Dossier Falkenberg : Action civile de la Région wallonne recevable mais non fondée! Le dossier Falkenberg a fait couler énormément d’encre depuis des années. Vue sous le prisme de la santé environnementale, cette affaire laisse beaucoup de questions sans réponses mais ouvre aussi une porte… celle de la recevabilité de l’action civile formée par la Région wallonne.
Pour rappel, la Région wallonne s’est (enfin) portée partie civile dans cette affaire en octobre 2006. Cette action s’ajoute à celle en intervention volontaire, faite en vue d’obtenir la remise en état des sites, comme l’y autorise l’article 58 du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets. Le nombre de sites pollués par des dépôts illégaux de déchets dangereux laisse plus que supposer que l’environnement et donc la santé publique ont été (et seront encore) atteints par ces produits toxiques (métaux lourds, hydrocarbures et bien d’autres choses encore).
Le parquet note cependant que le dommage causé à la santé publique par les infractions (avérées) reste « éventuel et non certain » : il n’existe pas de preuve que ces dépôts de déchets dangereux aient causés ou soient en train de causer des dommages à la santé.
Mais a-t-on cherché ces possibles dommages à la santé ? Comment les répertorier ? Les examiner ? Les classer ? Comment faire le lien de cause à effet ? Est-ce envisageable que la faible densité de population autour des sites ait été un agent géographique limitant la contamination de la population ? Cette variable est-elle suffisante que pour dire qu’il n’y a pas de risque avéré d’un problème de santé actuel ni dans le futur ?
Lee nombre de questions sans réponse tradui les manquements actuels en terme de véritable politique de santé Environnementale (ces besoins sont d’ailleurs diagnostiqués dans la LARES [[Liste d’Actions Régionales en Environnement et Santé (juin 2005)]]
):
répertorier des données sanitaires de la population en faisant le lien avec les conditions environnementales (recueil « parcours de vie » qui reprendrait aussi bien les migrations personnelles, parcours professionnels, habitudes alimentaires, facteurs environnementaux que les données familiales – avec toutes les mesures nécessaires pour la protection des données !);
coordonner et intensifier (entre experts de la santé et de l’environnement) l’identification, l’évaluation et la gestion des risques sanitaires en matière d’environnement ;
communiquer sur le risque : mettre à la lumière les éléments connus (et les questions qui subsistent) pour que les acteurs de la santé puissent rechercher les causes des symptômes constatés dans la population et être attentifs lors de leurs contacts avec la population ;
former les acteurs de la santé (médecins généralistes et autres) à être attentifs aux facteurs environnementaux ;
Dans cette affaire, il y a eu assez peu de mobilisations citoyennes : deux associations des cantons de l’Est, Die Raupe et Terra Ostbelgien, ont déposé des plaintes mais celles-ci n’ont pas nécessairement été suivies… ceci dans un contexte de corruption active qui a été enfin reconnu mais qui, dès lors, remet en question le suivi donné à ces plaintes à l’époque.
Car le rôle de veille des associations et des riverains informés et attentifs peut être un vrai soutien aux pouvoirs publics : pour cela il faut qu’un système d’information soit organisé et qu’il soit régulier et suivi dans le temps (les problèmes de santé, ne se déclenchent pas toujours directement…)[[Il suffit pour s’en convaincre de se référer au jugement du tribunal correctionnel de Huy qui s’appuie sur le « long » rapport de l’ASBL Terra Ostbelgien pour conclure que le site de FLÖG était utilisécomme une décharge avant la période infractionnelle (p. 120 du jugement).]].
Qu’existe-t-il en Région wallonne ?
La SPAQuE a développé un modèle d’évaluation des risques (Human Risk) utilisé actuellement comme procédure transitoire lors des études de caractérisation des sites potentiellement pollués. Ce modèle est plus souple et plus complet qu’une simple comparaison des analyses de sols aux normes existantes. Lorsque il découle un indice de suspicion potentiel ou avéré pour la santé humaine, la SPAQuE commande la réalisation d’une étude toxicologique.
Mais la santé (et l’environnement) ne se limitent pas à la Région wallonne : ni au niveau de la diffusion des polluants, ni au niveau des risques de contamination ni au niveau de la répartition des compétences : communauté française, région et fédéral sont impliqués !
Une Task-force a été mise en place (13 juillet 2006) : elle est composée de représentants des Cabinets et des administrations (CF, RW en matière de santé et d’environnement). Elle est chargée de formuler des propositions pour la mise en ½uvre d’un système d’information en Environnement-Santé à partir du croisement de bases de données environnementales et sanitaires ; d’activer la procédure d’évaluation et de communication des risques Environnement-Santé [[voir arbre décisionnel relatif à la procédure d’évaluation et de communication des risques Environnement-Santé et de gestion du risque toxicologique et sanitaire (approuvé par le gouvernement conjoint RW-CF le 27/03/2006)]] et d’analyser l’opportunité de créer une caution spéciale « santé » à côté des garanties environnementales exigées des exploitants et redevables et de formuler des propositions en ce sens au Gouvernement wallon.
Pour en revenir à l’affaire des frères Falkenberg, tout ceci arrive bien tard : il n’y aura pas de caution, pas de sûreté (malgré la demande faite par la Région en tant que partie intervenante à l’action pénale, en application de l’article 58 du décret « déchets »)… Néanmoins, ils ont l’obligation de faire réaliser une étude préalable à la remise en état des lieux « dans la seule mesure de la réception par ces sites de déchets déposés par eux »… Pas de quoi fouetter un chat : car il n’y a pas de délais de réalisation de cette étude, pas d’assurance que la réhabilitation sera assurée à leurs frais et que les sites seront bien remis en état dans leur ensemble ; pas de lien non plus d’effets avérés sur la santé et donc pas de réserves pour assurer les coûts de santé s’ils sont un jour démontrés. Enfin, il nous semble inconcevable de limiter l’exercice à leurs propres déchets… Comment les identifier ? Pas d’ADN ( !)… C’est l’ensemble qui doit être remis en état car, n’est-ce pas les premiers gestes infractionnels qui, acquérant un statut de commune renommée autant qu’une totale impunités, entraînent des comportements du même type ?
Bref, une triste saga qui aura duré plus de 20 ans… et deux grands perdants : l’environnement et la santé!