Ecologique, durable, respectueux de l’environnement, naturel… autant de termes à la mode que l’on retrouve tantôt sur les étiquettes des produits tantôt sur les annonces publicitaires qui les vantent. Le vert est à la mode et ce serait une erreur stratégique manifeste, pour une entreprise que de le laisser passer le filon.
Mais, très (voire trop) souvent, les vertes vertus prêtées aux produits ne sont que de la poudre jetée aux yeux des consommateurs soucieux d’éco-responsabilité.
Quatre exemples. Une bouteille en plastique « végétale » (alors que 80% de l’emballage reste issu de la pétrochimie), une voiture « pour mère nature » (un peu bateau comme exemple, c’est vrai, mais le secteur automobile aime), des cosmétiques « naturels » (depuis quand le qualificatif « naturel » est-il synonyme de sans danger ? Pour rappel, le mercure et l’arsenic sont aussi naturels…) ou un engrais combiné à des pesticides présenté dans un cadre « ludique » (mais oubliant de préciser que le produit est irritant et mérite d’être appliqué avec quelques précautions).
Quatre exemples épinglés ce mois de mai dans le cadre de l’Observatoire citoyen du greenwashing OCG).
Observatoire citoyen du greenwashing ?
Tout est parti d’un constat indiscutable: le cadre « législatif » qui réglemente l’utilisation des allégations environnementales dans les publicités (pour les initiés : le code de la publicité écologique ou CPE) est… ridicule. Flou, archaïque et, surtout, « supervisé » par un acteur « juge et partie », peu enclin à le faire respecter[Le JEP, jury d’éthique publicitaire [qui a reçu en 2010 le Chardon de la Fédération ]], il est parfaitement inopérant. Et malgré plusieurs tentatives initiées par le Ministre Magnette pour aboutir à sa révision[[Discussions dans le cadre du Printemps de l’environnement, avis du conseil de la consommation, inclusion d’une proposition concrète dans l’avant-projet de plan fédéral « politique produit »… mais qui a disparu de la version définitive]], aucune concrétisation n’a pu voir le jour. Aujourd’hui, la « non-gouvernance » fédérale[[le terme n’est probablement pas bien choisi : j’ai entendu plusieurs analystes politiques souligner le fait que le gouvernement n’avait jamais été aussi stable ces dernières années que depuis qu’il est en affaire courante.]] empêche certes toute avancée, mais, convenons-en, le blocage politique était – et de loin – antérieur à la dernière chute du gouvernement fédéral.
Nous sommes donc face à un cadre insuffisant et une absence de consensus politique pour faire avancer les choses. Et pendant ce temps, un bombardement incessant de pubs, logos, labels vante les qualités respectueuses de l’environnement parfaitement imaginaires (et donc fallacieuse) d’une foule de produits de consommation courante… Les consommateurs les moins avertis donc les plus crédules les gobent « toutes crues » ; et ceux qui, plus sensibilisés détectent l’arnaque en sont réduits à s’indigner, s’énerver, vouer ces menteurs aux gémonies… ou, tout en n’étant pas dupe de l’inutilité effective de la chose (lien vers affichage CO2), dénoncer la manipulation à ce pseudo organe régulateur qu’est le JEP.
Un outil pour changer les choses
D’où notre volonté de créer cet observatoire citoyen du greenwashing. Ces objectifs?
mettre à disposition des citoyens un espace de réactions aux utilisations abusives d’allégations environnementales ;
construire des clés d’analyse et les mettre à l’épreuve en les testant sur ces utilisations abusives ;
et, in fine, porter auprès du monde politique des propositions concrètes en termes d’encadrement de l’utilisation des allégations environnementales et de la publicité de manière générale.
Notre objectif n’est pas d’identifier tous les messages « greenwashants » – cela n’est pas notre rôle et dépasserait largement les moyens humains et financiers disponibles – mais d’épingler des exemples permettant de prouver que l’absence actuelle de règles claires et de contrôle est susceptible de tromper les consommateurs, d’aller ainsi à l’encontre des enjeux environnementaux et sociaux actuels.
Une plateforme de résistance : la VAP !
