La prise en compte, dans la DPR wallonne, des défis environnementaux associés à la mobilité et aux transports peut être qualifiée de très bonne à 2 ou 3 points négatifs près. Détails…
Le verre aux ¾ plein…
D’entrée de jeu, le Gouvernement souligne que « La politique wallonne se basera sur la poursuite de la vision FAST 2030 et la stratégie régionale de mobilité, qui seront renforcées à la hauteur des objectifs de la Wallonie en ligne avec le PACE tel qu’il sera revu. » Puis ajoute qu’il « mettra tout en œuvre pour maîtriser la demande de transport », notamment à travers la politique d’aménagement du territoire; ceci constitue un axe essentiel d’une politique de mobilité durable et reconnu comme tel par l’OCDE dès 1997. Certes, tout cela pourrait ne relever que de la déclaration d’intention. Mais les mesures annoncées constituent, pour beaucoup d’entre elles, des gages d’une réelle volonté de concrétiser les objectifs annoncés. On citera notamment un plan Wallonie cyclable 2030 réalisé avec les associations cyclistes, l’adoption du principe STOP[1] (notamment salué par tous à pied), l’engagement budgétaire pour la politique cyclable de 20 euros par habitant et par an, l’adoption d’objectifs ambitieux en matière de sécurité routière, l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan Piéton, l’amélioration de la vitesse commerciale des bus, la généralisation des centrales de mobilité coordonnées par la centrale régionale, la modulation des taxes de mise en circulation et de circulation en fonction des émissions de CO2 et de la masse/puissance ou encore la volonté d’ajuster le plan « infrastructures et mobilité » dans le sens d’une plus grande priorité attribuée aux modes actifs et aux transports en commun.
Il convient de souligner aussi – et c’est une première – que la mobilité est présente de manière transversale dans la DPR, dans les chapitres 2 (formation), 7 (entreprises et indépendants), 10 (logements), 23 (services et fonction publics) et 24 (villes et communes).
… et à ¼ vide
On ne peut que s’interroger quant à la compatibilité entre, d’une part, la poursuite d’objectifs climatiques ambitieux (- 55% d’émissions de gaz à effet de serre en 2030) et, d’autre part, le soutien à l’utilisation du gaz naturel (combustible fossile) dans les transports. Est-il bien raisonnable de développer, demain, une filière dont il faudra, pour des raisons impérieuses de protection du climat, sortir après-demain ?
En matière de politique aéroportuaire, il est regrettable que les considérations socio-économiques demeurent prioritaires par rapport à l’enjeu climatique. L’ambition du Gouvernement wallon se limite à faire des deux aéroports wallons des aéroports zéro carbone au niveau de l’infrastructure et à renvoyer au niveau européen (mise en place d’une taxation du kérosène) pour le solde. Combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que la volonté de réduire la demande de transport soit étendue au secteur aérien ? Combien d’événements climatiques dramatiques ? Combien de mises en garde du GIEC ?
Enfin, quelques dispositions laissent le lecteur un peu sur sa faim en raison soit du flou entourant les moyens de mise en œuvre effective, soit du calendrier suggéré. Ainsi, faut-il vraiment attendre mi-2021 pour adopter un plan global « Wallonie cyclable 2030 » alors que le sujet a déjà été étudié sous toutes ses coutures ? Comme le rappelle le GRACQ, une « Note de recommandations de politique vélo » a été fournie à la Région par IEW et le GRACQ, reprenant toutes les mesures essentielles à inclure dans un futur plan vélo. De même, faut-il vraiment attendre 2024 pour faire passer de 1% actuellement à 2% la part modale du vélo ?
En guise de conclusion
Construire sur les acquis de la législature précédente (vision FAST, stratégie régionale de mobilité, création d’une autorité organisatrice du transport (AOT), études visant à redéfinir l’offre de transports publics) en ayant à cœur de les amplifier et les compléter : la DPR laisse augurer une législature permettant enfin de sortir le secteur de la mobilité de l’ornière et de le placer sur une trajectoire durable.
Ainsi, sur les 21 mesures spécifiques proposées par IEW dans son mémorandum régional (voir le tableau ci-dessous) :
- 11 font partie de la DPR; on retiendra notamment la mise en œuvre de la vision FAST (avec l’ambition d’aller au-delà), l’arrêt de la politique d’accroissement du réseau routier ou encore l’adoption d’un plan piéton.
- 3 y figurent sur un mode mineur (P(I)CM, plateformes multimodales, limitations de vitesse).
- 5 en sont absentes, dont l’institution de zones à faible danger (low danger zones ou LDZs), l’intégration horaire et tarifaire des réseaux de transport public (le développement du modèle des nœuds de correspondance) ou encore la sortie progressive du modèle aéroportuaire.
Inter-Environnement Wallonie veillera à ce que, dans les faits, le verre d’une mobilité wallonne durable se remplisse au moins aux trois quarts – et au-delà si possible.
