La fin de l’année 2022 aura vu l’organisation consécutive de deux COPs, la première sur le climat (COP27) et la 2ème sur la biodiversité (COP15). Alors que la première a toujours été surmédiatisée, le climat étant la préoccupation environnementale numéro un, la seconde sur la biodiversité l’a rarement été. Ce fut une exception pour la dernière édition, probablement liée à cette proximité du calendrier et des enjeux.
L’objectif de cette COP15 était en effet d’obtenir un accord sur un nouveau cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020, qui fixe les objectifs d’ici à 2030, le précédent Plan Stratégique pour la diversité biologique 2011-2020 étant arrivé à échéance sans qu’aucun des objectifs dits d’Aïchi n’aient été atteint.
Plusieurs fois reportées à cause de la pandémie du Covid-19, et loin d’être gagnée d’avance, des craintes ont été fortement exprimées quant aux risques de ne pas aboutir à un accord concret à l’issue de cette COP15. Heureusement, un nouveau cadre mondial avec des objectifs ambitieux, et surtout avec une volonté d’y mettre les moyens ainsi que d’en faire le suivi, a pu aboutir in extremis. On peut saluer l’aboutissement de cet accord ambitieux mais dont le caractère est malheureusement non contraignant et dont les cibles manquent de précisions. Cependant, les pays doivent maintenant transposer dans leurs plans et stratégies nationaux pour la biodiversité les objectifs de ce nouvel accord.
Quels objectifs du nouveau Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal 2022-2030 ?
L’objectif principal de ce « Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal 2022-2030 » reste de stopper et inverser le déclin de la biodiversité afin de « vivre en harmonie avec la nature d’ici 2050 ». Même si cela relève surtout du vœu pieux, c’est un objectif ultime qu’il n’est jamais inutile de rappeler. Pour ce faire, quatre grands objectifs pour 2050, et 23 cibles d’ici 2030 ont été définis.
Les trois premières cibles sont les plus centrales. Il s’agit notamment de protéger et de restaurer au moins 30% en superficie des écosystèmes terrestres et marins (cible 2 et 3). Les 30% d’aires protégées sont en phase avec les objectifs de la Stratégie Biodiversité européenne (dont 10% protégés strictement). Alors que l’objectif chiffré pour la restauration est un peu plus élevé que les 20% préconisé par la loi de la restauration de l’Union Européenne dont une première version a été publiée en juin 2022. Ceci indique l’importance accordée à la restauration de la nature et ses co-bénéfices, non seulement pour améliorer l’état de la biodiversité mais aussi les services et fonctions écosystémiques associés, ainsi que de prendre en compte la connectivité et l’intégrité écologique. La cible 1 implique la planification spatiale afin de s’assurer qu’il n’y ait plus aucune perte des superficies présentant une haute valeur en biodiversité d’ici 2030.
Toutes une série d’autres aspects sont également pris en compte comme l’augmentation en superficie et qualité des espaces verts en ville, les espèces invasives, la pollution, la réduction des effets du changements climatique, la diminution de l’empreinte écologique, etc.
Au niveau agricole, on peut regretter que le cadre se contente d’encourager les bonnes pratiques agricoles qui concilient production agricole et biodiversité, comme l’agroécologie (mais dont la définition est très hétérogène). Cependant, il cible tout de même la réduction de la moitié du risque global lié aux pesticides. C’est un indicateur pertinent alors que la toxicité dépend des produits utilisés, et que le seul volume n’est pas suffisant pour évaluer les risques liés à l’utilisation des pesticides. Cette cible est bienvenue pour supporter cette disposition du Green Deal et du Farm To Fork, qui est pourtant attaquée avec des tentatives d’affaiblissement de cet objectif.
Il en de même pour les entreprises, industries et institutions financières qui sont simplement exhortées à analyses leurs impacts sur la biodiversité ou à promouvoir une consommation soutenable. Mais aucune réglementation, ni objectif de réduction de leur empreinte écologique n’est proposé.
C’est la question des financements qui était la plus sensible. Selon plusieurs études, il y a un déficit de 700 milliards US$ des investissements mondiaux pour lutter efficacement contre le déclin de la biodiversité. Pour réduire cet écart, il est proposé de mobiliser un financement de 200 milliards US$ par an, pour notamment alimenter le nouveau Fonds pour la biodiversité, sous l’égide de la FEM, à hauteur de 20 milliards US$/an jusque 2025, puis 30 milliards US$ jusque 2030. Ce montant ira pour des actions des pays en voie de développement. Une autre partie du montant doit aussi être investie au sein de chaque pays pour leur propre politique de conservation de la nature, ainsi que via divers autres mécanismes.
Il est aussi nécessaire d’identifier pour 2025 les subventions néfastes à la biodiversité et de les réduire pour un montant de 500 milliards US$ pour 2030. Sont ici visées notamment les subsides délétères pour la nature octroyés dans le cadre de politiques agricoles.
Qu’est-ce que ça implique pour la Belgique et les Régions ?
A charge maintenant de chaque pays signataire, comme la Belgique, de mettre à jour sa stratégie nationale avec un plan de financement associé (ressources allouées et mise en évidence des manques à combler). Tous les plans et stratégies nationaux pour la biodiversité (NBSAPs) seront analysés et présentés lors de la COP16 en 2024. Ensuite des suivis sur la mise en œuvre du cadre seront effectués lors des prochaines COPs, en 2026 (COP17) et 2028 (COP18). Le bilan final et la négociation du prochain cadre post-2030 sont prévus pour la COP 19 (2030).
La Belgique va devoir s’atteler rapidement à la mise à jour à jour et à l’intégration des objectifs de la COP15 dans sa stratégie nationale. Celle-ci est d’application tant à l’échelle fédérale que régionale.
Au niveau wallon, le hasard du calendrier fait bien les choses puis que 2023 sera l’année où les partis plancheront sur leurs programmes pour les élections régionales de 2024. Le timing est donc idéal pour intégrer des objectifs « biodiversité » dans les futurs programmes politiques.
Concomitamment, la Ministre Tellier finalise la toute première Stratégie Biodiversité 360° pour la Wallonie, qui fixera les objectifs et actions d’ici à 2030, basé notamment sur la Stratégie Biodiversité à l’horizon 2030. L’objectif principal du gouvernement à travers ce document est non seulement la protection et la restauration des espèces et habitats menacés, mais également d’intégrer la biodiversité de façon transversale dans toutes les composantes de la société.
Cette volonté est réitérée par la Ministre Khattabi qui, à l’issue de la COP 15, a explicitement déclaré :« Les pays doivent intégrer la biodiversité dans tous les secteurs et toutes les politiques et aligner les flux financiers sur l’ambition du nouveau cadre. L’accord reconnaît également le lien entre les crises du climat et de la biodiversité, et la nécessité de les aborder simultanément. »
La société civile doit également s’emparer de ce cadre mondial qui peut être utilisé comme levier d’actions pour la conservation de la nature. Malgré les avancées certaines par rapport à l’ancien cadre, rien n’est acquis et la mise en pratique dépendra de la bonne volonté des états et des entreprises.
Pour aller plus loin
- « COP15 biodiversité : un accord historique, mais imprécis et non-contraignant », 22/12/2022 (carbone4)
- « Quel bilan pour la COP15 ? », 04/01/2023 (IDDRI)
- « Une nouvelle ère pour la biodiversité mondiale ? » 05/01/2023, IDDRI
Aidez-nous à protéger l’environnement,
faites un don !