Développement durable : Pourquoi faire participer la société civile à sa mise en œuvre?

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Contexte

Le 25 septembre 2015, la Belgique comme de nombreux autres pays a adopté l’agenda 2030 pour « éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous »[[Objectifs de développement durable des Nations Unies]].Cet agenda se décline en 17 d’objectifs de développement durable (ODD) et 169 objectifs connexes.

Pour favoriser la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de ces objectifs, les Nations Unies encouragent chaque pays à se doter d’une stratégie de participation et d’engagement des acteurs.

Au niveau européen, le comité économique et social européen s’est clairement positionné en ce sens: « L’engagement des parties prenantes en faveur d’un développement durable à long terme est plus efficace s’il est organisé comme un processus continu et propice à une démarche d’ensemble plutôt que sous forme d’un engagement isolé ou ponctuel à différentes étapes du cycle politique. Un processus structuré permet aux parties prenantes ainsi qu’aux gouvernements d’anticiper, de recueillir des données, d’élaborer des rapports et d’autres documents afin d’intervenir en temps utile dans le cycle d’élaboration des politiques en apportant des contributions pertinentes[[comité économique et sociale européen, faire de la société civile une force motrice dans la mise en oeuvre du programme de développement durable des Nations Unies pour 2030, septembre 2015]] . »

Un élément essentiel de cette stratégie est la vision des autorités publiques par rapport à la participation. Quelles sont leurs motivations à faire participer la société civile, citoyens et parties prenantes ?

Dans le contexte actuel de crise de confiance de la société civile envers les élus et les institutions publiques, définir cette vision est primordial. Il est fréquent d’entendre acteurs et citoyens dirent : « On a l’impression que la participation menée par les ministres est avant tout une opération de communication car cela fait bien de dire qu’on en fait ». Par ailleurs, identifier les raisons, les objectifs qui motivent à faire participer, permet de mieux clarifier le public-cible que l’on veut atteindre et les outils et méthodes à mettre en œuvre lors de la participation.

Trois bonnes raisons de faire participer la société civile

Deux types de processus participatifs en démocratie peuvent concourir à atteindre les ODD : la participation directe et la participation indirecte. La première concerne tous les citoyens et la seconde les parties prenantes/les organisations qui représentent une fonction, un secteur ou une cause : les représentants d’entreprises, des travailleurs, des autorités locales, des producteurs, des femmes, des jeunes, les ONG (environnementales, nord-sud, santé, etc.), les scientifiques, les personnes handicapées, les associations de lutte contre la pauvreté, etc.

Trois grands types d’intérêts peuvent (et doivent idéalement) motiver les autorités publiques à faire participer les parties prenantes et les citoyens dans l’implémentation et le suivi des ODD (source 1).

Le premier intérêt est de nature gestionnaire ou managériale.

En étant impliqués directement dans des prestations de services, les acteurs peuvent apporter leurs savoir-faire, leurs expériences et leurs connaissances sectorielles et ainsi faciliter le planning, l’implémentation et le suivi des ODD. Les citoyens ont eux aussi une expertise d’usage/une réalité de terrain qui peut s’avérer également très utile.

Grâce aux dispositifs participatifs, l’action publique peut être plus efficace et plus en phase avec les besoins des citoyens soit directement soit par l’intermédiaire des parties prenantes ; l’idée centrale étant qu’en gérant de plus près on gère mieux. La gestion des services et la qualité des prestations peuvent être améliorées. L’adaptabilité et la réactivité des administrations et des autorités publiques face aux attentes des usagers est accrue. Le dialogue avec les autorités permet également de mieux faire accepter les projets proposés.

La participation permet de construire l’adhésion autour des ODD, de responsabiliser et faciliter l’appropriation des ODD dans les actions et projets menés par la société civile au sens large. Les parties prenantes ont souvent un ancrage avec les acteurs et les associations de terrain proches des citoyens. S’ils sont impliqués de façon significative dans le planning, la mise en œuvre et les processus de suivi et d’évaluation des ODD, ils les intègreront plus naturellement dans leur travail. Il y aura ainsi un effet démultiplicateur permettant de toucher un pourcentage plus important de la population.

Le second intérêt est de nature sociale.

