Construire avec les traces de notre passé industriel

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Ce mercredi 26 novembre, de 10 à 13h, la Fédération IEW vous invite au troisième et dernier décodage de l’aménagement du territoire de 2014. Anne-Valérie Barlet, Fonctionnaire déléguée f.f. à la Direction provinciale de Liège 2, qui a été conseillère juridique en environnement, aménagement du territoire et reconversion des friches auprès de Duferco via la Société Anonyme SoGePa, nous exposera une matière complexe, éminemment d’actualité en Wallonie : le réaménagement des sites d’activités, notamment les anciens sites industriels.

La matinée de formation vous permettra de mieux cerner la procédure SAR, une réglementation mise sur pied pour concilier un terrain et des bâtiments abandonnés avec une nouvelle affectation. La procédure SAR peut s’appliquer à des lieux ayant connu une grande variété d’activités, en ce compris même les anciens hôpitaux ou d’anciens établissements d’enseignement. Elle s’accompagne généralement d’une dépollution approfondie, ce qui rend le réaménagement d’autant plus onéreux. Mais à quels coûts s’exposerait notre société, si les locaux et les terrains abandonnés, faute de trouver un acquéreur et une vocation prometteuse, restaient en déshérence ?
Infos pratiques, réservation obligatoire : j.debruyne@iew.be ou 081/390750
Participation aux frais, 10.00 EUR – Formation reconnue par le Conseil des géomètres-experts

La situation d’abandon d’un site anciennement plein d’activités a des retombées négatives sur tout le quartier qui l’entoure. Un réaménagement, à l’inverse, peut aider ce quartier à revivre. Anne-Valérie Barlet s’attachera à détailler les étapes et les critères pour définir le périmètre pertinent, les opportunités de maintien et de restauration de vestiges de l’activité éteinte, ainsi que les outils d’aménagement qui accompagnent la démarche pour mener à bien un réaménagement qui soit utile et viable. Le public pourra ensuite durant une bonne heure poser à l’oratrice les questions qui resteraient ouvertes et débattre avec elle du choix d’options qui s’offrent au réaménageur.

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Ancienne vue d’ensemble des laminoirs de Duferco Clabecq S.A. à Clabecq,commune de Tubize, Photographe : Simon Schmitt. GlobalView – Photographie Aérienne Belgique. (Réf. photo : A_15308.jpg), 13 Octobre 2006

D’où viennent-ils, ces SAR ?

La législature 2004-2009 a donné naissance à la procédure « SAR ». Entendez par là, sites à réaménager. Curieusement, la procédure « SAR » repose sur la reconnaissance d’un périmètre, alors que ce mot n’est pas inclus dans son nom. Elle est l’ultime avatar d’une succession de textes de loi, chacun ayant répondu – bon an, mal an – aux besoins de son époque.

Voici donc un bref mais copieux historique pour vous (re-)faire une culture en matière de réaménagement. Sur base du constat que nos villes et nos villages souffraient de la présence de bâtiments et de sites désertés par l’activité charbonnière, le législateur a estimé indispensable dès 1967 que les pouvoirs publics participent de manière directe à la revalorisation urbaine, en assainissant les sites charbonniers désaffectés. La décision liée à chaque site était alors officialisée par un arrêté royal comportant trois points essentiels :

  1. la délimitation du site concerné par l’énumération des parcelles dans le texte de l’arrêté et le marquage d’un périmètre sur plan (art.1er)
  2. La destination future du site (art.2)
  3. Le délai endéans lequel la Commune est tenue de dresser et faire approuver un plan particulier d’aménagement ou PPA, ancienne dénomination du PCA (Plan communal d’aménagement). Ce PPA concerne la portion de territoire communal où se situent les parcelles à traiter. Il peut inclure d’autres parcelles et voiries contiguës, extérieures au périmètre à réaménager. Le PPA devra fixer la destination des parcelles du site désaffecté et leur consacrer des prescriptions écrites (art.3). (Arrêté Royal n°2 du 18 avril 1967 revu par l’Arrêté Royal n°92 du 11 novembre 1967)

Lorsque, dans les années septante, de rebonds en chutes libres, toute l’activité économique belge périclite, de nouveaux outils plus généralistes sont promus. En 1978, la procédure « SAED » est instaurée par la loi relative à la « rénovation des sites d’activité économique désaffectés ». Elle trouve son application dans le champ national, puis dans les deux régions au fur et à mesure que s’accentue la fédéralisation de l’État belge. Elle sera modifiée du côté wallon par le décret du 4 mai 1995, qui a précisé la nuance entre assainissement et rénovation : le premier est de l’ordre du recyclage de site, avec un cahier des charges essentiellement centré sur des démolitions, et la deuxième consiste en un projet de reconstruction et de restauration, centré sur le recyclage de bâtiments. Les deux notions sont cependant très souvent imbriquées dans la réalité, les sites comportant à la fois des portions à démolir et des structures à même d’être conservées.