Cette démarche trouve sa place dans un contexte plus global de résistance à la pression publicitaire, piloté par la plate-forme Vigilance Action Pub! (VAP!). Les revendications de la VAP!, rassemblée dans un memorandum rédigé à l’occasion des dernières élections régionales et européennes, touchent tant à l’encadrement de la publicité (et donc de la nécessité de créer un observatoire fédéral indépendant de la publicité) qu’à la question de la présence de la pub sur l’espace public (y compris la RTBF, qui a tendance à oublier de plus en plus ses missions d’éducation permanente, pour laisser la place à une espèce de plagiat des chaînes privées). Dès la rentrée scolaire, les différentes sensibilités présentes au sein de la VAP! pourront s’exprimer sur le site internet de l’Observatoire citoyen du greenwashing, grâce à la création d’une nouvelle rubrique : « l’invité du mois ». Des clés de décodage seront proposées par les différents partenaires, sur les thèmes des assuétudes, de l’accès au crédit/du surendettement, des stéréotypes raciaux, sexuels, etc. La plate-forme prépare par ailleurs une assemblée générale, qui se tiendra le 26 septembre. Toutes les informations « pratiques » seront publiées prochainement sur son site.
Est-ce bien nécessaire ?
Vous me direz peut-être que c’est bien beau tout ça, mais franchement, en quoi est-ce important, voire prioritaire à l’heure de défis tel les crises financière, sociales, climatique, énergétique, alimentaire… ?
De fait, le lien n’est pas directement perceptible. Mais partons du point de vue (qui est celui défendu par la Fédération) que pour aborder ces crises, le principe au niveau de la consommation en général est « MOINS et AUTREMENT », dans un souci de protection de l’environnement et d’équité sociale. Qu’il est de la responsabilité des citoyens de poser des choix individuels responsables. Qu’il est de la responsabilité des pouvoirs législatif et exécutif de créer un cadre légal performant pour définir les grands axes d’une consommation soutenable et guider le citoyen dans ses choix. Que les outils dont disposent les pouvoirs publics pour ce faire relèvent de 4 catégories :
• la planification (évolution des consommations, investissements pour permettre ces évolutions, recherche et développement,…) ;
• les normes et les règlementations (nous sommes précisément dans ce domaine avec la régulation de la pub par exemple) ;
• la fiscalité (les diverses taxes à la production et la consommation) ;
• l’information et la sensibilisation.
Et s’il faut tout faire pour promouvoir tout de qui s’inscrit dans ce cadre, il faut aussi dénoncer (et combattre) tout ce qui l’empêche de s’installer durablement.
Qu’en est-il donc de la pratique publicitaire au regard de ce cadre général ?
Comme nous l’avons développé dans un article du site de l’OCG, la publicité, cette communication omniprésente au point de tomber incontestablement dans la catégorie des pratiques de harcèlement mental est rétrograde, dangereuse, antidémocratique et inégalitaire, inutile et coûteuse. Comme nous venons de le montrer, elle échappe à toute régulation – l’autorégulation ne pouvant décemment pas faire partie des mécanismes de régulation reconnu et efficace. Elle échappe à toute pratique fiscale qui lui serait spécifiquement dédiée. Et elle est l’antithèse de l’information et la sensibilisation : elle relève de la manipulation. Le greenwashing, pratique publicitaire à part entière tombe sous le coup de l’ensemble de ces critiques et a cette particularité qu’il surfe sur la bonne conscience de ceux qui veulent introduire un changement dans leur vie pour aller dans le sens d’une consommation plus soutenable pour mieux les tromper. Ainsi, faire croire à un consommateur qu’il entre dans la catégorie des consommateurs responsables parce-qu’il achète une voiture qui émet 10 gr de CO2 en moins relève de la tromperie quand on sait que l’automobile ne sera jamais un mode de transport soutenable et que cette voiture soi-disant écologique n’est jamais que le cache-sexe d’une production d’ensemble qui reste largement polluante.
Que les entreprises puissent communiquer sur les améliorations « environnementales » de leurs produits – d’accord. Mais pas n’importe comment. Elles peuvent le faire sur des catégories de produits pertinentes, de manière standardisée (labels officiels, progressions significatives, etc.) , et avec un réel contrôle de ce qui avancé (avant diffusion, cela va de soi).
Convaincus ? Alors, participez à l’Observatoire citoyen du greewashing en surfant sur son site et en proposant vos publicités greenwashantes ou en votant pour « la manip du mois ».