La participation permet de donner la parole – soit directement soit par l’intermédiaire d’organisations – à ceux qui sont habituellement exclus et qui ont peu droit au chapitre comme les personnes précarisées. Leurs difficultés quotidiennes et leurs expériences peuvent être ainsi davantage prises en compte.

La participation peut également avoir des effets positifs en termes de lutte contre la pauvreté et d’exclusion sociale.

Faire participer la société civile permet également de contribuer à des sociétés davantage pluralistes et inclusives en amenant en débat des enjeux nouveaux ou polarisés. Les enjeux autour du développement durable sont complexes. Le partage de l’expertise des acteurs, des connaissances, des problématiques rencontrées par leurs membres permet une compréhension et une approche plus systémique qui peuvent être mises à profit pour développer de nouvelles idées et améliorer les décisions. Si les conditions sont réunies (méthodologies appropriées, présence d’un facilitateur, …),un nouveau rapport plus collaboratif entre les acteurs, les citoyens et les élus peut être créé, favorisant ainsi le dialogue et la co-construction plutôt que des revendications sectorielles ou individualistes (source 2).

La participation directe permet également de transformer les relations sociales, de reconstruire ou renforcer le lien social, dans une perspective générale visant à favoriser la cohésion sociale voire la paix sociale notamment dans des quartiers plus difficiles. Elle permet de donner les moyens aux citoyens d’agir lorsqu’ils se sentent concernés et de créer des formes de solidarité leur permettant de faire confiance à d’autres personnes/organisations pour des sujets sur lesquels ils se sentent moins concernés.

Le troisième intérêt est de nature politique.

La participation permet de susciter la prise de conscience des problématiques de notre société, d’informer et de former les citoyens aux enjeux de développement durable et au fonctionnement des institutions ainsi qu’aux difficultés de la gestion publique. Elle favorise la politisation et le réinvestissement des citoyens dans les questions politiques, fortement délaissées ces dernières années, d’augmenter le sens de l’intérêt général et de créer de la solidarité.

La participation permet également d’atténuer le risque de clivage croissant entre experts et citoyens. Depuis une vingtaine d’années, les experts jouent en effet un rôle de plus en plus important dans l’orientation des débats de société qu’il s’agisse des grandes questions environnementales, économiques ou sociales. Le débat public a ainsi tendance à se faire confisquer par « ceux qui savent », ceux qui maîtrisent la technicité du débat. Dans cette logique, les citoyens se sentent souvent disqualifiés car ils ne savent pas. Or, il est primordial de ne pas fonder la transition écologique, économique et sociale seulement sur l’expertise. (source 2)

L’implication des acteurs et des citoyens peut favoriser également la transparence des processus décisionnels, la responsabilisation des autorités et l’obligation pour ces dernières de rendre des comptes. La participation permet de rendre une crédibilité à un système politique qui en a bien besoin et de renforcer le lien de confiance entre les acteurs, les citoyens et les représentants politiques.

Elle permet également de réinventer et redynamiser le fonctionnement de notre démocratie représentative devenue obsolète en expérimentant de nouveaux outils. Ces nouvelles approches reconnaissent pleinement le droit des acteurs et des citoyens à participer directement à l’élaboration de décisions.

Et en Wallonie ?

Au regard des propos qui précèdent, Inter-Environnement Wallonie encourage la Wallonie à se doter d’une véritable stratégie de participation des acteurs et des citoyens dans l’implémentation et le suivi du développement durable. Mettre en évidence les raisons et les priorités qui sous-tendent le souhait de nos autorités publiques de faire participer est une étape essentielle et indispensable à l’implémentation des ODD. Il en va de la crédibilité de cette stratégie et de son efficience. On entend souvent dire que la participation coûte cher. Or, le coût de la participation sera bien plus important si elle est réalisée sans vision et sans objectif !

Sources

  1. Lefebvre Rémi, Nonjon Magali (2003), « La démocratie locale en France : ressorts et usages », Sciencesde la société, n°60 cité dans Millenaire 3 Centre Ressources prospective du grand Lyon, La « démocratie participative » : état des lieux et premiers éléments de bilan
  2. Démocratie participative : guide des outils pour agir, Fondation Nicolas Hulot, février 2015