La Commission européenne a publié ce 20 février ses lignes directrices sur les aides d’Etat en matière d’aviation. Au regard de celles-ci, il apparaît que les aéroports régionaux et les compagnies aériennes qui les desservent pourront continuer à être abreuvés de subsides dont le montant total peut être grossièrement estimé entre 2 et 3 milliards d’euros par an.
Pour la fédération européenne T&E (Transport & Environment) et Inter-Environnement Wallonie, ce positionnement constitue une aberration absolue au regard des impératifs de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre responsables des changements climatiques et du régime de faveur dont le sectur aérien bénéficie déjà à cet égard.
Avec ces lignes directrices, le flux d’argent public va continuer à s’écouler vers les aéroports régionaux au moins pendant les dix prochaines années. Ainsi, les aides d’infrastructures pour l’extension des aéroports seront toujours autorisées. Les aides au fonctionnement octroyées précédemment de manière illégale seront elles considérées rétrospectivement comme légales. A l’opposé, aucune disposition sérieuse n’est prévue pour contrôler la multiplication d’aéroports dans un rayon de quelques centaines de kilomètres.
Les aides au fonctionnement permettent de couvrir les frais tels que les coûts de personnel et de maintenance des petits aéroports. Dans les faits, des aides ont été utilisées pour abaisser les taxes d’aéroport et attirer les opérateurs low-cost, introduisant une distorsion de concurrence et gonflant artificiellement la demande de transport aérien. Donner de l’argent public aux aéroports dans ce but a été considéré comme illégal par le passé, un des principes de base des lois de la compétition étant qu’un Etat européen qui promeut une industrie au détriment d’une autre introduit une distorsion dans le marché. Pourtant, dans les Lignes directrices publiées ce jour, la Commission légalise ces aides et garantit une « amnistie » pour les celles préalablement accordées et déclarées rétroactivement légales.
Les aides d’Etat sont la première des raisons expliquant la croissance beaucoup plus importante des petits aéroports. Sur la période 2004 à 2012, les aéroports de moins de 1 million de passagers par an ont en effet augmenté leur fréquentation de 135%, alors que la hausse était de 79% pour ceux sous le 5 millions de passagers et de 29% pour ceux ceux au-dessus de ces 5 millions.
Pour Pierre Courbe, chargé de mission Mobilité chez Inter-Environnement Wallonie, « rendre les aides de fonctionnement légales est une manière aisée et rapide pour la Commission de se faciliter la vie. De très nombreux aéroports régionaux ont abusé du régime d’aides depuis une dizaine d’années en sachant parfaitement que c’était illégal. Au lieu de fermer les yeux sur un des subsides les plus polluants en Europe, la Commission aurait dû établir des critères environnementaux, sociaux et économiques pour l’attribution de ces aides. »
L’aviation est le mode de transport le plus émetteur de CO2 par passager transporté, elle est responsable d’environ 5% du forçage radiatif anthropique. Si l’aviation était un pays, elle se classerait au septième rang des pays les plus émetteurs de CO2, juste entre l’Allemagne et la Corée. L’Europe exempte cependant déjà les compagnies aériennes de toute taxe sur le kérosène et n’applique pas de TVA sur les billets d’avion – ces formes détournées de subsides représentent environ 40 milliards d’euros par an[1]. Aujourd’hui, l’Europe accorde le feu vert à l’accroissement des aides d’Etat qui promouvront un accroissement des vols low-cost polluants.
Ces lignes directrices n’étant pas soumises à l’examen du Parlement, elles seront effectivement utilisées pour les futures décisions de la Commission.
Vous trouverez ICI les recommandations exprimées par la Fédération Inter-Environnement Wallonie dans le cadre de la consultation publique organisée l’année dernière sur ce sujet… et qui ont été superbement ignorées.