BirdLife Europe vient de publier un rapport « Meeting Europe’s renewable energy targets in harmony with nature1 » qui explicite le double impératif de s’attaquer au changement climatique et de protéger la biodiversité. Si le déploiement des énergies renouvelables contribue fortement au premier objectif, il n’entre pas nécessairement en contradiction avec le deuxième. Petit résumé du rapport…
Tous les « birdwatchers » ne sont pas contre les éoliennes… Nous en avons eu la preuve ce mercredi lors de la présentation du rapport publié par BirdLife Europe [Bientôt [en ligne ]] visant à objectiver les impacts des différentes formes d’énergies renouvelables sur la biodiversité et proposant une série de recommandations auprès de la Commission européenne et des Etats membres.Cette étude fait également un tour d’horizon européen en mettant en parallèle les politiques énergétiques et de protection de la biodiversité de plusieurs Etats membres. Près d’une vingtaine d’associations européennes de protection des oiseaux et de la nature ont contribué à ce rapport. Pour la Belgique, c’est Natagora et Natuurpunt qui ont fourni une expertise.
Les renouvelables malgré tout incontournables
BirfLife a réitéré son soutien aux énergies renouvelables et a souligné leur caractère incontournable pour la décarbonisation de notre société. Car le changement climatique constitue une des principales
menaces, actuelles et futures, pour la biodiversité. On estime que sous une augmentation de la température moyenne de 3°C (ce qui nous pend au nez au vu des derniers chiffres des émissions de CO2), l’aire de répartition de la majorité des espèces d’oiseaux européens se déplacerait de près de 550 km vers le Nord-Est et serait réduite par cinq[[A Climatic Atlas of European Breeding Birds (Huntley et al., 2008)]]. Une autre étude publiée dans Nature estime qu’entre 15 et 37% des plantes et animaux sont condamnés à l’extinction d’ici 2050 à cause du changement climatique.
Pour développer son rapport, BirdLife part de quatre postulats:
Les énergies renouvelables font partie de la stratégie de décarbonisation mais celles-ci doivent démontrer leur efficacité à réduire les émissions par rapport aux fossiles, et cela à l’échelle du cyle de vie;
Une approche stratégique de déploiement est nécessaire notamment grâce à la localisation des sites de production les plus opportuns;
Toute atteinte à la biodiversité doit être évitée;
Les sites de conservation de la nature européens doivent être protégés. Le développement d’énergie renouvelable en zone Natura 2000 ne doit se faire que sous conditions strictes.
Toute installation produisant de l’énergie génère des impacts sur le milieux. Le rapport analyse les impacts potentiels des principales énergies renouvelables pour les oiseaux et la biodiversité et les classe selon trois catégories de risques: faible, moyen et élevé.
Parmi les technologies présentant des risques faibles , on retrouve les mesures d’économies d’énergie, les pompes à chaleur, les panneaux solaires et photovoltaïque sur toiture et les véhicules alimentés à l’électricité renouvelable. Pour cette dernière, Inter-Environnement Wallonie peut émettre certaines réserves quant à sa classification quand on sait que l’utilisation de lithium et autres composants des batteries ne sont pas sans impacts environnementaux et sociaux.
Les technologies présentant des risques moyens sont les allées de panneaux PV au sol et la production d’électricité par concentration du rayonnement solaire, l’énergie des vagues et des courants marins, l’éolien onshore et offshore et la cogénération biomasse. Les lignes à haute tension font également partie de cette catégorie de risque.
Toutes ces technologies peuvent engendrer des impacts plus ou moins sévères pour la biodiversité mais ceux-ci peuvent être minimisés par une planification raisonnée des installations. Le rapport développe plus avant ces énergies à « risque moyen » en décrivant plus précisement leurs impacts potentiels et les moyens de les atténuer, voire les éviter.
