Notre nouveau cycle de formations à l’aménagement du territoire vient de commencer. A Charleroi, les 19 et 20 avril derniers, les participants ont essuyé les plâtres avec un enthousiasme et une application remarquables. Le thème de cette nouvelle formation est en lui-même un défi : le passage des deux dimensions aux trois dimensions, et retour. En guise d’illustration de cette première opération réussie, je vous propose d’examiner la « carte sensible » du parcours de la rue de Montigny que nous avons effectué ensemble. Elle est le résultat de la mise en commun de chacune des cartes sensibles tracées par chaque participant.
Notre formation avait lieu au n°29 de la rue de Montigny, à la Maison de l’Urbanisme et de l’Environnement, chez notre association membre Espace-Environnement. De ce magnifique petit immeuble démarrait la promenade, vers l’est de la ville. Les connaisseurs parmi vous devineront que le Ring devait se trouver sur notre parcours… Il n’allait pas être le seul « événement urbanistique » intéressant ou impressionnant de ce jeudi après-midi.
La rue de Montigny est une artère du centre de Charleroi cachée entre le Boulevard Audent et le Boulevard Tirou et se déroulant, comme eux, d’ouest en est. Vous trouverez sur la carte les numéros de 1 à 20 entourés d’un cercle : ce sont des lieux, précis ou vagues, qui ont été le plus dessinés ou commentés par écrit sur les cartes composées par les participants. La carte collective utilise exclusivement leurs mots et leurs tracés. En tant que formateurs, nous avons reproduit en les synthétisant l’ensemble des traits présents sur leurs cartes, sans ajouter autre chose que ces vingt numéros de « condensation topographique ». Les expressions sont transcrites telles quelles. Les arbres et les voitures sont reproduits à la manière de celui ou celle qui les a mentionnés sur sa carte. Le Ring porte le numéro 15; son dessin très dense est un melting pot de toutes les formes graphiques utilisées par les participants.
L’exercice de la « carte sensible » part de la curiosité naturelle envers tout ce qui nous entoure pour amener cette curiosité à donner une forme visuelle, sur feuille, aux éléments rencontrés lors d’un trajet. Ces éléments peuvent être du bruit, des mouvements, des constructions, de la terre en friche, des esplanades utilisées par différents usagers. Le trajet peut être une boucle, ou tout autre type de déplacement : on peut, par exemple, tourner sur soi-même, ou remonter dans ses souvenirs pour restituer un lieu que l’on n’a pas sous les yeux. Le plus difficile est d’oser commencer à dessiner; ensuite, on se prend au jeu et on se concentre pour recenser en marchant ce à quoi on réagit. La consigne est simple : traduire en deux dimensions et en textes courts de façon à pouvoir se relire. L’objectif n’est pas que la carte sensible individuelle soit lisible par un autre que son auteur. Mais c’est un avantage indéniable si on peut atteindre un tel stade de lisibilité!
Le travail de synthèse graphique, que vous avez sous les yeux, a été grandement facilité par le fait que nos participants avaient réalisé des tracés et des commentaires lisibles. Ils avaient déjà anticipé le besoin de communiquer entre nous sur le travail effectué.
Nous avons ensuite réexaminé ensemble les vues aériennes du trajet effectué. S’est affirmée alors de manière prégnante la disparité entre les impressions vécues et celle qui se dégage du panorama à vol d’oiseau figé en photographie. La réalité du trajet sous le Ring, les apparitions soudaines de verdure, le sentiment d’abandon, de complexité ou d’ouverture de vues, l’inflexion de l’itinéraire qui semblait de prime abord suivre une ligne presque droite, la pente en toboggan de la rue d’Assaut, tout cela est connu à présent des participants. Ils n’auraient pu le pressentir en se basant seulement sur une exploration « satellite ».
Outre les moments forts qui ont marqué leur itinéraire, les participants ont répertorié le nombre incroyable de lieux-clés de la vie carolorégienne localisés rue de Montigny. Il y a un cinéma et un théâtre qui proposent tous deux une programmation hors sentiers battus : Le Parc et L’Ancre. Il y a une piscine, dont la rénovation est presque achevée. La Maison de l’Urbanisme, la CGSP, le Forem, Oxfam et Vie Féminine voisinent à quelques enjambées l’un de l’autre. On trouve deux écoles de grandes dimensions : le Sacré-Coeur et Bosquetville. Un éventail de commerces liés à l’informatique s’étire sur toute la longueur du parcours. Celui-ci s’achève par une fanfare de concessionnaires autos montrant plus que pignon sur rue. La réalité tridimensionnelle de la rue de Montigny, telle que nous l’avons vue de près, doit donc être augmentée par une quatrième dimension : celle du va-et-vient de tous ceux qui visitent ces lieux. Sans doute ne séjournent-ils pas longtemps sur la voirie, mais cette rue leur est indispensable. Pour plusieurs personnes du groupe, une visibilité mieux pensée ferait du bien à ces lieux qu’il est parfois vraiment malaisé d’identifier.
Envie de prendre le crayon et d’explorer les dimensions multiples de l’information visuelle?
Trois autres formations auront lieu cette année , dont deux en Hainaut : tout bientôt celle de Tournai, les 10 et 11 mai (il reste des places – s.rouard@iew.be) et puis, au coeur de l’été, à Braine-le-Comte, le mercredi 4 et le jeudi 5 juillet. En juin, nous serons à Liège, les 21 et 22. Réservez votre siège!
« Ne polluons pas l’air ambiant avec nos aigreurs environnementales! Le lot des humains n’est parfois pas très rose; mais plutôt que d’épiloguer sans fin sur les « moins » d’une commune décidément mal sous tous rapports, ou d’une Wallonie qui se cherche, il faut cibler ce qui peut être critiqué et modifié. A commencer par ses propres objectifs, qui peuvent s’avérer épuisants à la longue. Il y a mieux que s’accrocher à une obsession nimbyste. Vivre avec un projet personnel qui évolue et qu’on aime dans sa variété, voilà ce que nous tâcherons de partager avec vous. » (Introduction à la nouvelle formation à l’aménagement du territoire, décembre 2011)
En savoir plus
Le portail géomatique de la Wallonie : accès aux plans de secteur – et à une quantité impressionnante d’autres objets graphiques !
La boîte verte : un formidable site explorant les usages et les secrets de la représentation visuelle. Pour tous ceux qu’intéressent les conventions étranges de la cartographie. Accès direct à la splendide carte de Peutinger via une copie du XIIIe siècle.
The value of the variable (La valeur de la variable)
Le regard personnel d’un mathématicien sur le monde extérieur ; c’est là que vous pourrez trouver les deux plans du métro londonien, le vrai et le réaliste.
Le métier de facilitateur graphique ATTENTION, LIEN MORT http://www.loosetooth.com/Graphic%20Facilitation%20by%20Brandy%20Agerbeck, expliqué par une praticienne chevronnée (et abondamment copiée – haro sur les plagieurs!).