Un bras de fer est engagé entre le Parlement européen et le Conseil pour l’adoption d’une nouvelle Directive « Efficacité énergétique ». On se rappelle que dans le paquet « énergie-climat », adopté en 2008, l’Europe s’était fixé un objectif non contraignant de 20% d’économie d’énergie en 2020Plus précisément, l’Europe s’est fixé pour objectif de réduire de 20% sa consommation primaire d’énergie en 2020 par rapport à la consommation projetée en 2020. Celle-ci a été estimée en 2007 à 2000 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep). La consommation d’énergie primaire de l’UE ne devrait donc pas dépasser 1600 Mtep en 2020, soit 14% de moins que sa consommation en 2005.[ Source : CAN Europe (2011) [http://www.climnet.org/index.php?option=com_docman&task=doc_download&gid…, pp. 11-12.]] Or si tout le monde s’accorde sur l’importance des mesures d’efficacité énergétique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, augmenter l’autonomie énergétique de l’Europe et créer des emplois, les actes ne sont pas à la hauteur des discours : les mesures actuelles ne permettraient d’atteindre que 10% d’économie d’énergie en 2020, soit la moitié de l’objectif fixé[[Commission européenne (2011) Plan 2011 pour l’efficacité énergétique, p. 2]]. En réponse à ces lacunes, la Commission a mis sur la table en juin dernier une proposition de Directive « Efficacité énergétique »[[Cette nouvelle Directive remplacera 2 Directives existantes : celle sur les services énergétiques (2006/32/CE) (l’objectif de 9% d’économie d’énergie FINALE d’ici 2017 sera maintenu) et celle sur la cogénération (2004/8/CE).]] présentant une série de mesures à tous les stades de la chaîne pour intensifier les efforts des États-membres[[Parmi les mesures principales: − obligation pour les gestionnaires de réseau ou les fournisseurs de réaliser chaque année 1,5% d’économie d’énergie par rapport aux ventes de l’année précédente ; − rôle d’exemple des pouvoirs publics : rénovation de 3% par an des bâtiments appartenant aux organismes publics; achats de produits, services et bâtiments à haute performance en matière d’efficacité énergétique par les pouvoirs publics ; − information au consommateur : relevé et facturation fondée sur la consommation réelle − industries : incitants pour les PME et obligations pour les grandes entreprises de réaliser des audits énergétiques ; − amélioration de la production et du transport : récupération de la chaleur pour la production d’électricité et les industries, réalisation d’un plan national en matière de chaleur et de froid, réalisation d’un inventaire des installations de combustion de plus de 50 MW]].
Pour le mouvement environnemental, les mesures proposées par la Commission étaient un pas dans la bonne direction mais restaient insuffisantes pour atteindre l’objectif des 20% et tirer ainsi profit de l’énorme potentiel d’efficacité énergétique (voir la réaction du BEE, de CAN Europe et du WWF). En particulier, le projet de Directive n’introduit pas d’objectifs nationaux contraignants qui permettraient pourtant de stimuler les investissements et les changements de politiques nécessaires tout en créant un cadre stable et clair. La proposition de Directive n’aborde pas non plus la question du financement qui constitue pourtant un des freins les plus importants à l’exploitation du gisement d’économies d’énergie. Le mouvement environnemental appelait donc le Parlement et le Conseil – qui selon la procédure de « co-décision » doivent s’accorder sur le texte pour son adoption – à travailler dur pour renforcer[ les propositions de la Commission. Ce n’est pas exactement ce qui s’est produit…
Si la position adoptée par le Parlement européen le 28 février dernier était dans l’ensemble assez satisfaisante (avec notamment l’introduction d’objectifs contraignants), les aménagements apportés par le Conseil n’ont fait qu’affaiblir le texte.
La Commission a récemment objectivé que la version du Conseil ne permettrait d’atteindre que 38% des économies d’énergie initialement prévues dans la proposition de la Commission (elle même jugée insuffisante) !
On désespère de trouver les arguments « efficaces » pour convaincre les États-membres des avantages indéniables d’une politique d’économies d’énergie ambitieuse. Toujours selon la Commission, la proposition de Directive nécessiterait 20 milliards ¤ d’investissements annuels supplémentaires mais permettrait d’économiser chaque année 38 milliards ¤ sur la facture énergétique et 6 milliards ¤ dans la production et la distribution d’électricité, soit un gain net d’environ 20 milliards ¤ par an entre 2011 et 2020. Par ailleurs, la Commission estime que 400 000 emplois additionnels seraient créés, une opportunité à saisir en ces temps de crise économique et budgétaire !
L’objectif est d’aboutir à un accord d’ici fin juin avant la fin de la Présidence danoise, très en pointe sur les question « énergie-climat ». Il va donc falloir mettre les bouchées double et veiller à ce qu’une série d’États-membres (Espagne, Pays-Bas, Autriche, Finlande, Portugal) mettent fin à leur double langage prônant d’un côté l’efficacité énergétique mais affaiblissant de l’autre la Directive.
La Belgique a, jusqu’à présent, adopté une position globalement ambitieuse et ce, récemment encore, lors du dernier Conseil informel « énergie ». On compte sur elle pour formuler des propositions concrètes d’amélioration du texte du Conseil et relever le niveau d’ambition !