Le récent sommet européen dédié à la relance de la croissance a permis à quelques acteurs de rappeler leurs priorités. Les grands patrons européens persistent dans un inébranlable « Go for growth ». Les syndicats ont invité à des mesures de relance supplémentaires afin, notamment, d’assurer la « nécessaire transition écologique ». Message récupéré par notre ministre socialiste des affaires sociales qui en appelle à un « grand pacte » en tripartite traditionnelle et un grand « deal » comme dans l’après-guerre (!). Les tenants des Transitions, eux, proposent un positionnement radicalement anticapitaliste.
« Pour retrouver le chemin de la croissance, il faut renouer avec les valeurs fondamentales qui ont fait le succès de l’économie de marché ». C’est en ces termes que les représentants de l’organisation Business Europe ont introduit leur plaidoyer destiné aux dirigeants des instances européennes à la veille du sommet extraordinaire consacré à la relance économique qui s’est tenu le 11 février dernier. Cet « Agenda 2010 – 2014 », articulé autour du slogan « Go for growth », ne fait pas dans la dentelle : « la croissance européenne se doit d’être doublée ». Sinon ? « Nous ne serons pas en mesure de résorber les déficits budgétaires ni de conserver à terme notre niveau de protection sociale », menace Jürgen Thumann, président de Business Europe. Il semble oublier en passant que lesdits déficits budgétaires résultent notamment de la nécessité devant laquelle ont été placé les Etats de « corriger » les dérives d’un système capitaliste que l’organisation patronale souhaite voir ici renforcés!
Un pacte social (et de croissance)
Les syndicats de leur côté, par la voix de la Confédération européenne des Syndicats, ont également rencontré le « Premier » européen. Leur discours se veut plus nuancé, voire progressiste. Objectif de leur rencontre ? « Réclamer une Europe sociale qui offre des perspectives aux travailleurs et aux chômeurs ». Pour ce faire, il importe de planifier des mesures de relance supplémentaires. Celles-ci seraient financées « d’une part, en canalisant l’épargne des citoyens européens vers des investissements productifs et, d’autre part, en allant chercher des recettes fiscales supplémentaires, en particulier pour l’indispensable transition écologique ». Socialisons (et si possible verdissons) le capitalisme donc en renforçant la puissance de l’Etat.
Notre vice-Première et Ministre des Affaires sociales, la socialiste Laurette Onkelinx, s’inscrit dans cette veine et plaide pour un « grand pacte ». Elle propose un « deal » : « Comme dans l’après-guerre. En tripartite patronat-syndicat-gouvernement. Ensemble, disons que le financement de la Sécu par les cotisations sociales ne doit pas excéder 50 %. Ce qui donnera un plus aux entreprises et aux salaires. Et pour que notre modèle social reste intact : il faudra trouver des recettes « alternatives » en Sécu, en abondance. Via l’impôt des sociétés, ou par des formes nouvelles de taxation du capital, ou en décourageant les comportements néfastes à l’environnement. »
Etre anticapitaliste
Soutenir le capitalisme vert, c’est réaffirmer sa foi en la logique de la croissance financière qui pourtant nous a, à maintes reprises, montré ses limites. C’est aussi faire l’impasse sur la question de la finitude de nos ressources naturelles qui ne peut que battre en brèche cette idéologie de la croissance continue. C’est aussi nier le coût social qu’elle inflige à certains. Exploitations et aliénations ne sont-ils pas justement au c½ur de la machine capitaliste ? C’est enfin oublier que toute croissance, verte ou non, pousse à la consommation : « la ressource humaine doit également être rendue « consommative », afin de soutenir la croissance productiviste par une croissance consumériste » (Christian Arnsperger).
Ceci étant, il faut oser la transition économique vers une économie post-capitaliste où les principes de base de notre existence seraient complètement repensés. Et cesser de se borner à teindre de vert un système vicieux, incompatible avec les valeurs humaines fondamentales. Ainsi, « être réellement écologiste, c’est donc nécessairement être anticapitaliste » (C. Arnsperger in Politique, février 2010).
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