Le 3 décembre, nous serons nombreux et nombreuses dans les rues de Bruxelles à
l’occasion de la marche pour le climat, pour dénoncer l’inaction de nos gouvernements et
exiger que des mesures décisives soient prises lors de la future C0P28. Par un hasard du calendrier, la date de cette manifestation coïncide cette année avec la Journée
Internationale des Personnes Handicapées. L’occasion de nous interroger sur la prise en
compte des besoins de ces personnes dans la transition écologique …
Toutes et tous concernés !
On pense souvent que le handicap concerne un très petit nombre de personnes. Or, la majorité des handicaps sont invisibles ; les personnes handicapées représentent 27 % de la population belge , si on définit le handicap comme « des limitations durables (> 6 mois) ressenties dans les activités habituelles en raison d’un problème de santé ». Ce chiffre ne comprend donc pas les personnes porteuses d’un handicap temporaire en raison d’une blessure ou d’une maladie (ex : personnes souffrant d’une fracture ou d’une entorse, personnes atteintes d’une infection respiratoire aiguë, etc.). La probabilité d’être atteint d’un handicap augmente avec l’âge ; près de la moitié des personnes handicapées ont plus de 65 ans.
Prendre en compte les besoins des personnes handicapées sera également bénéfique à l’ensemble des « personnes à mobilité réduite », qui comprennent aussi les femmes enceintes, les parents avec poussette, les personnes âgées, les personnes transportant des objets lourds ou encombrants, etc.
Il est donc très probable que la plupart d’entre nous serons un jour confrontés, au cours de notre vie, à une situation de handicap ou à tout le moins de mobilité réduite. Agir pour l’inclusion des personnes handicapées, c’est donc aussi améliorer le bien-être de l’ensemble de la population !
En tant qu’acteurs du secteur associatif environnemental, il est important de prendre conscience de la diversité des besoins dans nos revendications, pour une transition écologique qui ne laisse personne de côté !
Des envies pour certains, des besoins pour d’autres
Tout d’abord, il est important de reconnaître que certains comportements considérés comme superflus pour des personnes valides peuvent répondre à des besoins essentiels pour certaines catégories de personnes en situation de handicap. Les exemples sont nombreux.
Ainsi, de nombreuses personnes valides choisissent de rouler en SUV pour diverses raisons de confort, d’esthétique, d’effets de mode (générés par la publicité automobile qui promeut de manière disproportionnée ce type de véhicules), alors qu’elles pourraient tout aussi bien répondre à leurs besoins de mobilité avec une voiture plus petite ou même un vélo électrique. Cependant, pour des personnes en chaise ou rencontrant des problèmes de flexibilité au niveau des genoux par exemple, une voiture plus haute apporte une réelle plus-value en termes d’autonomie, a fortiori lorsque la plupart des transports en commun ne sont pas accessibles et n’offrent pas une liberté ni une flexibilité suffisante pour les personnes porteuses de handicap.
Pour des personnes en bonne santé, il n’y a aucune contre-indication à réduire la température de son logement à 18°C, voire moins (des personnes pratiquant l’approche « Slow Heat » parviennent même à vivre confortablement à une température de 14°C). Cependant, certaines personnes sont plus sensibles au froid : les personnes âgées, les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires ou d’atrophie musculaire telle que la myopathie de Duchesne, etc. Les personnes concernées devraient donc pouvoir bénéficier en priorité des aides à la rénovation de leur logement afin de préserver leur santé tout en réduisant leur consommation d’énergie.
De même, éclairer en pleine journée est une dépense d’énergie inutile pour la plupart des gens, mais peut être nécessaire pour les personnes malvoyantes.
L’épineuse question du numérique
Si le développement excessif du numérique pose de nombreux problèmes environnementaux qu’il est important de dénoncer, nous devons aussi reconnaître que certains de ces outils contribuent à l’autonomie et au lien social des personnes en situations de handicap : systèmes GPS aidant les personnes aveugles et malvoyantes à s’orienter, livres audio, aides à la communication pour les personnes sourdes ou rencontrant des difficultés d’élocution, accès à l’information à distance pour les personnes ayant des difficultés à se déplacer, etc.
Cependant, l’incitation au « tout numérique » exclut toutes les personnes qui ne maitrisent pas ces outils, et porte atteinte au bien-être des personnes électrosensibles qui rencontrent de plus en plus de difficultés pour trouver un logement permettant de préserver leur qualité de vie.