On pourrait discuter cette classification de la cogénération biomasse, que celle-ci soit d’origine forestière ou agricole. En effet, derrière les barges de pellets provenant de forêts soi-disant bien gérées et labellisées, se trouve parfois une tout autre réalité. Le Canada est en train d’ouvrir ses forêts à coup de subventions pour l’extraction à grande échelle de biomasse forestière destinée à la production d’énergie. Cette industrie constitue une réelle menace pour les écosystèmes forestiers de ce pays duquel 1,2 millions de tonnes de pellets ont été exportés en 2010 (+700% en huit ans). Cette quantité est amenée à décupler d’ici 2020[De biomasse à biomascarade. [Rapport Greenpeace 2011]] . Quant aux gages de durabilité apportés par les labels, ils sont encore insuffisants. Dans un récent rapport de Greenpeace[ [On the Ground 2011 – The controversies of PEFC and SFI– Greenpeace 2011]] , toute une série de distorsions liées au système de certification PEFC et SFI (Sustainable Forestry Initiative en Amérique du Nord) ont été relevées et montrent que ces mécanismes de certification échouent dans leur rôle de prévention et de lutte contre la destruction ou la conversion (plantation industrielle) d’écosystèmes naturels et/ou menacés. En ce qui concerne les cultures énergétiques, leurs effets sur la biodiversité peuvent être très variables selon la nature de ces cultures et surtout de la façon dont elles sont gérées. Des mono-cultures de maïs énergétique qui alimentent les unités de biométhanisation sont certes dommageables pour l’environnement et la biodiversité. Quant aux cultures pérennes, type miscanthus, des études montrent qu’elles peuvent favoriser la biodiversité. La réflexion doit se porter avant tout sur le changement d’allocation du sol sur lequel seront implantées ces cultures (concurrence avec production alimentaire, fonction écologique,…). Une potentielle introduction de cultures énergétiques OGM doit être considérée comme facteur de risque très élevé.
Quant aux technologies comportant les risques les plus élevés , le rapport cite les nouveaux projets de barrages hydrauliques, l’exploitation de l’amplitude des marées par des barrages en estuaires et les agrocarburants. A nouveau, ces derniers sont fortement critiqués par de plus en plus d’acteurs d’horizons différents. Non seulement leurs impacts en matière de changements d’allocation des sols, avec les conséquences sur la souveraineté alimentaire et la perte de biodiversité sont incontestables mais encore leur contribution à réduire les gaz à effet de serre est aujourd’hui hautement discutable. En effet, de plus en plus de rapports scientiques établissent que le cycle de carbone des agrocarburants n’est pas neutre.
Si tous ces risques sont loin d’être négligeables, il est à noter que certaines infrastructures, activités actuelles sont bien plus dommageables pour la faune et la flore que certaines installations de production d’énergie renouvelable. L’éolien, par exemple, trop souvent pointé du doigt par les défenseurs de l’avifaune, cause significativement moins de morts que les collisions avec des bâtiments, des lignes électriques et des véhicules, et bien moins que les empoisonnement aux pesticides[[A Summary and Comparison of Bird Mortality from Anthropogenic Causes with an Emphasis on Collisions. Erickson et al., 2005]]. De même, et cela à a aussi été souligné par BirdLife, comparées aux renouvelables, les énergies fossiles impactent l’avifaune et la biodiversité d’avantage, avec des conséquences clairement plus dramatique.
Des pistes pour concilier les deux objectifs
Les pistes évoquées pour réussir une transition énergétique en harmonie avec la nature sont pragmatiques. Un engagement politique et financier est nécessaire pour favoriser de déploiment des énergies renouvelables et pour mobiliser des ressources qui permettent la recherche et le développement de projets et de technologies respecteux de la biodiversité. Cruciale aussi est une plannification spatiale stratégique qui « superpose » les endroits de meilleur potentiel renouvelable avec des cartes de sensibilité des espèces. Autre recommandation pour les décideurs et développeurs : la réduction globale des besoins en infrastructures et la coopération entre toutes parties prenantes d’un projet renouvelable. La minimisation des impacts environnementaux notamment en généralisant les évaluations stratégiques environnementales est aussi un objectif à atteindre. D’autre recommadations vont plus loin pour que l’objectif de protection de la biodiversité, voire d’amélioration de l’état de conservation de la nature, ne reste pas irréaliste. En effet, en contrepartie de leurs projets, les développeurs sont encouragés à s’engager financièrement dans la restauration de milieux dégradés ou la création de sites qui ont un intérêt environnemental pour la communauté.
Les recommandations portées par BirdLife auprès des instances européennes sont généralistes et peuvent peut-être sembler « évidentes », elles n’en restent pas moins importantes et opportunes puisque l’Union européenne voit dans les énergies renouvelables un levier puissant pour atteindre ses objectifs d’économie bas carbone et doit définir sa stratégie énergétique post-2020. De même, l’UE pourrait reconsidérer ces objectifs en matière d’utilisation d’agrocarburants.
Cela dit, et comme l’a explicité la Directrice pour la Nature, Biodiversité et Utilisation du sol, de la DG Environnement, en saluant le travail de BirdLife : « le problème est que, derrière la biodiversité, il n’y a pas un lobby industriel pour représenter ses intérêts…« . Traduisez, il reste encore beaucoup à faire pour les environnementalistes qui aspirent à un réel développement durable, y compris des énergies « vertes ».