« Il est temps de traiter la crise du climat et de la biodiversité comme une seule et même crise, nuisant gravement à la santé humaine. »
C’est le message que portent plus de 200 revues médicales au monde qui se sont associées pour interpeller d’une même voix le politique. Cette interpellation succède à une autre de 46 millions de professionnels de la santé ayant signé une lettre demandant au président de la COP 28, Ahmed Al-Jaber, de veiller à ce que les négociations aboutissent à un abandon des combustibles fossiles au profit d’un « avenir juste, équitable et sain » pour tous.
Des crises indissociables
Dans un éditorial publié fin octobre, des revues médicales – parmi les plus prestigieuses – se sont adressées aux décideurs politiques, aux nations Unies ainsi qu’aux professionnels de la santé. Elles y rappellent les enjeux sanitaires liés aux crises climatiques et de la biodiversité et la nécessité de les traiter « correctement ». C’est-à-dire en intégrant leur caractère indissociable et en tachant d’y répondre de manière conjointe/intégrée.
Actuellement, les enjeux climatiques et ceux liés au déclin massif de la biodiversité sont discutés dans des sphères différentes et indépendantes. Il y une COP pour le climat et une COP pour la biodiversité. Et les communautés scientifiques qui gravitent autour de chacune de ces COPs ne sont, malheureusement, pas en relation entre elles.
Pourtant, nous savons que climat et biodiversité sont interdépendants. Des modifications portées à l’équilibre de l’un peuvent entraîner des répercussions sur l’autre. On parle de boucles rétroactives positives et négatives.
Exemple de boucle rétroactive positive : les sécheresses, feux de forêts, inondations et autres catastrophes liées à l’augmentation des températures détruisent les sols (érosion) et les plantes, entravant ainsi la séquestration du carbone et contribuant, in fine, au dérèglement climatique.
Exemple de boucle rétroactive négative : au contraire, réparer nos sols favorisent la biodiversité et la présence de plantes sur ces sols, agissant comme stock de carbone naturel.
Ainsi, des solutions adaptées pour un « sous-système » (ex : le climat) pourraient ne pas l’être pour l’autre (ex : biodiversité) et représenter une menace pour son équilibre et, par conséquent, pour la santé de la planète.
Un projet de plantation d’arbres de la même essence peut, par exemple, être bénéfique pour le climat mais sera négatif pour la biodiversité et l’équilibre de l’écosystème.
C’est ce que reproche le monde médical à travers cet éditorial : répondre à ces deux crises de manière distincte est une « dangereuse erreur ». A travailler en silo, nous manquons une opportunité de créer des synergies et encourons le risque de développer des solutions inadaptées et qui constitueraient une menace pour l’un ou l’autre sous-système, clame-t-il.
Santé Humaine
Nous dépendons directement de notre environnement et de ce que notre planète nous offre. Pour vivre, nous avons besoin d’eau potable, d’air suffisamment pur pour ne pas nous rendre malade, de sols fertiles pour produire notre nourriture, d’un climat propice à la vie humaine… Or ces besoins fondamentaux sont menacés par les dégradations portées à notre planète.
Cet éditorial montre le consensus du secteur de la santé quant aux impacts sanitaires de cette crise planétaire et rappelle l’urgence d’agir pour « éviter la catastrophe et préserver notre santé ».
A elle seule, la crise climatique représente une menace considérable pour la santé humaine. En 2021, de nombreuses revues médicales faisaient déjà appel au monde politique pour prendre ce sujet au sérieux et agir en conséquence. L’éditorial publié à l’époque mentionnait notamment une augmentation du taux de mortalité lié aux grosses chaleurs chez les plus de 65 ans, une survenance de maladies mentales (éco-anxiété), des allergies, des maladies cardiovasculaires, des complications de la grossesse, etc.
Ici, le texte va plus loin, sans prendre de gants. « Cette crise planétaire indivisible va considérablement perturber nos systèmes social et économique, ayant, par conséquent, de graves effets sur la santé. Nous courons le risque d’exacerber les problèmes de pénuries de terres, d’eau, de nourriture, d’abris, d’augmentation de la pauvreté, … qui, à leur tour, pourraient causer des migrations de masses et/ou des conflits (traduit de l’anglais). »
Outre les aspects sanitaires mentionnés plus haut et les atteintes à nos besoins fondamentaux, il rappelle les liens entre la santé de notre planète et notre santé. Nombres de pathologies mentales, inflammatoires, métaboliques sont liées à la perte de contact à un environnement naturel et à la perte de biodiversité.
Finalement, rappelons que les effets sanitaires des changements climatiques et de la perte de biodiversité ne se feront pas sentir de manière « égale ». Les communautés les plus pauvres et les plus vulnérables supportent souvent le fardeau le plus lourd.
Urgence sanitaire
Aujourd’hui, le monde de la santé se positionne et demande à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de « déclarer cette crise climatique et de la biodiversité pour ce qu’elle est : une urgence sanitaire mondiale. »
Ils estiment que les promesses faites lors des différentes COP (pour le climat et la biodiversité) n’ont pas été tenues et que cela a conduit à une plus forte pression sur les écosystèmes, augmentant considérablement le risque d’effondrement du fonctionnement de la nature.
Les conséquences sanitaires de cet effondrement seraient dramatiques. C’est pourquoi 200 revues médicales se sont rassemblées pour clamer haut et fort l’urgence sanitaire.
Le secteur de la santé en mouvement
Nous entendons de plus en plus les professionnel·le·s de la santé s’exprimer et se positionner sur des enjeux environnementaux. Une prise de position et de parole importante au vu de la confiance dont ils•elles bénéficie de la part du grand public et des politiques. Une opportunité aussi de renforcer le secteur trop confidentiel aujourd’hui de la santé environnementale.
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