Ce 20 juillet, la Commission européenne a publié une série de propositions législatives visant à mettre en oeuvre une politique climatique européenne ayant pour horizon 2030. Notamment, la proposition Burden sharing qui fixe un objectif de réduction des gaz à effet de serre pour la Belgique de 35% dans les secteurs du résidentiel, du transport et de l’agriculture.
Au niveau européen
Aujourd’hui la Commission européenne a adopté la proposition de régulation/décision “effort sharing” qui précise la manière dont les pays de l’Union européenne (UE) devront atteindre une réduction des leurs émissions de Gaz a effet de serre (GES) de 30% en 2030 par rapport à 2005 en dehors de l’industrie. Cet objectif climatique avait été décidé lors d’un précédent Conseil européen en 2014.
Cette législation est cruciale pour mettre l’UE en phase avec ses engagements pris lors de la COP 21 à Paris en Décembre dernier car les secteurs couverts par la nouvelle régulation représentent 60% des émissions de GES de l’UE dont celles liées aux transports, au résidentiel ou a l’agriculture.
Malheureusement cet objectif de 30% est largement insuffisant, notamment parce qu’il a été pris avant la COP 21. Hors “poursuivre l’action menée pour limiter le réchauffement à 1,5°C” (Art 2 de l’accord de Paris) passe par un objectif “effort sharing” bien plus élevé pour l’UE de l’ordre de -45% en 2030 par rapport a 2005. Hélas le texte présenté ce matin ne présente pas de mécanisme pour revoir à la hausse l’objectif européen en phase avec l’accord de Paris.
Cet engagement est d’autant plus insuffisant que la proposition de la Commission permet aux états d’employer des “crédits carbone” émis par le passé et/ou en trop grande quantité que ce soit dans l’”effort sharing” ou via d’autres mécanismes comme l’ETS (Emission trading System, marché du carbone destiné aux gros émetteurs de GES). Hors, des surplus gigantesques de crédits existent dans ces secteurs. Nous proposons ici une première analyse des ces mécanismes :
1. Une série de mécanismes permettent de transférer ou de mettre de coté des crédits effort sharing. Cette flexibilité interne est à priori normale a condition qu’elle ne concerne que les crédits émis durant la période 2020-2030, mais une analyse plus détaillée du dispositif devra être faite dans les prochaines semaines.
2. Les industries ont reçu énormément de crédits via le marché du carbone européen, l’ETS. L’article 7 de la régulation laisse la porte ouverte à l’utilisation de ces crédits par les états pour atteindre leur objectif effort sharing. A elle seule, cette mesure pourra affecter significativement l’intégrité de l’objectif.
3. Nous sommes également préoccupés par l’intégration des émissions de GES liées aux changements d’affectation des sols (LULUCF en anglais pour Land Use, Land Use Change and Forestry) dans le mécanisme effort sharing. C’est une mauvaise nouvelle, car la Commission avait laissé entendre qu’elles resteraient exclues du mécanisme effort sharing. Hors, la complexité de cette comptabilité la rend particulièrement propice à des “jeux comptables”qui viendront encore diminuer l’effort à accomplir.
Au niveau belge
Pour la Belgique, la proposition de législation de la Commission a des impacts importants et requière une action immédiate de nos gouvernements :
Tout d’abord, notons que la Belgique est en quelque sorte récompensée pour son manque d’ambition avant 2020. En effet, la Belgique est un des 4 pays qui n’atteindront pas leur objectif “effort sharing”, à savoir réduire de 15% les émissions de GES dans ses secteurs non ETS pour 2020 par rapport à 2005. Plutôt que de la pousser à rattraper son retard, la Commission efface son ardoise et remet les pendules à zéro. On commencera donc à compter sur base des émissions belges moyennes 2016-2018 pourtant bien au dessus de ce à quoi on s’était engagé.
Malgré ce cadeau, le Belgique devra tout de même diminuer ses émissions de GES de 35 % en 2030 par rapport à 2005 hors industrie. Cela équivaut à une réduction de près de 25% par rapport a nos émissions aujourd’hui, ce qui requière la mise en place d’une politique climatique volontariste et coordonnée.
La Belgique doit donc au plus vite se mettre en ordre de bataille pour atteindre ce nouvel objectif climatique 2030. Cela passe par une répartition de l’objectif entre les entités fédérées. Or la répartition (ou burden sharing) n’est toujours pas faites pour 2020 (!). Après 8 ans de négociation, (!) on attend toujours l’accord de coopération qui doit être signé entre les régions et le fédéral.
C’est d’autant plus préoccupant qu’une vraie coordination va bien au delà de la simple répartition des enveloppes. Notamment, la Belgique doit rendre un brouillon de “plan climat énergie 2030” à la Commission européenne dans quelques mois. Ce plan est censé présenter de manière intégrée toutes les actions prises dans notre pays dans les domaines du climat, des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique . Les bruits de couloir qui nous arrivent semblent indiquer que la bonne volonté pour avancer y compris du coté wallon, ne semble de nouveau pas au rendez vous…
Les régions et le fédéral doivent absolument intégrer au plus tôt ce nouvel objectif “effort sharing” 2030 dans leurs politiques climatiques.
Pour la Wallonie
Au niveau régional wallon cela passe par un renforcement des mesures prises dans le plan air climat énergie voté par le gouvernement en avril dernier. Celui-ci répertorie les mesures climatiques qui seront prises par la Wallonie d’ici a 2022. La liste est tout a fait suffisante, reste a voir comment les mesures seront véritablement implémentées et quels moyens leurs seront attribués. Reste aussi à intégrer une vision 2030 dans ces mesures uniquement centrées sur un horizon 2022. Le sommet sur le climat organisé par la Wallonie en octobre prochain sera une bonne occasion de se mettre en ordre de bataille.