Le Gouvernement wallon a adopté, lors de la précédente législature, un ensemble de mesures pour gérer les surdensités de grands gibiers. La principale mesure de ce plan prévoit l’interdiction du nourrissage des sangliers dès la prochaine saison de chasse, d’octobre à fin mars. Cette disposition est remise en cause par le Ministre René Collin qui entend ré-autoriser le nourrissage dissuasif toute l’année.
Le nourrissage du grand gibier permet aux chasseurs de maintenir des densités de cervidés et sangliers bien au-delà de la capacité d’accueil « naturelle » de nos forêts. Cette pratique a fait doubler les populations de cervidés et tripler les populations de sangliers en une vingtaine d’années. Certains territoires de chasse maintiennent des densités en sangliers jusqu’à 10 fois supérieures à la normale pour s’assurer des prélèvements pléthoriques. Il en découle des dégâts importants à la forêt, aux cultures et à la biodiversité. La régénération naturelle de la forêt n’est plus possible dans certaines zones, tandis que les essences forestières et herbacées caractéristiques ont disparu sur de larges territoires sous la pression du gibier. Les dégâts de gibier aux plantations n’affectent pas seulement les propriétaires et gestionnaires forestiers. C’est l’ensemble de la filière bois qui est pénalisée par les pertes de valeur ou le découragement des propriétaires qui arrêtent la sylviculture.
Pour gérer cette problématique, le Gouvernement wallon a adopté en juillet 2012 un plan de réduction des densités de grand gibier à l’initiative du Ministre Carlo Di Antonio. En octobre 2012, il adoptait un arrêté prévoyant des dispositions transitoires pour gérer les surdensités dans les territoires de chasse « point noirs », pratiquant du nourrissage intensif. Ces dispositions transitoires visent l’interdiction généralisée du nourrissage des sangliers, d’octobre à mars, en dehors des périodes de risque pour les cultures, dès cette année. L’appel du Ministre Di Antonio à réduire les densités a été entendu par le monde de la chasse qui a augmenté substantiellement les prélèvements lors des saisons de chasse qui ont suivi. Seules quelques dizaines de territoires récalcitrants, pourtant visés par les dispositions transitoires, n’ont pas répondu à cet appel. L’arrêté prévoit une évaluation des dispositions transitoires réalisée par l’administration. Les conclusions de cette évaluation apportent des arguments pour maintenir l’interdiction du nourrissage en dehors de la période de sensibilité des cultures.
Le Ministre René Collin entend revenir sur cette disposition qui constituait la pierre angulaire de la politique menée par son prédécesseur. Aucun élément nouveau ne justifie ce retour en arrière qui portera atteinte à la biodiversité de nos forêts et à la durabilité de la gestion forestière. La proposition de texte du Ministre, soumise actuellement au Conseil Supérieur de la Chasse, ne permettra plus de gérer les excès des territoires déviants et revient à autoriser le nourrissage toute l’année. Ce projet est soumis au monde de la chasse via leur Conseil sans véritable concertation entre les acteurs de la ruralité concernés. Les territoires de chasse déviants, organisant de l’élevage en forêt à des fins cynégétiques, pourraient être récompensés au détriment des chasseurs qui ont cru dans la volonté du Gouvernement wallon de revenir à des densités compatibles avec une gestion durable de la forêt.
Les associations demandent au Ministre de tenir compte des conclusions de l’évaluation réalisée par son administration et d’organiser une réelle concertation entre les parties prenantes, avant de céder aux sirènes, très actives, du lobby de la chasse.
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