Alors que le diesel était voué aux Gémonies, va-t-il, tel le Phoenix, renaître de ses cendres ? C’est ce que les dernières déclarations sur ce carburant automobile laissaient entendre, certains allant même jusqu’à prétendre que les véhicules diesel nouvelles générations rendaient l’air plus pur et émettaient aussi peu de polluants qu’un véhicule électrique. Il n’en est rien. Des tests indépendants demandés par l’association européenne T&E le démontrent.
- Les diesel les plus récents émettent jusqu’à 1.000 fois plus de particules lors du nettoyage de leur filtre.
- Les émissions totales de particules augmentent encore de 11 à 184 % lorsque les plus petites particules ultrafines non-réglementées sont prises en compte.
Des lacunes dans la législation sont donc à nouveau mise à jour. IEW se joint à T&E pour demander aux autorités européenne une révision des normes. Et espère que ces résultats seront pris en compte dans les conseils prodigués aux consommateurs durant le Salon de l’auto.
Alors que l’édition 2019 du Salon de l’automobile bat son plein, l’association européenne T&E (Transport & Environnement) jette un pavé dans la mare : les nouveaux diesel répondant aux normes les plus récentes (Euro 6d-temp) polluent jusqu’à 1.000 fois plus que ce qui est avancé par les tests d’homologation réglementaires. Il s’agit d’une pollution aux particules dont la dangerosité pour la santé est aujourd’hui largement documentée[1].
Ces résultats découlent d’essais indépendants effectués en laboratoire réalisés pour le compte de Transport & Environment (T&E). Ils ont été menés sur 2 véhicules populaires en Europe qui satisfont aux normes les plus récentes : la Nissan Qashqai et l’Opel Astra.
La régénération des filtres à particules sur la sellette
Ces résultats alarmants en termes de santé publique ont été obtenus lors de tests qui prennent correctement en compte les émissions lors de la régénération (nettoyage) des filtres à particules en condition de conduite réelle. Ce nettoyage peut se produire dans n’importe quelle condition de conduite, y compris en ville. Il a lieu tous les 400 km[2], dure une quinzaine de minutes et ses effets en termes d’émissions de particules peuvent perdurer jusqu’à 30 minutes après la régénération. En Europe, plus de 45 millions de voitures diesel sont équipées de ces filtres, provoquant ainsi un total de 1,3 milliard de régénérations par an. Ce nombre serait de 1.853.000 véhicules en Belgique, soit 52.654.000 régénérations.
La Nissan Qashqai et l’Opel Astra ont dépassé les limites légales d’émission de particules de 32 à 115% pendant les essais où la régénération de leur filtre a eu lieu. Mais un vide juridique fait que la limite légale ne prend pas en compte les régénérations durant les essais d’homologation, ce qui veut dire que 60 à 99 % des émissions de particules réglementées sont ignorés.
Pierre Courbe, expert en mobilité chez IEW, dit, en se basant sur les résultats de T&E : « Ces tests démontrent que les nouvelles voitures diesels ne sont toujours pas propres. La règlementation épargne les constructeurs mais ce sont nos poumons qui en payent le prix.»
Les particules ultrafines, les plus dangereuses, ne sont pas réglementées
Les émissions totales de particules nocives des deux modèles testés augmentent encore de 11 à 184 % lorsque les plus petites particules ultrafines non-réglementées sont mesurées en laboratoire. Ces particules ultrafines ne sont pas prises en compte lors des essais officiels d’homologation mais sont néanmoins considérées comme les plus néfastes pour la santé humaine : elles pénètrent plus profondément dans le corps et ont été associées au cancer du cerveau.
Anna Krajinska, ingénieure experte chez T&E dit : « Les particules réglementées ne sont qu’une partie de l’histoire. Les plus petites particules ultrafines sont considérées comme une menace plus importante. Et pourtant, elles sont ignorées par les essais d’homologation officiels. La prochaine norme Euro en matière d’émissions polluantes doit combler ces lacunes et imposer des limites pour tous les polluants. L’objectif absolu est une norme qui exige zéro émission pour tous les véhicules sur nos routes. »
IEW se joint à T&E pour également demander que la Commission Européenne utilise ses nouveaux pouvoirs afin d’exiger des autorités nationales d’homologation le contrôle des véhicules sur les routes après leur mise en service, comme le fait l’Agence Américaine de Protection de l’Environnement.
Alain Geerts, chargé de mission chez IEW conclut : « Il reste à espérer que les résultats de cette édifiante étude soient immédiatement pris en compte par les consommateurs présents au Salon de l’automobile, ainsi que par les associations de consommateurs qui les aideraient à faire un choix rationnel. Le plus rationnel d’entre tous restant indubitablement : Changez de mobilité, pas de voiture ! »
Pour en savoir plus :
Téléchargez le résumé exécutif de l’étude (pdf FR)
Téléchargez l’étude complète (pdf EN)
Téléchargez les résultats des tests effectués par le bureau Ricardo (pdf EN)
[1] Avec trois citadins européens sur quatre exposés à de dangereux niveaux de particules dans l’air ambiant, les émissions de particules sont de plus en plus considérées comme « l’ennemi public numéro un » en matière de pollution. Cette pollution atmosphérique est la plus étroitement associée au cancer et il a été constaté qu’une exposition chronique affecte le cœur et les poumons. Source : Organisation mondiale de la santé, Qualité de l’air ambiant et santé (2018)
[2] Les phases de régénération de l’Opel Astra se sont produites presque deux fois plus souvent que durant l’homologation. La distance mesurée entre deux régénérations consécutives du FAP était de 419 km pour l’Opel Astra ; ce qui est presque la moitié de la distance mesurée lors de l’homologation. Une distance similaire de 423 km a été mesurée pour la Nissan Qashqai.