La Région wallonne s’est fendue cette année d’un « rapport analytique sur l’état de l’environnement wallon ». Véritable mine, cet ouvrage de la taille d’un beau bottin de téléphone nous fournit chiffres, graphiques et analyses pour mieux appréhender les évolutions qui marquent notre Région, pour le meilleur ou pour le pire. Aux côtés d’autres volets de l’environnement tel les déchets, les eaux, la qualité de l’air… le territoire est l’un des thèmes que ce rapport analytique nous passe au peigne fin.
Sans surprise, c’est la constante et, semble-t-il, inexorable progression de l’urbanisation qui constitue le constat premier du rapport. Les parcelles urbanisées, c’est à dire répertoriées comme telles au Cadastre, représentent aujourd’hui 13,7% du territoire[[Par comparaison, la Flandre atteint 25% !]], contre 11,6% en 1986 (+ 18,2%). Equipements publics (+ 2000ha), infrastructure de transports (+ 4000ha), et surtout résidence (+ 21 000ha !) : l’artificialisation du sol s’accroît partout, davantage en première périphérie urbaine, moins dans les agglomérations existantes. Les contrées les plus rurales ne sont pas épargnées (quel village n’a pas sa file de villas neuves s’étirant le long des routes de desserte ?).
En cause, non tant l’accroissement démographique – on s’en doute – que la diminution de la taille des ménages, qui comptent aujourd’hui 2,3 personnes en moyenne (la moyenne de l’Union européenne est de 2,5). En conséquence le nombre des ménages s’est accru de 11,6% quand la population n’a progressé, elle, que de 4,2%. Par rapport à l’occupation du sol, c’est une économie d’échelle qui se réduit. Logiquement la population est de moins en moins dense, que ce soit dans la périphérie où triomphe encore le modèle de la villa 4 quatre-façades, ou au c½ur même des villes qui se dédensifient. Mais la tendance pourrait bien s’inverser : ces dernières années sont marquées un retour aux maisons jumelées ou mitoyennes, conséquence de la hausse des prix des terrains[[les membres des commissions régionales d’avis qui ont à connaître des études d’incidences s’en rendent compte : de plus en plus de dossiers de lotissement prévoient une part des lots en mitoyen, ainsi que, bien souvent, de petits immeubles à appartements, même en zone rurale]].
L’étalement urbain accroît la demande en mobilité, et surtout en mobilité automobile (difficile de structurer des transports en commun efficaces lorsque les maisons s’étalent dans le paysage…) ; faut-il s’étonner dès lors que 82,5% des Km parcourus en Wallonie par des personnes le soient en auto (ou moto) ? Fragmentation des habitats naturels, accroissement des inondations… on connaît la litanie des effets pervers d’une évolution que les politiques régionales n’ont pas jugulée jusqu’ici.
Sans quitter l’optique du constat, le rapport relève que le plan de secteur, en protégeant solidement les zones non urbanisables, s’est révélé relativement efficace pour contrôler l’urbanisation ; les révisions partielles ont certes accru les zones urbanisables de près de 3000ha, mais l’essentiel de l’espace ouvert a été préservé. Toutefois des modifications législatives récentes sont venues multiplier les possibilités de dérogation et assouplir les conditions de mises en ½uvre des réserves foncières ; ceci alors que la superficie encore libre dans les zones urbanisables atteint 120 000 ha (dont il faut cependant déduire une part, non évaluée, constituée de parcelles non ou difficilement urbanisables parce que trop pentues par exemple, ou enclavées).
Pour l’avenir le rapport trace trois pistes : le recentrage de l’urbanisation lié à la croissance du coût du carburant, les économies d’énergie (meilleure isolation des bâtiments, usage des transports en commun), et la nécessité de développer des logements plus petits vu le vieillissement de la population et la diminution de la taille des ménages, tendances qui ne promettent pas de s’inverser à court terme.
Ceci trace en gros, le tableau de notre territoire. On ne peut que rester rêveur une fois de plus, devant le décalage entre le discours des experts et les prises de décision du politique. Pour les premiers les signaux sont au rouge ; pour les seconds, l’urgence, c’est – encore et toujours – un contournement routier (celui de Couvin pour le moment), une zone d’activité économique, un lotissement de plus… Le problème n’est pourtant pas qu’environnemental : la dispersion de l’habitat pourrait bien devenir à court terme, avec l’augmentation du prix du carburant, un facteur non négligeable de pauvreté des ménages. Et le virage qu’amorcent, sur le plan alimentaire, l’apparition des agrocarburants et la croissance de la demande des pays émergents, posera à moyen terme la question de la suffisance alimentaire, une question qui pourrait bien nous faire regretter le gaspillage de terres agricoles qui comptent parmi les meilleures au monde. Il est donc grand temps de découpler développement économique et urbanisation du territoire : un grand chantier de réflexion nous attend.
Les rapports et tableaux de bord relatifs à l’environnement wallon sont accessibles gratuitement sur le site portail de l’environnement wallon.