2011 et 2012 sont des années importantes pour le Système européen d’échange des quotas de CO2 (ETS – European Trading System) car les autorités européennes préparent la troisième phase prévue pour 2013-20. Pour rappel, le système ETS a été lancé en 2005 à la suite du Protocole de Kyoto et est jusqu’à nos jours le système d’échange de CO2 le plus important au monde. Il s’agit aussi de la politique européenne la plus importante de réduction des gaz à effet de serre du secteur industriel et des producteurs d’énergie qui se base sur la définition d’objectifs nationaux à atteindre et fixe des quotas distribués sous forme de permis d’émission de CO2. Selon la directive (2003/87/EC) instaurant ce système d’échange, un quota de CO2 est un « quota autorisant à émettre une tonne d’équivalent dioxyde de carbone au cours d’une période spécifiée, valable uniquement pour respecter les exigences de la présente directive, et transférable conformément aux dispositions de la présente directive » (article 3, sous a). Ce qui veut dire que les Etats membres sont soumis à des amendes s’ils émettent plus que ce qui leur a été alloué sauf s’ils achètent des permis supplémentaires à d’autres États Membres qui eux n’ont pas épuisé la quantité permise d’émissions. En plus d’une définition d’objectifs d’émission de CO2 pour l’Europe, ce système se bases sur le fonctionnement d’offres et de demandes de permis, instituant ainsi un marché du CO2. Le système est dit de « cap and trade », c’est à dire, d’objectif et de d’échange.
Ce plan de réduction des émissions européennes de CO2 a été divisé en trois périodes, 2005-2007, 2008-2012 et 2013-2020. La première période avait fixé l’objectif européen à 2298 millions de tonnes de CO2 pour 2007, ce qui était en réalité 8,3% de plus que les émissions de CO2 de 2005. Les entreprises concernées n’ont pas été encouragé à diminuer leur réduction des émissions de CO2 et ont conservé leur surplus de permis distribué gratuitement pour la seconde phase. Actuellement, l’objectif est de 2% plus bas que les émissions mesurées et vérifiées dans l’Union Européenne en 2005 même si dans plus de 17 des 20 états membres les objectifs sont plus élevés que les mesures de 2005 (dont la France, la Pologne et la Grande Bretagne)[[The EU Emissions Trading System : failing to deliver, Friends of the Earth Europe, p.3.]]. La surallocation des permis fait que la plupart des industries concernées par l’ETS (c’est-à-dire, 50% des émissions européennes) ne devront pas faire d’effort d’ici 2016. De plus, les mécanismes de flexibilité permettent aux entreprises de mettre en place des projets de réduction de CO2 en dehors du territoire européen et de les comptabiliser malgré tout dans l’ETS.
La troisième période de l’ETS devra prendre en compte et répondre à ces enjeux de surrallocation, de mécanismes flexibles, de délocalisation des activités bas carbone mais aussi d’extension à d’autres secteurs (aviation, agriculture…) et à d’autres pays (Japon, Australie, Nouvelle Zélande et Etats Unis). C’est pour cette raison que la commission européenne prévoit des aides financières pour contrer la délocalisation, accompagnées d’une allocation plus adaptée et centralisée des quotas, ce qui permettra de stabiliser le prix du CO2 et au marché de jouer pleinement son rôle de régulateur.
Sous l’impulsion de Climate Action Network (CAN) dont notre fédération est membre, Inter-Environnement Wallonie a répondu au questionnaire soumis par la commission européenne sur les nouvelles recommandations applicables aux aides étatiques dans le cadre des modifications du système européen d’échange du carbone (ETS). La directive 2009/29/EC[Directive 2009/29/EC du Parlement Européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiant la Directive 2003/87/EC, OJ L 140, 5.6.2009, p.63.]] modifiant la directive 2003/87/EC[[Directive 2003/87/EC odu Parlement Européen et du Conseil du 13 octobre 2003 instaurant les ETS et modifiant la directive 96/61/EC, OJ L 275, 25.10.2003, p. 32.]] (directive instaurant le système ETS) améliore le système actuel tout en en élargissant le champ d’application pour la troisième phase (2013-20). Dans la foulée, en 2008, la commission européenne a soumis une proposition[[“[Commission non-paper” soumis au Parlement Européen et au Conseil du 19 novembre 2008(Annex 2 15713/1/08) – « Proposed assessment criteria for state aid to compensate for electricity cost increases due to pass on of CO2 costs]] au Parlement Européen et au Conseil comprenant des critères permettant aux Etats Membres de mettre en place une aide pour compenser la hausse du prix de l’électricité due à l’implémentation de la directive ETS après 2013. La consultation qui s’est clôturée ce 11 mai 2011 a permis aux acteurs du secteur et Etats Membres de se positionner sur l’aide financière à octroyer aux différents secteurs industriels après 2013.
La première directive prévoit que les Etats Membres peuvent adopter des mesures financières en faveur des secteurs identifiés comme risquant une diminution de leur compétitivité encourageant dès lors une délocalisation de leurs activités : ce phénomène est appelé « fuites de carbone ». Celles-ci sont entre autres dues à la hausse du prix de l’électricité répercutant le coût des mesures visant à réduire les émissions de CO2 (les coûts indirects). Les secteurs identifiés comme risquant des fuites des carbone recevront dès lors peu d’aide spécifique pour réduire leurs émissions de CO2 puisqu’ils recevront déjà des permis gratuits et des compensations pour couvrir la hausse du prix l’électricité.