En tout état de cause, la procédure « SAED » de 1978 incluait une première désignation provisoire des terrains concernés, ensuite une confirmation du périmètre et de la destination future des lieux et, enfin, un calendrier des travaux. Ces trois étapes importantes font l’objet de trois arrêtés distincts, mais on remarquera que le canevas de 1967 n’est pas remis en cause. A ceci près : l’initiative d’une démarche « SAED » peut venir de la Commune ou du Gouvernement.

Dans la procédure SAED, si la commune estimait l’assainissement indispensable pour des raisons de salubrité ou de sécurité, mais que le propriétaire ne mettait en œuvre aucun des travaux convenus, la commune devait acquérir elle-même le site ou recourir à une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique. Cette opération coûteuse s’est avérée payante dès le début des années 2000, grâce à une modification du Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine permettant l’intervention financière de la Région Wallonne à hauteur de 50%. La prise de risque ainsi partagée a permis de mener à bien des projets qui ont eu un effet « coup de pouce » sur la rénovation des quartiers environnants.

Considérablement remaniée au fil du temps dans le but de simplifier les tracasseries administratives liées à la reconnaissance du périmètre et à la libération des sommes nécessaires à l’assainissement, la procédure « SAED » s’est convertie en procédure « SAR » à la faveur du décret-programme du 23 février 2006 relatif aux actions prioritaires pour l’avenir wallon. Selon l’article 167 du CWATUPE[[Le E final signale que le code est devenu entre-temps « Code Wallon de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, du Patrimoine et de l’Energie ».]], le « Site à réaménager » correspond à des biens immobiliers bâtis et non bâtis, préalablement occupés par toute activité autre que le logement, et dont le maintien dans leur état actuel serait « contraire au bon aménagement des lieux » ou constituerait « une déstructuration du tissu urbanisé ». Le réaménagement couvre désormais l’ensemble des actes et travaux de réhabilitation, d’assainissement, de construction et de reconstruction.

Ce décret-programme de 2006, outre qu’il entendait clarifier les articles du Code, élargit considérablement leur champ d’application. Point n’est besoin d’avoir été filature ou unité d’emboutissage pour passer par la case « réhabilitation ». Les anciennes écoles, les hôpitaux, les hypermarchés, les immeubles de bureau, les casernes, tous peuvent être candidats. Même les aérodromes y ont droit, ainsi que le prouve l’arrêté du 18 juin 2008 reconnaissant le SAR/PC92 dit « Aérodrome de Cerfontaine »[[Et ce, malgré que le Conseil Wallon de l’Environnement et du Développement Durable a estimé dans son avis CWEDD/08/AV.723 que le site concerné par le projet de périmètre ne répondait pas à la définition d’un site à réaménager telle que reprise à l’art. 167 du CWATUPE.]] .

La seule fonction pour laquelle la procédure est inapplicable, à savoir le logement, devient par contre la destination de rêve pour les reconversions en mal de justification quant à leur intérêt public. Le retour des habitants dans une région sinistrée ne sera-t-elle pas le signe que la vie reprend le dessus ? Cette ambition est au diapason de la nouvelle appellation : « à réaménager », plutôt que « désaffecté ». Quant aux travaux couverts par la nouvelle procédure, ils voient eux aussi leur spectre s’élargir et l’accent porter sur le positif. La réhabilitation recouvre désormais la construction. Le volet environnemental se double ainsi d’un volet urbanistique complet.

Mais de telles largesses ne vont pas sans un durcissement des mécanismes d’autorisation. A l’intérieur du périmètre, c’est le fonctionnaire délégué qui délivre les permis. La procédure relève de l’article 127 du CWATUPE, surnommé « permis publics ». Ce qui met de côté les prérogatives communales et la capacité des communes à décider de leur sort. Dans la mesure où le changement d’affectation du site, lié à sa nécessaire reconversion, entre en contradiction avec l’économie du plan de secteur, c’est au fonctionnaire délégué, représentant direct du gouvernement, qu’il appartient de juger de l’opportunité de la dérogation. Des parlementaires et IEW ont souligné à l’époque l’absence de tout critère formel pour encadrer cette décision des fonctionnaires délégués de chaque direction extérieure.

