Corps pollués…

L’étude pilote européenne DEMOCOPHES, réalisée simultanément dans 17 pays européens, vient de publier ses résultats hier soir. L’analyse des 4000 échantillons d’urine et de cheveux d’enfants scolarisés et de leur mère montre la présence dans leur organisme de substances qui ne devraient pas y être ! Mercure, cadmium, BPA, parabènes, phtalates, cotinine, triclosan : toutes ont été détectées dans les échantillons…

Le mercure et le cadmium sont des métaux lourds présents dans l’environnement. La cotinine provient de la fumée de tabac inhalée, notamment aussi chez les non-fumeurs. Les phtalates sont des plastifiants utilisés en grandes quantités par exemple dans les matériaux d’emballage, les revêtements de sols et les meubles. Le bisphénol A peut être relargué de certains matériaux plastiques. Le triclosan quant à lui est un conservateur dans les produits cosmétiques, textiles et plastiques. La recherche de ces substances dans le cadre du projet DEMOCOPHES poursuivait un objectif : explorer les possibilités d’approche cohérente de la biosurveillance humaine en Europe. Il s’agissait d’appliquer autant que possible les mêmes procédures dans tous les pays participants, de sorte à obtenir des données de biosurveillance comparables. Et il s’agit bien d’un succès, qui doit être salué.

Mais il importe de ne pas s’arrêter aux conclusions de ce projet, selon lesquelles « les niveaux détectés ne sont pas extrêmement préoccupants ». Toutes ces substances sont belles et bien étrangères à notre organisme – et n’ont, à part des dégâts, strictement rien à y faire ! Et les perturbateurs endocriniens recherchés ont tous été liés à de sérieux problèmes de santé, de la puberté précoce chez les filles, aux malformations génitales chez les garçons en passant par les cancers hormonos-dépendant (comme le cancer du sein ou celui de la prostate) et les problèmes de diabète et d’obésité.

Par ailleurs, les niveaux de contamination mesurés ne constituent qu’une petite partie de l’information : le moment où a lieu l’exposition (notamment durant la grossesse ou la jeune enfance) est crucial, tout comme l’exposition à un mélange de substance qui peut entraîner une amplification de leurs effets respectifs. Autant d’éléments qui ne peuvent être évalués dans le cadre du projet de biomonitoring.

L’accumulation des preuves scientifiques suscite de plus en plus d’inquiétudes par rapport aux perturbateurs endocriniens. Une déclaration de consensus scientifique récente, incluant des recommandations en terme d’actions politiques, dit que l’exposition aux polluants environnementaux in utero peut augmenter chez un grand nombre d’individu la susceptibilité de développer des maladies graves plus tard dans la vie. Rédigé initialement par cinq scientifiques, leaders au niveau international sur ce thème, il recueille désormais 87 co-signatures de scientifiques du monde entier.

Pour assurer une protection optimale de la santé publique, la législation européenne doit réduire et, in fine, supprimer l’exposition des citoyens à ces substances chimiques dangereuses. Pour prévenir ces risques sanitaires, un changement législatif est urgent. L’Union Européenne est en train de réviser sa politique sur les perturbateurs endocriniens – les résultats du projet DEMOCOPHES doivent l’inciter à faire plus fort et plus vite.

Valérie Xhonneux

Anciennement: Santé & Produits chimiques