôturés, même partiellement, avec l’ambition affichée d’y interdire la chasse si ces derniers ne se conforment pas à la Loi. On attend impatiemment la suite… au jardin d’enfants, l’imaginaire des chasseurs est une ressource renouvelable.
Décryptage : passion, orgueil et vanité
Ce petit jeu n’est pas anodin. Seuls quelques nantis influents se permettent de se jouer ainsi de la Loi, du législateur et de ceux qu’ils représentent… La chasse est sociologiquement associée au pouvoir, surtout dans un pays qui n’a pas fait sa révolution… Le beau trophée illustre le prestige de celui qui l’a abattu. C’est aussi un moment très investi socialement, pour être encore dans le coup, dans les cercles d’influences… Et puis, dans ce contexte de chasse, les grands propriétaires sont aussi de la partie et certains regagnent ainsi, l’espace d’un jour, le prestige perdu avec la fin de leurs privilèges. Ce n’est pas un hasard, la question des clôtures symbolise celle des atteintes au droit de propriété. Un droit que certains voudraient inaliénable, refusant de concevoir que le droit de propriété s’accommode de l’acceptation d’un minimum de concessions.
Les moyens financiers et humains dont disposent certaines chasses, pour assurer un tableau prestigieux et giboyeux, capable de ravir leurs invités de marque ou plus trivialement leurs actionnaires laissent peu de place à la recherche d’un réel équilibre entre la forêt et sa faune sauvage. La seule fonction cynégétique dicte sa Loi à la forêt avec les dérives les plus graves : nourrissage permanent du gibier, cultures de maïs en forêt, clôtures pour préserver « son cheptel », lâchers de grand gibier d’élevage la veille de l’ouverture, … Autant de dérives légales et illégales mues par la passion, l’orgueil et la vanité.