L’engagement bénévole évolue, change et se transforme ; dans son organisation, dans son rapport au politique, dans ses actions et dans ses revendications. Une chose reste constante cependant : tout engagement bénévole nous offre une image de la société dans laquelle nous vivons et une image de ce qu’elle peut devenir.
Depuis plusieurs années, la tendance des associations va à la spécialisation, les thèmes et les actions portées par les associations se concentrent dans un domaine précis, alors qu’auparavant les associations étaient plutôt polyvalentes. La seconde tendance va vers la défédéralisation, les associations collaborent entre-elles pour des projets particuliers pendant une période précise, alors qu’avant les années 1970, les associations se caractérisaient par une organisation plus pyramidale : un centre, des régionales et des locales. Cette défédéralisation amène les associations à être parfois plus petites – sans pour autant être locales – et à s’inscrire dans des réseaux associatifs où elles vont trouver collaborations, échanges d’idées, amplification des actions, inspirations, etc.
Les bénévoles, militants ou volontaires sont également dans une transition, ils vont vers une plus grande autonomie. Reflet du processus d’individuation à l’œuvre dans la société en général, ce processus amène l’individu à devenir plus réflexif, à se définir autrement que par les rôles et statuts traditionnels, à être valorisé sur ses spécificités et à être responsables de sa propre destinée. Cela a pour corollaire une plus grande fragilité, notamment parce que les individus ne sont plus insérés dans les systèmes d’appartenance, où la reconnaissance et les relations étaient relativement stables. En dehors de ces systèmes, les individus doivent donc créer leurs relations dans les différents réseaux qu’ils fréquentent et y trouver la reconnaissance dont ils ont besoin.
Cette tendance vers plus d’autonomie demande de pouvoir mobiliser des capitaux sociaux, culturels et symboliques pour se définir, être autonome, rétroagir et s’adapter. Elle a nécessairement un impact sur les formes d’engagements dans les associations ou les participations aux diverses activités proposées par ces dernières. L’une de ses conséquences est, notamment, ce que Jacques Ion appelle l’engagement « post-it », qu’il oppose à l’engagement « timbre ». L’engagement « post-it » est lié à un projet et donc par définition ponctuel. Ce qui n’enlève rien à l’intensité de cet engagement pour la personne, il lui demande même une forte mobilisation. Mais contrairement à l’adhésion plus permanente du « timbre », l’engagement de type « post-it » est révisable à tout moment. Il est davantage attaché au projet qu’à la structure ; il peut exister en dépit de liens fort ténus avec les autres membres de l’association. La personne peut se décoller, comme un post-it, et revenir à une autre occasion vers la structure.
« Post-it » et « timbre » sont différents et complémentaires pour faire vivre l’engagement bénévole. Le besoin d’autonomie et de participation modulaire des individus au sein des collectifs entraîne des difficultés de gouvernance des associations, notamment celle de trouver des personnes qui s’engagent dans des fonctions permettant de faire vivre la structure. Mais aussi dans la participation aux décisions plus générales (statuts, ROI, etc.), où chacun désire donner son avis.
Ces tendances à l’autonomie observées au sein des associations et chez les individus changent probablement aussi notre rapport au travail, à la politique et donc à la société que nous construisons pour demain. Derrière l’envie de partager son point de vue et de pouvoir être partie prenante des décisions qui nous impactent, une autre envie est fortement présente, celle de sortir des systèmes d’appartenance pour sortir aussi du prêt-à-penser.
Les individus autonomes développent des compétences à tisser des relations et à les renouveler, à assumer leur part de responsabilité dans les décisions, à remettre en question les acquis, à s’organiser de façon plus horizontale et réticulaire. Ce sont des compétences importantes. Elles sont en outre capitales pour construire une société résiliente et solidaire : si, dans cet élan d’autonomie, l’altruisme fait partie du voyage ! Il faut pour cela renouer avec notre capacité à entrer dans des relations basées sur la boucle du don : demander, recevoir, rendre, en opposition à la boucle : prendre, refuser, garder.
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Ne manquez pas notre soirée de réflexion sur l’évolution du bénévolat : favoriser la réflexivité dans son association . Le mardi 21 juin 2016, de 18h30 à 21h30, Mundo-Namur, salle Yangtsé, rue Nanon 98 à Namur. Informations et réservations : Véronique Hollander.
Sur les post-it et les timbres, et bien d’autres choses : Jacques ION, S’engager dans une société d’individus Paris, Armand Colin, coll. « Individu et société », 2012, 214 p., ISBN : 9782200275198.