Ce mercredi 3 novembre 2010, la Commission européenne a présenté son projet de Directive sur la gestion des déchets nucléaires. Sans surprise, celle-ci préconise l’enfouissement en profondeur (300 m minimum) comme seule et unique solution pour le stockage des déchets radioactifs de haute intensité et de longue durée (certains de ces déchets sont estimés comme actifs jusqu’à 240.000 ans) tout en appliquant les normes de sûreté de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). La directive prévoit aussi l’interdiction d’exporter des déchets nucléaires vers des pays tiers : chaque pays producteur sera responsable de ses déchets nucléaires. Une fois adopté par le Conseil et le Parlement (dans le courant 2011), ce texte deviendra le cadre législatif pour tous les Etats-membres. Ceux-ci devront, après l’entrée en vigueur prévue en 2015, établir un plan d’action de mise en ½uvre de centres de stockage définitif, sous peine d’amendes.
FORATOM qui représente les intérêts nucléaires auprès de la Commission salue cette initiative, tout comme le Forum nucléaire, qui a été à l’initiative, ces dernières années en Belgique, d’une vaste campagne pro-nucléaire. Celle-ci voulait remettre en question la loi belge de sortie du nucléaire civil datant de 2003. Ce forum a pour membres, Electrabel, SPE ou encore Areva et Tractebel, tous des acteurs importants de l’énergie nucléaire. Avec une marge bénéficiaire estimée entre 1,75 et 1,95 milliards d’euros par la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG) (voir communiqué de presse), le secteur du nucléaire a tout intérêt à nous faire croire que l’épineux problème des déchets nucléaires est enfin résolu. Un sondage récent de l’OCDE (cliquez ici pour plus d’info) en Europe a en effet montré que la moitié des opposants à l’énergie nucléaire changerait leur avis si une solution était trouvée pour les déchets radioactifs. L’enjeu est donc de taille.
Les mouvements environnementalistes, de leur côté, multiplient les communications ainsi que les actions militantes (voir notre article sur « le train d’enfer ») contre le choix politique actuel de maintenir, souvent au prix d’une certaine désinformation sur les déchets, l’activité nucléaire. Déchets qui sont historiquement le principal point d’achoppement entre les défenseurs et les détracteurs de l’énergie nucléaire. Il est vrai que cette gestion des déchets manque encore de garanties scientifiques quant à la sécurité à long terme des installations sur des dizaines de milliers d’années ainsi que sur les possibilités de contrôler et de récupérer les déchets si les choses tournaient mal.
En Belgique, l’ONDRAF a soumis cet été à la consultation du public un Projet de Plan Déchets qui préconise l’enfouissement dans des couches d’argiles profondes des déchets radioactifs B et C (de haute activité et/ou de longue durée de vie) pour lesquels n’existent encore qu’un stockage provisoire. L’ONDRAF demande que le prochain gouvernement prenne une « décision de principe » alors que les recherches sont toujours en cours. Inter-Environnement Wallonie (IEW) avait présenté à cette occasion ces arguments (pour découvrir la position d’IEW sur ce plan, cliquez ici).
La position de la Commission européenne vis-à-vis des déchets nucléaires est emblématique de son attitude générale face aux défis à venir : enfouir bien loin pour ne pas avoir à gérer, conserver les acquis plutôt que prévoir les effets néfastes, ou encore encourager la rentabilité plutôt que considérer le principe de précaution et la sécurité des générations à venir.
Extrait de nIEWs (n°85, du 25/11 au 9/12),
la Lettre d’information de la Fédération.
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