C’est une proposition qui a fait peu de vagues au milieu des mesures communautaires présentées par le formateur Bart De Wever. Pourtant, elle pourrait avoir de lourdes conséquences sur notre mobilité : la N-VA souhaite supprimer le SPF Mobilité et Transport au 1er janvier 2026.
En résumé : une réforme de l’État est nécessaire pour améliorer l’efficacité du système de transport. Oui, il faut donner plus de place aux régions dans la définition de l’offre de transport ferroviaire, mais il ne faut pas pour autant supprimer les institutions fédérales de l’équation. Bien au contraire, il est nécessaire de renforcer le rôle de coordination joué par le SPF Mobilité et Transport afin de stimuler la complémentarité entre les offres de transport.
Le SPF Mobilité et Transport est l’administration chargée notamment de la mise sur le marché et de l’immatriculation des véhicules, de la surveillance du trafic aérien, de la navigation maritime, … mais aussi de la supervision des contrats entre l’Etat et les entreprises ferroviaires (contrat de performance d’Infrabel et de service public de la SNCB). Cette annonce constitue donc un nouveau coup de butoir en faveur de la régionalisation du rail.
Régionaliser le rail est une vieille lubie de nombreux nationalistes flamands. Dans son dernier livre (Dood spoor) sorti en début d’année, Marc Descheemaeker (directeur général de la SNCB de 2005 à 2013) plaide par exemple pour une scission de la SNCB. Or, jusqu’à maintenant, cette volonté de régionalisation a été une cause de l’inefficacité du système ferroviaire belge, non une solution !
Ce système est régi par la règle du 60/40 : tout investissement en Wallonie doit induire un investissement 1,5 fois plus important en Flandre. Cette règle de répartition empêche la mise en place d’une politique d’investissement rationnelle. En effet, en plus d’invisibiliser la Région Bruxelles-Capitale, elle ne tient pas compte des réalités ferroviaires : si la Wallonie est moins peuplée que la Flandre, elle possède également un territoire 25% plus grand. De ce fait, 43% du nombre total de kilomètres de voies se trouvent en Wallonie1. Ces voies sont particulièrement vétustes, entrainant des retards, mais certains investissements nécessaires ont été retardés pour respecter la règle de répartition. L’amélioration de la ponctualité attendra donc encore un peu en Wallonie, avec les voyageurs comme premières victimes.
Face à ce constat d’échec, la solution proposée par la N-VA est claire : il faut régionaliser davantage !
Le secteur ferroviaire est très intensif en capital et possède une certaine inertie. En effet, il requière de nombreux investissements, qui doivent être planifiés des années à l’avance. Les économies d’échelles sont donc nécessaires à tous les étages pour permettre la rentabilité des entreprises ferroviaire. En ce qui concerne l’infrastructure, on remarque également des difficultés à passer d’un gestionnaire d’infrastructure à l’autre, la faute à un système de réservation des « sillons » non intégré au niveau européen et à des normes techniques différentes. Scinder une entreprise ferroviaire est donc une aberration tant d’un point de vue financier (perte d’économies d’échelle) qu’opérationnel (effet frontière).
Scinder l’offre de transport peut toutefois faire plus de sens. En effet, les réalités démographiques diffèrent fortement entre une Flandre très dense et une Wallonie à l’habitat plus dispersé. Pour ne prendre qu’un seul exemple, la vraisemblable suppression des Standard Multi (anciennement Rail Pass) de la future grille tarifaire de la SNCB va davantage impacter les ménages wallons. En effet, le Standard Multi, titre forfaitaire (10,20€ par trajet), est largement utilisé pour plafonner le prix du billet : de nombreux voyageurs le préfère au tarif kilométrique dès que celui-ci est supérieur à 10,20€. Les distances parcourues étant plus importante en Wallonie2, la différence entre ce tarif forfaitaire et le tarif kilométrique des trajets effectués est plus élevée pour les voyageurs wallons, qui devront donc payer plus en cas de suppression.
Cette division de l’offre de transport (pour laquelle des tests sont autorisés par le contrat de service public de la SNCB) doit toutefois se faire par zones géographiques cohérentes, en distinguant les liaisons nationales (IC) afin d’éviter les effets frontières. Couper les corridors forcerait en effet de nombreux flamands se rendant dans les Ardennes et de wallons se rendant à la côte à effectuer une correspondance supplémentaire.
De plus, diviser l’offre de transport suppose d’impliquer davantage les régions dans la définition des plans de transports et dans l’attribution des contrats de services publics. Toutefois, cela ne veut pas dire se passer d’une administration fédérale forte. Pour prendre l’exemple de la Suisse3 (système confédéral comme prôné par la N-VA), si l’offre (le plan) de transport est définie en étroite collaboration avec les cantons, c’est bien une institution fédérale, l’Office Fédéral des Transport (OFT), qui coordonne l’exercice. Il ne faut donc pas supprimer le SPF Mobilité et Transport, mais au contraire le renforcer pour lui donner les compétences d’une autorité organisatrice du transport !
En conclusion oui, une réforme de l’État est nécessaire pour améliorer l’efficacité du système de transport. Oui, il faut donner plus de place aux régions dans la définition de l’offre de transport ferroviaire, mais il ne faut pas pour autant supprimer les institutions fédérales de l’équation. Bien au contraire, il est nécessaire de renforcer le rôle de coordination joué par le SPF Mobilité et Transport afin de stimuler la complémentarité entre les offres de transport.
Crédit image d’illustration : Adobe Stock
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- Donnée accessible sur l’Open Data d’Infrabel : https://opendata.infrabel.be/pages/home/
- Selon les données issues de l’enquête Monitor (2017)
- Pour une présentation du système suisse, voir : https://www.ccecrb.fgov.be/p/fr/1133/revoir-le-webinaire-avec-luigi-stahli-sur-le-modele-suisse-de-systeme-integre-de-transports-en-commun