Annexe : tableau comparatif entre le mémorandum d’IEW et la DPR
Mobilité coordonnée – gouvernance adéquate | ||
Mettre en œuvre la vision FAST | OK | « La politique wallonne se basera sur la poursuite de la vision FAST 2030 et la stratégie régionale de mobilité, qui seront renforcées à la hauteur des objectifs de la Wallonie en ligne avec le PACE tel qu’il sera revu. » |
Développer transversalité action publique | KO | Rien de concret à ce sujet |
Assurer moyens humains suffisants administration | KO | Rien de concret à ce propos (et AOT jamais cité) |
Concrétisation P(I)CMs | mi-OK | « Afin d’optimaliser l’interaction avec le niveau communal, le Gouvernement examinera les modifications à apporter aux outils existants de planification de la mobilité (PCM, etc.). » |
Mise en place centrales de mobilité | OK | « Le Gouvernement, en partenariat avec les autorités locales et les opérateurs de transport, généralisera des centrales de multi-mobilité, dans chaque bassin de mobilité, coordonnées avec la centrale régionale. » « Des initiatives publiques innovantes de transports collectifs en zone rurale seront également développées. Il s’agit par exemple de (mini)bus à la demande selon des trajets prédéterminés ou variables, de centrales de mobilité et de taxis sociaux. » |
Aider citoyens réduire dépendance voiture | ||
Réformer la TMC | 9/10 OK | « Les taxes de circulation et de mise en circulation seront revues, à fiscalité globale inchangée, pour les moduler en fonction des émissions de CO2 et de la masse / puissance. L’objectif est notamment d’encourager des voitures moins puissantes et moins lourdes et dès lors moins polluantes. » |
Renoncer accroissement réseau routier | ¾ OK | « Au-delà du plan 2019-2025, à l’exception des travaux de sécurité et des connexions au réseau existant d’infrastructures essentielles (gares, hôpitaux et ZAE) et aux travaux de sécurité, le Gouvernement n’entamera pas l’étude et ne réalisera pas de nouvelles voiries et d’extensions de voirie (Tenneville, Bodange à Rodelange, CHB, R5 Havré, Trident, etc.). » |
Instituer la création de LDZs | KO | Rien de concret à ce propos |
Concrétiser conditions intermodalité | ||
Modèle nœuds de correspondance | KO | Rien de suffisamment précis à ce propos Tout de même ceci : « le Gouvernement soutiendra significativement les connexions entre les divers moyens de transport et la coordination entre opérateurs de transport. » |
Mise en place plateformes multimodales | mi-OK | « le Gouvernement soutiendra significativement les connexions entre les divers moyens de transport et la coordination entre opérateurs de transport. » |
Complémentarité modes actifs et transports en commun | OK | « intégrer différents modes de transport – transport public, automobile, vélo, marche à pied, etc. – en un seul système qui est à la fois efficace, facilement accessible, abordable, sûr et écologique. » |
Attractivité efficacité transports en commun | ||
Défense réseau ferroviaire wallon | OK | « La Wallonie, dans le respect de ses compétences, soutiendra le développement d’une offre ferroviaire attractive, sur l’ensemble du territoire, notamment au travers des priorités ferroviaires wallonnes, et plaidera en ce sens auprès du Gouvernement fédéral » |
Bandes bus prioritaires | OK | « réalisation d’infrastructures améliorant la vitesse commerciale des bus » – « Le Gouvernement s’engage à aménager les voiries pour donner la priorité aux bus afin d’améliorer leur vitesse commerciale et leur régularité » |
Restructurer offre TEC | OK | « le Gouvernement tiendra compte des études qui visent à redéfinir l’offre de transport public, prévues d’ici la fin 2020 » |
Développement modes actifs | ||
Former agents administration | OK | « Le Gouvernement veillera prioritairement à former les agents techniques de l’administration à une prise en compte systématique des modes doux » |
Elaborer un plan piéton | OK | « Un plan piéton sera élaboré et rapidement mis en œuvre » |
Politique cyclable pôles fort potentiel | OK | « Dès 2020, relance d’un projet de villes pilotes » |
Instituer limitations vitesse ciblées | mi-OK | « extension significative des zones 30 » |
Sortie progressive modèle aéroportuaire | KO | Seule ambition est infrastructures zéro carbone et politique européenne taxation kérosène etc. Tout de même ceci : « Le Gouvernement encouragera les aéroports wallons à se doter, dans la mesure du possible, d’objectifs ambitieux quant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à leurs vols et à mettre en place des programmes pilotes de vols à très faibles émissions. » |
[1] Le principe “STOP” opère une hiérarchisation entre les différents modes de déplacement. La priorité est accordée aux piétons (Stappen), puis aux cyclistes (Trappen), ensuite aux transports publics (Openbaar vervoer) et enfin, aux véhicules privés (Privévervoer).