Après un report obligé vu le contexte sanitaire, notre Université Annuelle, organisée en collaboration avec SYTRA, transition of food systems, a eu lieu au format webinaire le 28 octobre dernier et portait sur les trajectoires des systèmes agricoles. Et, ça tombe bien… Plusieurs Plans Stratégiques sont en cours d’élaboration en Wallonie, dont celui de la future Politique Agricole Commune (plus d’un tiers du budget européen) et celui du Développement de l’Agriculture Biologique (avec l’objectif de 30% des surfaces agricoles wallonnes converties d’ici 20301). Premiers retours…
Pour repenser nos systèmes agricoles, les débats étaient cadrés autour de quatre questions :
- L’agriculture nourrit-elle les wallons ?
- Quel avenir pour l’agriculture familiale en Europe ?
- Les agriculteurs chez nous vivent-ils de la vente de leur production ?
- L’agriculture conventionnelle peut-elle relever les défis du climat et de la biodiversité ?
L’objectif au travers de vidéos préenregistrées et d’interventions en direct étaient de déconstruire les mythes sous-jacents à ces questions et d’identifier des trajectoires pour assurer une transition de nos systèmes agricoles vers plus de durabilité (économique, sociale et environnementale).
Pour réaliser cet exercice, nous avons fait appel à des agriculteurs, des citoyens et quatre experts aux angles d’approches complémentaires : Philippe Baret (Professeur et Doyen à la faculté des bioingénieurs de l’UCLouvain), Marc Dufumier (Agronome et Professeur honoraire à AgroParisTech), Olivier Mevel (Maître de Conférences en Sciences de Gestion et Consultant en stratégie des entreprises agroalimentaires) et Konrad Schreiber (Agronome des sols vivants à La Vache Heureuse).
Le webinaire a enregistré plus de 150 participants qui avaient la possibilité de s’exprimer via le chat. Une question centrale insistait :
« La demande d’une partie des consommateurs évolue vers plus de « local » et de « durable ». Mais comment assurer que la marge revienne au producteur et pas une nouvelle fois à la grande distribution, qui s’adapte et répond à cette demande tout en continuant à faire pression sur les prix agricoles ? »
A elle seule, cette question brasse les enjeux des discussions qui ont eu lieu autour des pratiques et des modèles agricoles à soutenir, du jeu d’acteurs de la chaîne de valeur, des circuits de commercialisation et de régulation des marchés, de la remise en question de notre alimentation en tant que consommateur.
Parmi les acteurs, le rôle du politique est indéniable, que ce soit au niveau européen, au travers de nouvelles balises indispensables à poser dans la Politique Agricole Commune, ou au niveau régional, où il peut orienter « les choix d’usage ». Par le passé, la Wallonie a fait le choix de se positionner dans une logique d’échange, notamment comme exportatrice de pomme de terre et importatrice d’une partie des aliments pour son bétail.
La mission de plaidoyer d’IEW a, plus que jamais, tout son sens et son importance pour influer sur ces choix déterminants.
Aujourd’hui, une volonté de relocalisation de nos systèmes alimentaires semble émerger (cf. l’appel à projet lancé en septembre par la Région wallonne) avec un souci d’autonomie renforcé par la crise de la Covid.
Aux préoccupations d’actions des participants à une échelle plus territoriale, Marc Dufumier suggère d’ailleurs de favoriser le circuit-court pour les produits « pondéreux et périssables », comme les tomates par exemple, dont les externalités négatives, notamment pour leur transport, sont aberrantes.
Finalement, il ressort des discours convergents sur les constats et parfois un peu plus divergents sur la ou les voies à suivre, qu’il manque un outil d’objectivation. Il existe bien des labels répondant à des cahiers des charges mais, finalement, seul le label bio fait l’objet d’un système de contrôle indépendant qui garantit une qualité différenciée du produit certifié au consommateur. Or, même ce label a fait l’objet de critiques par certains des orateurs. Afin de sortir du débat idéologique et de la défense d’un modèle plus vertueux qu’un autre, nous plaidons pour l’idée avancée par Marc-André Henin, évoquée par Philippe Baret et aussi entendue de la bouche de Dominique Potier lors du webinaire INRAE sur le changement d’échelle de l’AB : disposer d’indicateurs globaux qui intègrent le coût environnemental, le caractère équitable (rémunération juste du producteur, répartition équilibrée de la valeur ajoutée), les conditions de travail, le bien-être animal, etc. Le consommateur pourrait alors orienter ses choix d’achat en toute transparence vers les produits qui répondent à l’ensemble des critères ou au moins à ceux auxquels il est le plus sensible.
Nous prendrons le temps de revenir sur ces riches échanges début 2021 dans un dossier spécifique où les questions du chat seront notamment analysées.
En attendant, toutes les vidéos – micro-trottoir, témoignages des agriculteurs, vidéos des intervenants et webinaire de la matinée du 28 octobre – sont disponibles sur notre chaîne YouTube :
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