Plus que jamais l’investissement public dans la rénovation représente un moyen efficace de réduire notre dépendance aux coûteuses et douteuses importations d’énergies fossiles, de réduire nos factures de gaz/mazout et, par la même, de diminuer nos émissions de GES. Ces fonds publics cruciaux sont pourtant réduits par le Gouvernement wallon.
Des besoins publics de financement de la rénovation
Notre parc de logements, qu’il soit public ou privé requière un plan de rénovation massif. Pour y arriver, il faut stimuler les propriétaires (notamment via des obligations de rénovation dans certains cas) mais il faut aussi que des moyens publics soient dégagés pour soutenir les propriétaires incapables de faire face à cette dépense soit via des prêts avantageux ou des soutiens, soit par de l’investissement public direct dans les logements publics. Selon les propres stratégies de la région, il faudrait entre 0.9 et 2,3 milliards € d’argent public annuel entre 2025-2030 uniquement pour le logement public et privé (le montant varie selon l’effet levier des soutiens publics). On ne dispose pas de chiffres précis sur le gap qui nous éloigne de ce montant « idéal ». Mais on sait qu’il n’est pas atteint. Il faut donc plutôt renforcer les investissements publics dans la rénovation.
Des enveloppes “rénovation” du plan de relance menacées ?
Le Plan de relance Post Covid de 2021 représentait une avancée majeure : sur les 7 milliards € du plan échelonné sur 4 ans, plus de 2 milliards étaient orientés vers la rénovation des logements et des bâtiments publics. Notons que seule une partie, non connue, était destinée à de la rénovation thermique des bâtiments… – ce qui rend encore une fois ce chiffre disponible peu utilisable/fiable pour analyser la politique. Mais pour les observateurs avertis, dont Canopea, un consensus existe pour noter que cet effort d’investissement représentait plutôt un rattrapage par rapport aux besoins d’investissements publics nécessaires et donc un pas dans la bonne direction. C’est dans cette optique que la plupart des projets étiquetés “rénovation” furent déclarés prioritaires tant par les patrons (UCM, UWE) les syndicats (FGTB, CSC) que Canopea en mars 2022…
Hélas, le nouveau Gouvernement semble désireux de revoir cette dynamique, y compris dans ces projets prioritaires. Dans sa déclaration de politique, le Gouvernement wallon s’est engagé à « recentrer les moyens du plan de relance » sans que la méthodologie soit annoncée à ce stade. Mais, on sait qu’elle reposera sur 2 questions majeures :
- Les enveloppes prévues ont-elles déjà été dépensées ? Or, on sait que les dépenses de rénovation des bâtiments ont souvent pris plus de temps, et ce, pour différentes raisons pratiques : la nécessité de mener des études préalables (audit énergétique, cadastre du parc de bâtiment public…) ; un manque de main-d’œuvre et des tensions sur les marchés de matériaux en 2022-2023 ; des travaux d’investissement infrastructurel par nature plus longs. Résultat : l’essentiel des enveloppes du plan de relance non encore consommées concernent principalement des enveloppes publiques « rénovation ».
- On sait par un article du journal L’Echo que ce recentrage reposera en partie sur une étude de l’ IWEPS qui s’est uniquement limitée à analyser l’impact des différentes mesures en termes de productivité et d’emploi. Exit donc l’impact environnemental. En outre, l’évaluation de l’IWEPS semble sous-estimer systématiquement l’impact positif que des investissements publics dans la rénovation peuvent avoir sur l’emploi. Les conclusions de cette étude pousseraient dès lors aussi le gouvernement à diminuer ces enveloppes.
Le Gouvernement devrait atterrir dans les prochaines semaines et, sur cette base, on craint que ce soient principalement les enveloppes “rénovation” qui fassent les frais de ce « recentrage » annoncé.
Des budgets ordinaires « rénovation » revus à la baisse ?
Fin décembre, le parlement a approuvé le budget ordinaire wallon 2025. Là aussi le montant consacré à la rénovation thermique a diminué. Le Parlementaire Ecolo Stephane Hazée estimait ainsi en Commission parlementaire du logement que la diminution des montants pour les sociétés de logement public (pour la création et la rénovation de logements sociaux) était de -25%. Tandis que l’enveloppe destinée aux prêts à taux 0 était amputée de 86 millions € entre 2025 et 2024.
L’ampleur de la diminution de l’enveloppe globale « rénovation thermique » n’a pas fait l’objet d’une estimation externe… On manque encore une fois, et comme toujours, de chiffres précis. Mais la diminution importante de l’enveloppe “rénovation” ne semble pas contestable.
La rénovation thermique est-elle efficace ?
Le désengagement du gouvernement est-il à chercher dans le fait que certaines voix questionnent la politique de rénovation thermique des bâtiments notamment parce qu’elle serait peut efficace et n’entrainerait en pratique que peu de réduction de la consommation de carburant fossile tout en coutant trop cher.
Cette critique repose notamment sur deux études aux Pays-Bas1 et en Angleterre2 qui montrent que l’amélioration du PEB d’un logement entraine, en pratique, peu ou pas de réduction de la consommation de gaz ou de mazout. En Belgique, une carte blanche signée notamment par des spécialistes compétents sur ces matières (architecte, conseillers énergies) allant dans le même sens a beaucoup circulé.
Notons d’abord que nous manquons (une fois de plus) cruellement de données et d’études… Difficile d’y voir suffisamment clair sur base de 2 études.
Surtout, comme les auteurs de la carte blanche le précisent d’ailleurs, nous savons que l’isolation thermique d’un bâtiment n’est pas l’unique levier pour réduire la facture. La taille des logements, leur niveau d’occupation, leur structure (des baies vitrées élargies, de grands espaces ouverts ou une véranda, vont entrainer une perte d’énergie, etc. ) ou l’effet rebond qui incite les occupants à augmenter la température du logement après la rénovation sont d’autres facteurs déterminants de la consommation réelle d’un logement. Comme pour beaucoup de secteurs, la solution climatique passera par un levier technique (l’isolation) mais AUSSI, par le levier comportemental de la sobriété…
Si nous devons réfléchir au meilleur moyen de réduire effectivement nos consommations efficacement en activant tous les leviers de manière complémentaire, nous ne devons surtout pas mettre un frein à une rénovation massive de notre parc de logement pour en améliorer l’isolation thermique mais aussi la structure et la salubrité. Car la plupart du temps, des comportements de sobriété ne sont possibles (pour des questions d’humidité notamment) que dans des logements sains, et bien isolés ce qui implique de rénover rapidement de nombreux logements.
Ce n’est donc surement pas le moment de lever le pied en matière d’investissement public dans la rénovation !
Crédit image illustration : Adobe Stock
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- Filippidou, F., Nieboer, N., & Visscher, H. (2019). Effectiveness of energy renovations: a reassessment based on actual consumption savings. Energy Efficiency, 12, 19-35.
- Peñasco, C., & Anadón, L. D. (2023). Assessing the effectiveness of energy efficiency measures in the residential sector gas consumption through dynamic treatment effects: Evidence from England and Wales. Energy Economics, 117, 106435.