Collecte de piles : de l’ambition, que diable !

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:Ressources
  • Temps de lecture :5 min de lecture

Le système de collecte des piles usagées mis en place en Belgique serait-il le plus efficace d’Europe, voire du monde ? On pourrait le croire en consultant les statistiques européennes en la matière[cf par exemple [http://www.epbaeurope.net/recycling.html#collectionrate ]] : la Belgique apparait régulièrement en haut des classements des collectes, avec un taux de 62% en 2009 (taux calculé comme la quantité de piles récoltées en 2009 divisée par la quantité de piles mise sur le marché la même année). De plus, BEBAT[[L’asbl BEBAT (Fonds pour la Collecte des Piles) fut créée le 21.8.95 dans le cadre de la loi belge dite des « Ecotaxes » du 16.7.93 et de son amendement du 7.3.96. Active depuis le 1.1.96, l’asbl BEBAT a pour objectif la collecte de tous les types de piles et accumulateurs usagés, en vue de leur revalorisation, ainsi que, depuis 2005, des lampes de poche. Elle opère sous le contrôle de l’Etat fédéral et des 3 Régions et entretient avec ces instances des liens étroits et constants.]] annonce chaque année un résultat financier largement positif, ce qui l’amène à accumuler au fil des ans des réserves importantes et pas forcément compatibles avec son statut d’asbl. L’organisme demande donc à ce que soit diminuée la cotisation recyclage (0.1239 euro par pile) : le Belge paierait trop cher le recyclage de ses piles !

Oui mais… Le rapport de BEBAT au Parlement Wallon pour les années 2008 et 2009[Disponible sur l[e portail environnement de la Région wallonne: puis cliquez à gauche sur Sols et déchets, puis Prévention et gestion des déchets ménagers]] envisage les choses sous un autre angle : l’objectif de collecte prévu dans l’arrêté du Gouvernement Wallon du 25 avril 2002 est de 75%, soit 13% de plus qu’actuellement. La Belgique serait donc un excellent élève, mais n’atteindrait pas les objectifs qu’elle s’est fixée ? Pour justifier cet échec, BEBAT avance plusieurs arguments : taux de collecte fixés de manière non réaliste, piles réutilisables ayant une trop longue durée de vie, piles qui trainent dans les tiroirs… Si ces « problèmes » sont réels et influent sur le calcul du taux de collecte, il n’en reste pas moins que, selon ce même rapport, près de 19% des piles finiraient dans nos poubelles (grises, jaunes, noires, bref le tout venant) . Ainsi, précise encore le rapport, « il apparaît donc que le pourcentage de collecte des quantités de piles réellement disponibles à la collecte semble significativement supérieur au pourcentage de collecte calculé selon les dispositions de l’AGW du 25 avril 2002. Il serait de l’ordre de 81 %. ». Subtil, n’est-il pas ? Mais la raison d’être de BEBAT n’est-elle précisément pas de faire en sorte que toute pile mise sur le marché lui revienne par belle pour par laide ? Et que donc son action est en échec chaque fois qu’une pile abouti dans une poubelle ? Il n’est de fait pas inutile de rappeler que si une pile dans un tiroir ne pollue pas, une pile dans un sac poubelle génère, à l’incinération, quantité de métaux lourds et autres substances toxiques peu sympathiques.

Trève de discussions ! Pour BEBAT, si l’objectif est trop haut pour être atteint avec le système actuel, plutôt que de tenter d’améliorer le système, mieux vaut diminuer l’objectif ! En voilà de l’ambition !! Ainsi de nouvelles valeurs cibles ont été officialisées par l’arrêté du 23 septembre 2010 instaurant une obligation de reprise de certains déchets. La Fédération le pointait déjà : ces objectifs manquent d’ambition! On a ainsi établi un objectif de collecte des piles de 45% en 2010, et 50% en 2012… Attention tout de même, la méthodologie de calcul change: on prend en compte les ventes sur les 3 dernières années, et non plus la dernière uniquement. Dans ces nouvelles conditions de calcul, la Wallonie a collecté seulement 42% de ses piles en 2009[[Chiffre fourni par BEBAT dans l’article du Soir du 23 février]]. Il y a donc encore une marge d’amélioration pour atteindre l’objectif de 2010, mais bien moindre que précédemment…

Allez, changeons d’air: la Belgique est-elle vraiment le meilleur pays du monde pour la collecte des piles ? Voyons ce que racontre… la Suisse, par exemple. On oublie souvent ce petit pays qui ne fait pas partie de l’Union Européenne et n’apparait donc pas dans les hits-parades européens de statistiques en tous genres, mais qui a quelques longueurs d’avance en matière de gestion des déchets. La confédération affiche un taux de collecte de 71% pour 2009 , pourtant encore en-deça de son objectif de 80%. La différence avec la Belgique ? Plutôt que de vouloir diminuer son objectif, la Suisse a établi un programme de mesures qui, espère-t-elle, devrait lui permettre d’atteindre les 80% visés. Un programme qui manque cruellement en Belgique…

En tout état de cause, il est illusoire de croire que, grâce aux systèmes de collecte, la production et la consommation de piles et accumulateurs n’a aucun impact sur l’environnement: de fait, beaucoup échappent au système et se retrouvent dans nos sacs poubelles, et le recyclage de ceux que l’on récupère coûte cher. Le plus simple serait d’arriver à nous passer de ces petits objets finalement bien encombrants. Une pile non achetée, c’est encore le moyen le plus sûr pour une nature respectée.