Le nourrissage du gibier est un sujet qui passionne. Suite aux communiqués de presse de la Fédération et de Natagora dénonçant le nourrissage, le journal « Vers l’Avenir » a mis en ligne un sondage qui pose (des) question(s). Se posant en arbitre de ce débat, la position défendue par le Directeur Général de la DGO3 (Agriculture, Ressources Naturelles et Environnement), Claude Delbeuck, nous a également laissé perplexes.
Les questions posées à travers le sondage de « Vers l’Avenir » sont malheureusement orientées et fortement éloignées des réels enjeux liés au nourrissage. En effet, le nourrissage dissuasif du sanglier n’assure pas de protection suffisante aux cultures ni même aux prairies. Seules les clôtures électriques qui bordent la majorité de nos forêts assurent ce rôle. Il reste par ailleurs étonnant que ceux qui arguent du bien-être animal entretiennent, dans le seul but de chasser, des densités 3 à 4 fois supérieures à ce que le milieu naturel peut supporter. Ce que nous attendons des chasseurs, ce sont des densités compatibles avec nos forêts. La mortalité hivernale, rare dans ce contexte, participe à la sélection naturelle souhaitable et ne touche pas le gibier qui est sain, quelles que soient les rigueurs du climat. L’enjeu pour notre Fédération est celui d’atteindre une pression du gibier équilibrée pour la biodiversité, la gestion forestière et la chasse. Pour le Royal Saint-Hubert Club de Belgique (RSHCB), l’enjeu est de préserver leur prérogative, à savoir, décider seul des densités de gibiers qu’ils imposent à la biodiversité et à la forêt.
Dès la diffusion de ce sondage, le RSHCB a exhorté ses membres et ses proches à voter en faveur du nourrissage. Il s’est également étonné d’entendre les associations environnementales s’exprimer sur ce sujet alors qu’un « Forum Chasse » doit aborder prochainement cette question. Il oublie de dire que ce Forum sur la chasse a demandé une entrevue au Ministre pour faire part de ses premières conclusions et que la porte reste close, depuis le 8 août… A défaut de prise en charge politique de ce dossier, il revient bien au monde associatif de (re)mettre le point à l’ordre du jour. Au-delà de ces éléments ponctuels, notre Fédération considère que la politique ne se fait pas à coup de sondage, qui plus est, orienté à ce point.
Par ailleurs, la sortie du Directeur général de l’Administration considérant « sa solution » comme acquise nous laisse pantois. Celle-ci s’écarte en effet tout à la fois des conclusions des études commanditées par la Région et des réponses apportées à la problématique par les pays voisins.
« Le nourrissage supplétif sera conservé. Par contre, pour ce qui est du dissuasif, la législation ne va pas directement vers une suppression mais plutôt vers des moyens moins mécaniques. « Le nourrissage à l’excès est réalisé à l’aide de tracteurs par exemple. Si on supprime cette aide mécanique, le nourrissage dissuasif devient plus dur physiquement, et la quantité distribuée s’en trouve ainsi réduite. » »
La population de sangliers a été multipliées par 4 et le Directeur Général de l’Administration wallonne nous propose de les nourrir à la main plutôt qu’au tracteur ! Va-t-on dissuader les excès du nourrissage dissuasif en le rendant manuel ? Soyons sérieux… Cela n’arrêtera pas les chasseurs qui dépensent déjà des fortunes pour entretenir leurs chasses et cela ne rendra pas non plus celles-ci moins lucratives. Pourtant des propositions sérieuses sont sur la table de l’Administration et du Ministre depuis longtemps.
Les conclusions à ce sujet de l’étude scientifique « Réflexion quant à la pertinence et aux modalités du nourrissage des ongulés sauvages » réalisée par Céline Prévot et Alain Licoppe, commanditée par la Région, sont d’un autre ordre :
« En ce qui concerne le sanglier, même s’il est admis que dans certains cas le nourrissage dissuasif peut être efficace, la priorité est d’apporter un frein à sa démographie galopante et, de ce fait, d’abandonner toute forme de nourrissage de cette espèce. En Suisse, il a été constaté que, malgré l’intérêt de l’agrainage comme dérivatif vis-à-vis des zones sensibles ou comme facilitation du tir, cette pratique devenait souvent un réel « nourrissage » des animaux. Il devrait donc être purement et simplement abandonné, sauf dans des cas de dégâts extrêmement préjudiciables aux cultures.
Il serait néanmoins dommage de se priver de cet outil, qui accompagné de clôtures électrifiées, a déjà fait ses preuves. La condition indispensable pour qu’il soit dissuasif réside dans l’époque où il sera utilisé, soit les périodes sensibles des principales cultures qui se situent entre avril et octobre. Ceci est d’autant plus pertinent que la fidélité aux sites de nourrissage est bien moins importante aux périodes des grandes battues, où la quiétude semble être le critère déterminant, sur base des enseignements tirés des sangliers suivis par télémétrie dans le massif de Saint-Hubert. Il est rappelé que cette mesure fonctionne uniquement si le niveau de population n’est pas trop élevé, pour les raisons de compétition intra-spécifique évoquées plus haut. Un apport alimentaire récurrent toute l’année ne joue plus aucun rôle de dissuasion.
Le nourrissage dissuasif ne devrait être, en outre, appliqué que là où il est réellement nécessaire, c’est-à-dire dans les régions qui permettent la culture de produits à haute valeur ajoutée. Une cartographie des zone à risque devrait être réalisée, mettant en relation ces informations et l’occurrence des dégâts aux cultures. Ce serait le premier pas vers un encadrement du nourrissage dissuasif qui pourrait, comme c’est le cas dans quelques départements français, être soumis à conditions comme la soumission à un plan de tir par exemple. »
L’urgence est de revenir rapidement à des densités compatibles avec la capacité d’accueil des forêts. Pour cela, la Fédération plaide pour une révision en profondeur de la Loi sur la chasse et de ses arrêtés d’application. Une révision cosmétique n’aura que pour effet de maintenir une situation en place qui est devenue intenable. Vous trouverez ici l’analyse et les propositions de la Fédération.