L’EBFTP, un comité consultatif européen piloté par l’industrie et soutenu par le Commissaire européen à la Recherche, propose un objectif de 25% d’agrocarburants dans le secteur du transport routier en 2030, alors que les effets néfastes des cultures à grande échelle nécessaires pour produire des agrocarburants sont de plus en plus critiqués.
Des associations de la société civile1 ont manifesté à Bruxelles, ce jeudi matin, devant le Centre de conférence Diamant où s’est réunie la Plateforme technologique européenne sur les biocarburants (European Biofuels Technology Platform – EBFTP), un comité consultatif européen piloté par l’industrie. Les manifestants se sont réunis pour protester contre les recommandations de l’EBFTP qui préconise une augmentation spectaculaire des objectifs européens en terme d’utilisation des agrocarburants dans les transports. L’EBFTP recommande ainsi un objectif de 25 % en 2030, alors même que la proposition actuelle de la Commission européenne –10% en 2020 – fait l’objet de critiques intenses vu les effets sociaux et environnementaux dévastateurs engendrés par une production accrue de cultures destinées aux agrocarburants, particulièrement dans les pays en développement.
L’EBFTP est dominée par l’industrie pétrolière (qui voit dans le «pétrole vert» un marché d’avenir), l’industrie automobile (pour laquelle l’essor des agrocarburants garantit la pérennité du moteur à explosion et permet d’éviter des réductions trop fortes de ses émissions de CO2) et l’industrie des biotechnologies (qui compte développer les agrocarburants de «seconde génération» à partir de végétaux et de bactéries transgéniques). L’EBFTP s’est réunie aujourd’hui pour lancer l’Agenda de recherche stratégique (SRA) et une feuille de route détaillée pour allouer les fonds européens de recherche et développement qui permettront d’atteindre l’objectif de 25%.
« Il est ridicule que le Commissaire à la Recherche Potocnik ait soutenu l’EBFTP la semaine dernière. Cette plateforme industrielle promeut un objectif de 25% de biocarburants dans les transports, ce qui entraînera une catastrophe environnementale et sociale à grande échelle dans des pays comme le Brésil et l’Indonésie. Là-bas, à cause du récent boom des biocarburants, des communautés agricoles sont déjà chassées de leurs terres et les conditions de travail des ouvriers dans les nouvelles plantations sont dégradées », explique Jonas Vanreusel de FIAN, une association internationale pour le droit à l’alimentation. Les impacts négatifs d’un tel objectif ne se limiteraient cependant pas aux pays producteurs du Sud : « L’Europe, qui importe des produits agricoles et de la nourriture, ne dispose pas de terres agricoles en suffisance pour produire des agrocarburants, sauf pour un usage local à la ferme. Elle devrait donner la priorité à la production alimentaire », estime Gérard Choplin, de la Coordination Paysanne Européenne (CPE).
« Les décisions en matière de financement de la recherche européenne ne devraient pas être laissées aux mains de multinationales qui ont un intérêt commercial direct à booster la production d’agrocarburants. Les citoyens européens ne veulent pas que l’Europe finance des cultures OGM pour produire des agrocarburants, comme des arbres transgéniques, par exemple », explique Nina Holland du Corporate Europe Observatory, un groupe de recherche et de campagne basé à Amsterdam et Bruxelles.
L’EBFTP a été créé en juin 2006 à l’initiative de la DG Recherche de la Commission et bénéficie du soutien sans faille du Commissaire Potocnik, malgré un vent de critiques qui monte en puissance. Il y a quinze jours, une coalition d’associations de la société civile a écrit au Commissaire Potocnik pour l’inciter à ne pas suivre la recommandation de l’EBFTP et à financer, à la place, la recherche sur l’impact des agrocarburants sur les émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, les appels pour un moratoire sur tous les objectifs et incitants qui visent à accroître l’usage des agrocarburants sont de plus en plus fréquents.
L’objectif actuel de la Commission de 10% d’agrocarburants en 2020 a été fortement critiqué, ces derniers mois, par des voix éminentes dont le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation Jean Ziegler, la commission de l’environnement du Parlement britannique, le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission, ainsi que les Commissaires européens à l’environnement et au Développement, Stavros Dimas et Louis Michel. « L’ironie de la chose, c’est que la conférence de l’EBFTP a été organisée pour coïncider avec la Semaine européenne de l’énergie durable, alors que les agrocarburants ne constituent pas un remède durable à notre dépendance au pétrole, et encore moins au changement climatique », commente Nina Holland.
CONTACT
Gérard Choplin, Coordination Paysanne Européenne (CPE), Bruxelles
Tél : +32 (0) 2.217.31.12 – +32 (0) 473.25.73.78 (français)
Nina Holland, Corporate Europe Observatory (CEO)
Tél : +31 (0) 6.30.28.50.42 (néerlandais/anglais)
INTERVIEWS, PHOTOS & VIDEOS
Jeudi 31 janvier, Diamant Conference Centre, Bd. Reyers 80, B-1030 Bruxelles (Métro Diamant),
de 8:00 à 9:30. Manifestants avec banderoles, musique et machine à pop-corn.
NOTES AUX RÉDACTEURS
1. La manifestation est organisée conjointement par la Coordination Paysanne Européenne (CPE), Corporate Europe Observatory (CEO), Les Amis de la Terre Europe (FoEE), Inter-Environnement Wallonie, A SEED et le Réseau d’Information et d’Action pour le droit à l’alimentation (FIAN).
2. Malgré les affirmations de l’EBFTP selon lesquelles elle serait un forum pluraliste, cette structure est largement dominée par des multinationales et des centres de recherche liés à l’industrie. Sur les 125 membres des cinq groupes de travail, seuls deux sont des représentants d’ONG. Davantage d’informations sur l’EBFTP et sa composition figurent dans le rapport publié en juin 2007 par le Corporate Europe Observatory, «The EU’s agrofuel folly: policy capture by corporate interests» (en anglais, disponible sur http://www.corporateeurope.org/agrofuelfolly.html).
3. La lettre des associations envoyée au Commissaire Janez Potocnik le 15 janvier est disponible en ligne: http://www.corporateeurope.org/docs/letter_sra_biofuels.pdf.