Du fait de l’intégration progressive du coût de l’épuration des eaux usées, le prix de l’eau a augmenté de 40% en 5 ans. Cette évolution est le fruit d’une réforme tarifaire qui fait aujourd’hui l’objet d’une étude commandée par la Région. Objectif : établir quel est l’impact de cette augmentation sur les usagers domestiques.
C’est Aquawal (Union professionnelle des opérateurs publics du cycle de l’eau en Wallonie) qui est chargée de l’étude. Elle a, pour ce faire, créé une base de données reprenant les réponses à 3300 questionnaires.
Les items récoltés concernent le profil des usagers (taille et composition du ménage, niveau d’étude de la personne de référence dans le ménage,…) et les caractéristiques de consommation d’eau (volumes, évolution de la facture, types d’usages et sources d’eau pour ses usages).
Les usages, sur lesquels se concentre l’étude, sont classifiés comme suit : usage boisson (eau de boisson, café et/ou thé), usage intérieur (préparation des repas, vaisselles, hygiène corporelle, lavage du linge, entretien du logement, WC) et usage extérieur (arrosage du jardin, lavage voiture, nettoyage extérieur, alimentation piscines/étangs).
Enfin, dans la caractérisation des différents usages, les types d’eau définis dans l’étude sont : eau de ville, eau en bouteille, eau de pluie, eau d’un puits local et eau d’une source locale.
Des résultats… attendus
Les premiers résultats de cette enquête révèlent que les comportements des consommateurs sont… rationnels !
Au niveau des volumes consommés: plus on est dans un ménage plus le volume consommé est important (de 40 m³/an pour une personne seule à 130 m³/an pour une famille de plus de 4 personnes) – c’est somme toute logique – mais moins on consomme par personne et par jour (une personne seule consomme en moyenne un peu plus de 110 litres par jour alors qu’un ménage composé de plus de 4 personnes consommera 60 l/j/hab). La moyenne générale des consommations est de 93 l/j/hab. Notons que l’écart-type vaut 68 l/j/hab.
Au niveau des usages et des types d’eau:
— un peu plus de la moitié des répondants utilisent l’eau en bouteille comme eau de boisson ;
— les usages intérieurs utilisent majoritairement l’eau de ville ;
— les usages extérieurs utilisent de l’eau de pluie dans +/- 50% des cas.
L’eau de pluie intervient dans les usages intérieurs à hauteur de 20% pour les toilettes et l’entretien du logement, 15% pour le lavage du linge et moins de 10% pour l’hygiène corporelle. C’est pour l’arrosage du jardin que l’eau de pluie est le plus largement utilisée.
L’eau de puits n’est, quant à elle, utilisée que dans 5% des cas.
Ressources alternatives
Un important volet de l’étude se consacre aux ressources alternatives, càd essentiellement à l’eau de pluie, cherchant à comprendre qui sont les ménages qui utilisent l’eau de pluie et visant à « établir les impacts économiques, sociaux et environnementaux des ressources alternatives en eau ».
Les principaux résultats relatifs à ce volet montrent que:
ceux qui utilisent de l’eau de pluie pour au moins 1 usage intérieur consomment moins d’eau de ville que ceux qui n’y ont pas recours ;
• la moitié de la gamme des petits consommateurs isolés ou non (moins de 30m³ par an) utilise de l’eau de pluie. Notons cependant que le tiers des personnes appartenant à cette catégorie sont des isolés qui n’utilisent que de l’eau de ville;
les constructions les plus récentes (après 1990) ont intégré l’utilisation de l’eau de pluie de façon assez marquée. Mais 60% des répondants utilisent de l’eau de pluie depuis plus de 11 ans;
si l’on distingue à l’intérieur de la catégorie des consommateurs d’eau de pluie ceux qui l’utilisent pour des usages extérieurs uniquement et ceux qui l’utilisent pour au moins un usage intérieur, on constate que ces derniers consomment en moyenne 21,5 m³ par an en moins. Le montant moyen de leur facture pour les 5 dernières années a diminué de 2,3% tandis qu’il augmentait d’1% pour les autres.
Gare aux interprétations
Si à ce stade-ci de notre propos on ne perçoit pas une focalisation certaine de cette étude sur les utilisateurs d’eau de pluie à la maison, c’est qu’on a mal rendu compte de son contenu.
Rappelons ici que ce que le gouvernement wallon a instauré dans le chef des distributeurs, une obligation d’information générale sur l’utilisation rationnelle de l’eau. Un glissement s’est opéré et l’information qui s’est progressivement diffusée est que la baisse de consommation d’eau de distribution des ménages est préjudiciable à la qualité de l’eau distribuée, les réseaux étant dimensionnés pour une demande élevée. Mais aussi: l’utilisation de l’eau de pluie comme ressource alternative pour les usages ne requérant pas d’eau potable prive les opérateurs de rentrées escomptées. 80% des charges seraient en effet indépendantes des volumes consommés. Les opérateurs ont donc tendance à pointer du doigt les utilisateurs d’eau de pluie : ils sont en partie responsable de l’augmentation du prix de l’eau distribuée (15 euros par an et par ménage), avec ses conséquences sociales négatives.
Pour la Fédération, il s’agit d’une simplification abusive. Cette question doit en effet être envisagée dans une perspective nettement plus large. Si on veut étudier les impacts de l’utilisation des ressources alternatives, il ne faut pas se cantonner aux seules données quantitatives mais s’ouvrir largement aux aspects qualitatifs. Il faut par exemple prendre en compte la diminution de la quantité de produits d’entretien nécessaire du fait de la douceur de l’eau de pluie.
Pointons par ailleurs au rayon des surcoûts la somme de 65 à 95 euros par raccordement et par an[[Données TBE 2008 eau 12 et consommation toutes activités confondues de 120m³ par an (REEW 2006-2007)]] pour les opérations de dilution du fait des concentrations en nitrates supérieures à la norme de potabilité ainsi que pour les mises hors services de captages, mais aussi pour les traitements de filtration pratiqués pour répondre au problème des 16 millions de m³ affectés par une pollution aux pesticides.
L’utilisation rationnelle de l’eau passe également par une diminution de la pression quantitative sur la ressource. La Région wallonne exploite intensivement ses nappes, ce qui lui vaut d’être qualifiée de « région à risque » par le rapport de l’Agence européenne de l’environnement (AEE).
Les recommandations de l’AEE (mars 2009) concluant le rapport consacré aux ressources de l’Europe sont les suivantes : « Les autorités doivent créer des mesures incitant à exploiter davantage d’autres sources d’approvisionnement en eau, telles que les eaux épurées, les eaux grises et les eaux de pluie récupérées, afin de contribuer à réduire le stress hydrique. »
Pendant ce temps là, en Wallonie, on s’inquiète du fait qu’une consommation de 93 l/j/hab serait insuffisante et on voudrait nous faire croire que les utilisateurs d’eau de pluie, qui sont plein de bon sens et anticipent les recommandations européennes, posent problème. C’est le monde à l’envers!