Le CoDT (ex-CWATUPe) est sur le grill. Le SDER est dans le pipe. Et au coeur des enjeux, encore et toujours la densification, le leïtmotiv des aménageurs et des politiques depuis que le développement durable percole dans la réflexion territoriale. Mettre plus sur moins : une intention louable, voire une obligation au vu de l’état du territoire wallon de plus en plus construit, mité et motorisé.
Le concept de densification est-il clair ? Pas vraiment. On fait souvent comme si… Mais, c’est un peu court de dire : “mon projet, mon plan, mon texte… il est bon pour l’environnement, car vous avez vu comme il densifie…”
Si on peut s’accorder sans trop de difficultés sur la définition, “densifier c’est augmenter la densité”, c’est en allant plus loin que les problèmes surgissent. En effet, la densité ne signifie rien en tant que tel. Le concept de densité ne dit pas en lui-même à quel type d’objet il se réfère. On sait que ce type d’objet verra sa quantité augmenter sur une surface limitée, mais on n’en sait pas plus. Dans l’absolu, cet objet pourrait aussi bien être un incinérateur qu’une voiture.
Ensuite, quand on parle de densification, on en parle de plus en plus dans le cadre du développement territorial durable. Ca oriente donc intuitivement vers certaines variables, mais ça n’en fixe pas une, en définitive. Ce qui est à l’origine de bien des controverses, le modèle de territoire et, au-delà, de société, en découlant pouvant être très différent de l’une à l’autre variable.
Sans être exhaustif, la densité bâtie n’a pas grand chose à voir avec la densité de logements ou la densité démographique. Dans la densité bâtie, on a beaucoup de surface plancher, qui est répartie de manière ou plus ou moins équilibrée, mais on n’a pas forcément beaucoup d’habitants ou de logements. Dans la densité en logements, on a beaucoup de logements, mais on n’a pas forcément une importante surface plancher – les logements peuvent être de petite taille – ou beaucoup d’habitants – des logements peuvent être non-occupés et des foyers peuvent ne compter qu’un ou deux habitants. Dans la densité démographique, on a beaucoup d’habitants, mais on n’a pas forcément beaucoup de logements – les logements peuvent compter quatre, cinq, six habitants en moyenne – ou une surface plancher importante – la surface bâtie par habitant peut être très élevée.
A ce jeu, un quartier dense pourra avoir beaucoup d’habitants mais être physiquement très bas – un ou deux niveaux –, comme il pourra présenter un profil tout en élévation mais avec très peu d’habitants.
Un centre-ville peut être très densément bâti – des bâtiments de grande hauteur, peu d’espaces non-bâtis – mais être quasiment inhabité. C’est le cas par exemple quand le bâti abrite essentiellement des fonctions administratives ou commerciales. Dans tel centre-ville, l’animation est au degré zéro passé 18h-19h ou le week-end alors qu’il est en pleine effervescence en horaires de bureau. Ce qui est l’ideal-type du central business district des villes nord-américaines, et, plus près de nous, du quartier européen à Bruxelles ou, dans une moindre mesure, du Vertbois à Liège.
Sans davantage pinailler sur le concept, faisons juste en sorte qu’une posture philosophique heureuse, celle de densifier les centres pour limiter l’étalement urbain, se traduise de la manière la plus conforme au développement territorial durable. Les centres-villes ainsi densifiés doivent devenir des quartiers durables, dans lesquels il fera bon vivre aujourd’hui et demain et où le mix fonctionnel évitera de fastidieux déplacements. En substance, la densification ne peut devenir la justification d’une promotion immobilière non refrénée en centre-ville mais doit permettre d’amorcer une réorientation heureuse et nécessaire de notre mode d’urbanisation.
Pour approfondir l’interrogation impertinente du concept de densification, la contribution de “Moins”, le journal romand d’écologie politique de mars avril 2013 peut se révéler utile.