Pour IEW et CAN (Client Earth), cette compensation doit garder son objectif environnemental en ligne de mire : elle ne peut en aucun cas devenir une compensation pour des pertes purement économiques. C’est pourquoi elle ne pourra couvrir les suppléments de coûts de l’électricité liés à l’implémentation de la Directive qu’après 2013 et si les mécanismes encourageant les économies d’énergie et la demande d’énergie verte sont maintenus. Le nombre de secteurs bénéficiant de ces aides doit rester limité. La commission européenne devra en établir une liste en annexe des directives. De plus, pour que cette dernière puisse refléter au mieux la réalité, la commission européenne devrait mener une étude sur la compétition internationale.
Comme le précise la directive de 2003, cette aide financière doit être nécessaire ce qui signifie que toute installation devra prouver les désavantages économiques de l’ETS avant de recevoir toute aide et que la commission européenne doit considérer au cas par cas plusieurs autres scénarios qui permettent d’atteindre les objectifs et intérêts communs. Plus précisément, pour CAN et IEW, l’aide devrait être limitée aux cas où il est possible de démontrer que pendant les cinq dernières années la quantité d’électricité consommée représente au moins représenté 50% des bénéfices de l’entreprise et que 30% des exportations sont destinées aux pays-tiers. Les seuils proposés sont une réponse à la formulation de la directive et de la situation actuelle du prix du carbone (15¤/t CO2).
Aucune aide ne devrait être octroyée aux installations bénéficiant de contrats datant d’avant 2005 ou 2013 fixant le prix de l’électricité ou lorsque le pays membre applique un prix fixe. Pour résumer, l’aide financière ne couvrira que les coûts éligibles, c’est-à-dire, les suppléments résultant de l’implémentation de la directive ETS après 2013 pour les industries utilisant la technologie la plus efficace pour sa production, ce qui implique un benchmarking des émissions de CO2 par unité de production. Si le benchmarking n’est pas applicable, l’aide devra être octroyée sur base des facteurs d’émission de CO2 de l’électricité pour une installation spécifique, le prix des permis et 50% de la consommation de l’électricité résultant de la production de l’installation concernée certifiée par un comptable externe. Plus le prix du permis sera élevé, plus le secteur de la production énergétique, par exemple, sera encouragé à mettre en place des mesures réductrices d’émission. En effet, après 2013, 100% des permis seront mis aux enchères.
Enfin pour CAN et IEW, les aides doivent être conditionnées par les objectifs de production d’énergie d’origine renouvelable ainsi que des économies d’énergie. Par conséquent, les coûts liés à l’utilisation d’autres sources d’énergie ou aux économies d’énergie de doivent pas être considérés comme des coûts dérivés de l’implémentation de la directive en 2013. Ces aides compensatoires seront évaluées lors de l’introduction de systèmes d’échange de CO2 en dehors de l’Europe susceptible d’affecter le prix de l’électricité, simultanément à une révision de la liste des secteurs bénéficiaires. Cette évaluation prendra en compte l’évaluation prévue par la commission européenne tous les cinq ans des secteurs présentant des risque de fuites de carbone.
Ces précisions sont particulièrement importantes dans le contexte actuel de surallocation des permis. Celle-ci est estimée par Sandbag à 3,4 milliards de dollars, ce qui équivaut au budget annuel de l’Europe pour les énergies renouvelables. Trop de permis ont été distribué par les Etat Membres aux industries, faisant baissé le prix de la tonne de CO2 à 15¤, ce qui diminue les revenus résultant des enchères mais aussi l’efficacité du système ETS. Pour atteindre les objectifs environnementaux, ce dernier doit encourager les industries à diminuer leurs émissions de CO2 plutôt que d’acheter des permis d’émission : les coûts des mesures de réduction des émissions de CO2 doivent être moins élevés que les prix des permis d’émission. Pour rappel, la région wallonne est la première concernée par cette surallocation puisque Sandbag a mis en évidence que 44,6% des surplus de permis sont détenue par Arcelor Mittal.
L’obectif principal de ces aides compensatoires est de rendre plus efficace le système ETS en corrigeant les faiblesses du marché et en appliquant le principe du pollueur-payeur : celui qui pollue a la responsabilité de réparer les dégâts causés. Cette responsabilisation consiste à prendre en compte les coûts nécessaires pour dépolluer, d’intégrer dans les budget et montage financier des entreprises ces coûts externes à la production. C’est ce que nous appelons l’internalisation des externalités. Or les aides compensatoires et les permis gratuits pour les secteurs risquant les fuites de carbone diminue cette responsabilisation puisque les coûts seront moins importants.
Ainsi CAN et IEW insiste sur les principes à partir desquels doivent être élaborés les directives applicables aux aides étatiques dans le cadre des modifications du système européen d’échange du carbone (ETS) :
Ces directives reconnaissent que des investissements sont nécessaires pour remplir les objectifs européens. Comme les entreprises devront se soumettre à ces obligations, les aides existant déjà pour atteindre les objectifs ne peuvent pas être justifiées.
Le schéma d’aide compensatoire devra prévoir des critères d’éligibilité d’octroi de cette aide imposant au candidat d’acheter un pourcentage d’électricité produite par des centrales utilisant des sources d’énergie renouvelable. Ce pourcentage doit être défini au niveau européen conformément aux objectifs européens d’énergie renouvelable mais aussi par rapport au pourcentage actuel d’électricité produite à partir de sources renouvelables en Europe.
Le schéma d’aide financière doit encourager l’économie d’énergie et stimuler la demande d’électricité verte.
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