Le Trithémis à ailes ambrées (en latin Trithemis kirbyi) a été observé à deux reprises cet été, probablement le même individu mâle, en deux points de la vallée de la Semois,. Il s’agit des premières observations de cette espèce en Belgique. Originaire d’Afrique, elle est apparue pour la première fois en Europe en 2003 (en Sardaigne et sur l’île de Lampedusa en Italie). Elle a désormais colonisé une grande partie de l’Espagne et est arrivée depuis 2017 dans le sud de la France.
Le 22 juillet à Chassepierre et le 2 août à Lacuisine, des amateurs de promenade dans la nature ont photographié ce qu’ils pensaient être une Libellule écarlate sur base de l’application de science citoyenne obsidentify (*).Ce n’est que cet automne, à l’occasion de la validation de ces observations par des spécialistes de la plateforme d’encodage de données biologiques « observations.be » qu’il est apparu qu’il s’agissait de Trithemis kirbyi. Ce constat est d’une grande importance car ce serait la première fois que l’on observe cette libellule en Belgique et ce serait également l’apparition la plus au nord jamais enregistrée pour cette espèce. Il s’agit d’un déplacement de plus de 600 km vers le nord par rapport aux populations connues en France, un déplacement conséquent donc.
Ces observations ont été réalisées durant la vague de chaleur que nous avons connue cet été, non seulement en Belgique, mais aussi dans toute l’Europe de l’Ouest. Les 18 et 19 juillet dernier, la température à Uccle a atteint un record à 38,1°C, et un temps sec, chaud et ensoleillé s’est maintenu jusqu‘à la fin du mois d’août.
Le Groupe de travail libellules Gomphus s’intéresse à l’impact des dérèglements climatiques sur les libellules depuis la fin des années ‘90 et a publié un des tout premiers articles sur le sujet en 2001. Déjà à cette époque, il avait relevé que l’augmentation des observations de neuf espèces d’origine méridionale pouvait être une conséquence du réchauffement climatique. Cette tendance s’est poursuivie depuis. En 2009, un nouvel article de Gomphus confirmait cette évolution et depuis, de nombreuses publications mettent en évidence que les libellules constituent d’excellents bio-indicateurs pour suivre l’impact des dérèglements du climat. En 2021, la nouvelle liste rouge des libellules de Wallonie confirmait l’extension des espèces favorisées par le réchauffement climatique.
Si la probabilité que cette espèce s’installe durablement chez nous est relativement faible pour l’instant, on ne peut exclure qu’elle fera un jour partie de notre faune.
S’agit-il d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle pour la nature ? Prise en dehors de tout autre considération, l’extension de l’aire de distribution d’une espèce constitue a priori une bonne nouvelle, mais replacée dans le contexte plus large du dérèglement du climat, ces observations montrent que les changements climatiques auront un impact significatif sur la faune, les libellules comprises. Pour les populations de libellules, l’assèchement des zones humides durant les périodes de sécheresses prolongées constitue en particulier une réelle menace pour les larves (aquatiques).
Contact FR : Roland de Schaetzen, 0478 30 74 22, roland.deschaetzen@gmail.com (Groupe de Travail Libellules Gomphus et Canopea)
Contact NL : Geert De Knijf, 0476 40 34 54, geert.deknijf@inbo.be (INBO en Libellenvereniging Vlaanderen)
(*) L’application obsidentify est une application de science citoyenne qui facilite la reconnaissance et l’encodage d’observations dans la nature. Cette application est développée conjointement par Natagora et Natuurpunt pour la Belgique.
Crédit photographique : Crédit photographique : Charles J. Sharp, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>;, via Wikimedia Commons
Bibliographie :
GOFFART P. & DE SCHAETZEN R., 2001 – Des libellules méridionales en Wallonie : une conséquence du réchauffement climatique. – Forêt wallonne, 51 : 2-5
LAFONTAINE R.-M. & DE SCHAETZEN R., 2009. Que s’est-il passé depuis l’an 2000 pour les libellules méridionales en Wallonie et à Bruxelles ? Les Naturalistes Belges. Numéro spécial du Groupe de Travail Gomphus Wallonie-Bruxelles. Volume 90, 3-4.