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que certaines communes, en cheville avec un promoteur, remettent d’initiative au gouvernement un projet de périmètre de SAR où les intérêts privés l’emportent sur l’intérêt public. La définition du périmètre, déjà présente en 1967, reste le nerf de la guerre pour cette procédure, puisqu’en s’opposant au périmètre soumis à enquête, le pouvoir communal interrompt la procédure, ou la stoppe à jamais. A supposer que la commune donne finalement son aval au périmètre du « SAR », et que les travaux aient bel et bien lieu, ce sera alors la suppression officielle – l’abrogation – du périmètre qui sanctionnera la fin des travaux de réaménagement.

Et les citoyens dans tout ça ?

Dans la procédure « SAR », la participation citoyenne est compliquée par l’objet même de l’enquête : se prononcer pour ou contre un périmètre, alors que le dossier porte sur la réhabilitation complète et n’aborde cette délimitation que de manière souvent accessoire. Face à des pages décriant l’état d’abandon du quartier et vantant les mérites du projet salvateur en termes d’image et d’emploi, comment juger sobrement ? Comment s’en tenir à ce qui est demandé, à savoir l’approbation du périmètre? Comment introduire une réclamation qui tienne compte des habitants proches, de la mobilité, de la nature, alors que le projet immobilier balaie d’un revers de main les incidences négatives qu’il pourrait avoir sur le quartier ? En somme, comment se prononcer sur une simple ligne, si la balance est alourdie de façon à pencher du côté de retombées économiques rutilantes et d’un « plus » pour la qualité de vie ?

L’actualité des villes wallonnes, grandes ou petites, nous le confirme jour après jour : ce ne sont pas les projets les plus onéreux et les plus voyants qui ont le meilleur effet d’entraînement sur l’activité économique et sociale des environs. Ils auraient même parfois un effet centrifuge, renforcé par l’expropriation pour cause d’utilité publique. Par contre, mis en présence d’interlocuteurs envisageant avec lucidité les possibilités du territoire communal et régional, des opérateurs de revalorisation urbaine de tous bords peuvent mener à bien des réalisations ponctuelles tenant à la fois compte des aspirations locales et des potentialités particulières des sites à réhabiliter. Anne-Valérie Barlet nous montrera à ce titre quelques exemples de reconversions lourdes mais heureuses.

On consultera utilement, sur le même sujet

 « Les sites à réaménager (SAR). Comment anticiper leur apparition ? », article non signé dans La Lettre de la CPDT n°36, juin 2014, p.3-6.
• Pour actualiser l’inventaire et la cartographie des sites à réaménager, la DGO4 a désigné comme opérateur, à l’issue d’une procédure de marché public européen, le consortium « Lepur ULg – CONVERTO – WALPHOT ». Une collaboration avec les communes est recommandée, afin de profiter de leur connaissance du territoire et des informations administratives et historiques dont elles disposent. Plus d’informations disponibles, sur le site de la DGO4

 Ancienne et très intéressante, une brochure publiée en 1990 par la Division de l’Aménagement du territoire, Service de l’Aménagement actif, sous l’égide du Ministre Albert Liénard : « Les sites désaffectés. Quelle place dans le réaménagement de la Wallonie ? ». Ce collector comporte de nombreux exemples de réhabilitations et une véritable marche à suivre vulgarisée qui offre la possibilité au lecteur de se mettre dans la peau d’un réaménageur. Dépôt légal : D/1990/5528/5.

 Plus récente, la fiche théorique « Réaménageons, remembrons ! » rédigée dans le cadre du supplément à la Lettre des CCATM, en avril 2010, pour accompagner le numéro 56. Elle était consacrée au périmètre SAR et au PRU, périmètre de remembrement urbain.

 Sur le site du SPW – DGO3, environnement.wallonie.be, parmi les fiches relatives aux indicateurs du bilan environnemental des entreprises en Région wallonne, trois sont consacrées au sol. Celle sur les SAR rapporte des chiffres de 2008 et 2009 selon lesquels « [sur] 860 sites industriels encore à réaménager, les quatre activités qui marquent le plus le territoire wallon par la présence de sites à l’abandon témoignant de leurs activités passées sont l’extraction, la métallurgie, la transformation de minéraux non métalliques et l’industrie alimentaire ». Une référence à découvrir et à exploiter.

N’oubliez pas que nos formations des Mardis Tabous se poursuivent avec trois dates en décembre… le calendrier est disponible ici.