Le mieux serait donc de prioriser les usages porteurs d’une réelle utilité sociale, en proposant toujours des alternatives au numérique pour les personnes qui n’ont pas accès à ces outils ou qui ne souhaitent pas les utiliser.
Une mobilité plus inclusive
Se déplacer est souvent très compliqué pour les personnes handicapées : les déplacements nécessitent beaucoup de temps et d’organisation. Il n’y a pas de place pour l’improvisation : l’accompagnement en gare doit être réservé 24 heures à l’avance (3 heures pour les grandes gares). Ces difficultés peuvent conduire à un isolement social.
Permettre une mobilité qui répond aux besoins des personnes, c’est d’abord leur permettre d’accéder à des services essentiels proches de chez eux. Il n’est pas normal que des enfants en situation de handicap doivent parfois effectuer un trajet de deux heures en bus pour accéder à une école qui peut les accueillir. Le système scolaire devrait être rendu plus inclusif afin de permettre à chaque enfant d’être scolarisé à une distance raisonnable de son domicile. Accueillir la diversité à l’école permettrait également d’éduquer dès le plus jeune âge à la lutte contre le validisme et les autres formes de discrimination.
Le problème se pose également pour les activités culturelles, sportives et de loisirs, encore trop rarement adaptées, ainsi qu’aux espaces verts. Il est important de rendre ces espaces accessibles afin de permettre aux personnes handicapées de profiter également de leurs bienfaits : sentiers accessibles, supports didactiques adaptés, bacs à légumes surélevés dans les potagers collectifs, etc.
Afin de garantir la liberté et l’autonomie des personnes en situation de handicap, il est important de développer des transports en commun flexibles et adaptés, y compris en zone rurale. La mobilité inclusive doit également passer par le renforcement de la solidarité. Rendre l’autostop culturellement accepté, organiser le covoiturage et développer les services de taxis sociaux contribueraient à la fois à améliorer le taux de remplissage des véhicules et à renforcer la cohésion sociale.
L’aménagement des espaces publics doit également tenir compte de la diversité des besoins. Ainsi, si des trottoirs aux bordures trop hautes peuvent compliquer l’accès aux personnes en chaise roulante, l’absence totale de bordure correspond à une absence de repère pour les personnes aveugles. Il est important de veiller également à ce que les trottoirs soient libres de tout obstacle (panneaux publicitaires, sacs poubelle, voitures mal garées, etc.).
Les tricycles peuvent également contribuer à rendre la mobilité douce accessible à un plus grand nombre de personnes.
Développer les services de mobilité partagée et aménager les espaces publics de manière plus inclusive bénéficiera à l’ensemble de la population !
Une alimentation durable et inclusive
Il n’est pas toujours facile pour une personne en situation de handicap de faire ses courses de manière autonome. Pour éviter de dépendre de leurs proches, ces personnes préfèrent donc souvent se faire livrer leurs provisions. Malheureusement, la possibilité de livraison est encore trop souvent restreinte aux fast-foods et supermarchés ; rares sont les magasins bio et locaux qui proposent ce service. Offrir un service de livraison d’aliments sains et durables serait pourtant très utile pour toutes les personnes qui, pour une raison ou l’autre, rencontrent des difficultés pour se rendre au magasin : personnes âgées isolées, familles monoparentales avec enfants en bas âge, etc.
Participation au débat public et aux processus démocratiques
Comment exercer son rôle de citoyen.ne lorsqu’on est en situation de handicap ? Les processus de vote ne sont pas adaptés aux différents types de handicap. Déjà en amont, l’accès à l’information est rendu compliqué : les débats politiques ne sont pas traduits en langue des signes, les sites web des administrations communales ne sont pas adaptés, etc. La Déclaration de Politique Régionale 2019-2024 comprend pourtant tout un chapitre à ce sujet dont les engagements n’ont pas encore été concrétisés…
Penser l’inclusion dans la transition
Une transformation profonde des sociétés humaines est nécessaire pour atténuer le dérèglement climatique et stopper l’effondrement de la biodiversité. C’est l’occasion de créer ensemble un futur plus inclusif !
En tant qu’acteurs et actrices du secteur environnemental, c’est notre responsabilité de veiller à ce que les revendications que nous portons n’aggravent pas les difficultés rencontrées par les personnes porteuses de handicap, mais donnent l’impulsion pour une transition qui ne laisse personne de côté !
Remerciements
Ce texte a été largement inspiré par les discussions que nous avons eues avec l’ASBL Passe-Muraille. Un grand merci à eux pour leur partage d’expérience !
Crédits images d’illustration : Adobe Stock
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