Le 4 février dernier, le Gouvernement wallon a adopté sa stratégie de déploiement de l’économie circulaire. Une stratégie ambitieuse qui engage de nombreux secteurs vers des modes de production et de consommation plus durables. Mais contribuera-t-elle véritablement à un changement de modèle économique ?
Au terme d’un large processus de consultation des fédérations sectorielles, administrations, citoyens et autres parties prenantes, la Wallonie se dote enfin d’une stratégie de déploiement de l’économie circulaire, « Circular Wallonia », qui devrait agir comme catalyseur d’activités industrielles plus efficientes dans la gestion des ressources, plus résilientes, avec un ancrage wallon consolidé.
Cette stratégie reprend les grands principes de l’économie circulaire qui visent à minimiser, tout au long de la chaîne de valeur, la consommation des ressources (éco-conception, réemploi, recyclage) en optimisant les procédés à l’échelle des flux ou de bassins d’activités (et non uniquement d’une industrie considérée isolément).
A travers cette stratégie, notre Région s’est défini 10 ambitions articulées autour de 5 axes d’actions:
- Production et offre de biens et de services circulaires
- Consommation et demande de biens et de services circulaires
- Mobilisation de tous les acteurs
- Gestions des déchets-ressources
- Identification de 6 chaînes de valeur prioritaires
Les 6 filières identifiées comme plus porteuses pour notre Région et qui feront l’objet d’actions spécifiques sont :
- la construction et les bâtiments
- les matières plastiques
- la métallurgie
- l’eau
- les textiles
- l’industrie alimentaire et les systèmes alimentaires
A noter également que l’économie biobasée1 est aussi développée de manière transversale dans l’ensemble de la stratégie.
Circular Wallonia se veut donc être une stratégie « intégrée » qui poursuit un objectif de renouveau industriel « contraint » par les problématiques de raréfaction des ressources et de changement climatique, et avec la nécessité de développer des approches systèmes ou flux (de l’amont vers l’aval) et non plus exclusivement sectorielles. Si le chantier est colossal, la stratégie définit des priorités d’actions déclinées dans une soixantaine de mesures.
Inter-Environnement Wallonie se réjouit de l’adoption d’une telle stratégie, outil indispensable pour imprimer une vision et fixer un cap, au-delà de la législature actuelle, et ce, même si de nombreux secteurs et acteurs n’ont pas attendu Circular Wallonia pour développer des compétences dans un -ou des – maillon(s) de l’économie circulaire. IEW salue également l’inscription d’objectif en terme de réduction de l’empreinte « matière » soit une diminution de 25 % de la demande directe en matières et la consommation intérieure de matières (DMC) de la Wallonie d’ici 2030 par rapport à l’année 2013. Le document réitère aussi une série d’objectifs importants pour la fédération fixés dans le PwDR ou dans la DPR, notamment réduire de 50% le volume de déchets incinérés d’ici 2027 ou encore atteindre une quantité minimale de 8kg/hab.an de biens réutilisés à l’horizon 2025. Pour IEW, il est important également que cette réduction de la consommation de ressources s’accompagne d’un développement de projets, d’entreprises et de filières qui soient ancrés localement, au bénéfice du tissu économique wallon avec une attention particulière pour le secteur de l’économie sociale. Par ailleurs, on peut espérer une impulsion assez rapide de certaines actions puisque des moyens débloqués dans le cadre de la « Facilité pour la Reprise et la Résilience » mise en place par l’Union européenne seront alloués au déploiement de l’économie circulaire notamment dans la métallurgie et la construction, soit une enveloppe de 127 millions d’euros au niveau wallon.
Le plus ardu sera d’opérationnaliser, rapidement, cette stratégie pour quelle ne devienne pas un Xème plan wallon dans les tiroirs du Gouvernement ou une montagne qui accouche d’une souris. L’enjeu sera de transformer les principes en actions concrètes et d’agir sur des quick-win que de nombreux stakeholders ont déjà avancés à maintes reprises2. Les défis sont nombreux pour réussir une véritable transition vers des modèles plus circulaires. Nous en pointons quelques-uns.
Relance industrielle ou transformation d’un modèle économique à bout de souffle ?
Circular Wallonia est avant tout une stratégie industrielle qui tend à développer ou à booster les principes de l’économie circulaire au sein de notre tissu industriel wallon. A nos yeux, ce n’est pas, à proprement parler, une stratégie de transformation de notre modèle économique qui interrogerait les objectifs d’une relance économique. Et ce, même si ce type de stratégie a toute sa raison d’être, qui plus est dans l’après-covid. Il est à craindre que l’essentiel des moyens soient orientés vers l’amélioration des procédés et de la gestion des flux de quelques gros secteurs en oubliant d’explorer d’autres modèles de production et de consommation comme par exemple l’économie du partage, le secteur du vrac et sa logistique… Ou encore de cantonner la réutilisation à quelques initiatives « sympathiques ».
Montrer l’exemple pour orienter (un peu) les marchés
Prise de risques dans le développement de nouveaux business models, investissements dans l’éco-design, filières tri-recyclage encore non-compétitives, des plastiques recyclés plus chers que le plastique vierge,… : comment faire pour que les alternatives durables deviennent un choix évident, tout en préservant la compétitivité de nos entreprises dans un marché mondialisé où la non-intégration des coûts environnementaux handicape les alternatives et procédés plus vertueux ? Si certaines questions doivent être traitées au niveau européen ou international, la Wallonie ne doit pas attendre pour booster la demande de produits issus du réemploi et du recyclage, notamment via les marchés publics et via une meilleure concertation avec le fédéral pour faire évoluer les normes de produits.
Quelle alchimie entre niveaux de pouvoir et aussi entre acteurs ?
L’éclatement des compétences qui caractérise notre système politique et institutionnel ne facilite pas toujours la mise en œuvre de politiques ambitieuses. En matière d’économie circulaire, si les Régions ont de nombreux leviers entre leurs mains, le Fédéral est compétent pour des domaines cruciaux pour orienter la production et la consommation de biens et services circulaires, notamment la normalisation des produits mis sur le marché belge ou encore la fiscalité. Un Plan fédéral Economie circulaire est justement en préparation et on peut espérer des différentes entités qu’elles fassent plus que se parler pour qu’in fine les efforts entrepris pour accompagner nos entreprises dans cette transition circulaire se retrouvent dans une offre de produits et services plus durables, et surtout plus accessibles pour en devenir la norme. Que les moyens alloués à ces plans et stratégies se traduisent dans des habitudes « mainstream » de consommation, plutôt que de rester des projets (certes exemplatifs) mais qui ont du mal à percoler sur les marchés. Et si le modèle de gouvernance et de coopération entre entités fédérées est un facteur important, celui qui sera développé au niveau wallon, entre Ministres, administrations et secteurs impliqués devra être innovant pour éviter un saupoudrage des moyens et un travail en silo.
Il faudra sans doute bien plus qu’une stratégie pour transformer nos modes de production et de consommation pour que ceux-ci soient réellement durables et compatibles avec les impératifs climatiques mais Circular Wallonia peut, avec des moyens conséquents et ciblés et la volonté de tous les acteurs de sortir d’un fonctionnement en silo, véritablement faciliter la mécanique complexe de l’économie circulaire.
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- L’économie biobasée renvoie à l’ensemble des activités de production et de transformation de la biomasse en produits et matériaux biobasés et en bioénergies.
- Voir à ce titre la résolution en faveur du développement de l’économie circulaire en Wallonie adoptée par le Parlement de Wallonie au printemps 2019 et qui résultait d’une large consultation d’acteurs.