Des solutions aux préoccupations actuelles qui sauvent aussi le climat

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Le récent sondage commandé par IEW sur la perception des enjeux environnementaux a montré que la crise économique a conduit les belges à recentrer leurs préoccupations sur les enjeux individuels au dépend d’enjeux globaux tels que l’environnement ou l’enseignement. La situation économique et sociale étant difficile pour une part plus importante de la population, les questions de la vie quotidienne, pouvoir d’achat, santé ont pris la main sur les enjeux de société.

De ce constat, ressort l’obstacle le plus important pour lutter contre les changements climatiques : la temporalité. En effet, si nous agissons aujourd’hui pour réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, le résultat ne pourra être constaté que dans plusieurs dizaines d’années alors que nous réalisons les efforts maintenant. Ce faisant, nous ne nous battons pas pour améliorer notre cadre de vie mais pour ne pas détruire celui des générations futures. En d’autres mots, le payeur est visible alors que le bénéficiaire est invisible. Ce reproche majeur souvent fait aux hommes politiques, de ne penser leurs actions dans un temps bien défini, celui de la législature, pour avoir une chance d’être réélu n’est pas leur exclusive. Cet auto-centrisme est largement partagé par l’ensemble de l’humanité. Une étude publiée dans la revue Nature tend à confirmer ces difficultés et semble montrer que cette coopération avec les générations futures risque d’être encore plus problématique.

Des chercheurs ont mis en place une expérience de groupe en « risque collectif », centrée sur les changements climatiques. Chaque individu dans des groupes de six participants reçoit un montant de 55 $. L’expérience compte dix étapes, et à chaque étape, il leur est permis de choisir parmi trois options : investir 0 $, 2,75 $ ou 5,50 $ dans un « fond climat ». Les participants ont été informés que le montant total des dons contribuerait à financer une publicité sur le changement climatique dans un journal. Si à la fin des 10 étapes, le groupe a atteint un montant de 165 $ – soit environ 27 $ par personne – il a rempli son objectif, et chaque participant reçoit une prime supplémentaire de 60 $ dollars. Si le groupe ne réussit pas à récolter cette somme de 165 $, il y a 90 % de chance qu’ils n’obtiennent pas la prime de 60 $. En tant que groupe, il est plus intéressant pour les membres de collecter les 165$ pour obtenir cette prime mais individuellement les participants peuvent bénéficier de cette prime sans pour autant investir dans le « fond climat » tout en espérant que le reste du groupe paie assez pour atteindre la cible. Les économistes donnent un nom à ce comportement : le passager clandestin.

Il y a cependant une subtilité supplémentaire: ces 60 $ de prime sont versés sur trois horizons temporels différents. Dans une première option, la prime est versée le lendemain, dans la deuxième trois jours plus tard et dans la dernière, la prime est investie dans la plantation d’arbres pour séquestrer le carbone. Les arbres, mettant un certain temps à pousser, ne captureront le carbone que des années plus tard, bénéficiant exclusivement aux générations futures. Cette différence entre la première et la dernière option est appelée « actualisation intergénérationnelle », c’est ce qui se produit lorsque le bénéfice d’une action dans le présent est très faible et important pour les générations suivantes.

Sans surprise, plus le paiement est tardif, moins les groupes investit dans le « fond climat ». Même parmi ceux qui savent qu’ils recevront le paiement le lendemain, seulement 70% des groupes investissaient suffisamment dans le fond, alors qu’aucun des 11 groupes qui savait que leur argent serait investi dans la plantation d’arbres n’a donné assez d’argent pour « stopper » le changement climatique. L’application de ces résultats aux négociations internationales sur les changements climatiques dresse un bilan sombre de ce qui peut advenir de ces discussions. Du fait de cette « actualisation intergénérationnelle », la coopération est grandement compromise. À moins d’un changement de comportement à l’échelle de l’humanité, peu d’entre nous seront prêts à faire les efforts demandés pour éviter les conséquences néfastes de nos actes aux générations futures.

D’où la nécessité d’introduire des mesures incitatives à court terme pour stimuler la coopération, comme des sanctions, des récompenses ou encore jouer sur la réputation.

Heureusement, des incitants à court terme pour lutter contre les changements climatiques existent. Ainsi, s’il faut des décennies pour bénéficier des effets de la réduction des émissions de dioxyde de carbone, la sortie progressive des combustibles fossiles a des effets immédiatement positifs sur la qualité de l’air. Et c’est essentiel : la pollution atmosphérique vient d’être déclarée par l’OMS comme une cause de premier ordre pour le cancer, au même niveau que le tabagisme passif.