Une tradition est en train de se forger… Comme l’année passé, la Commission européenne a mis en ligne une consultation sur «la mise en ½uvre de la stratégie renouvelée de réduction des émissions de CO2 des voitures et véhicules commerciaux légers». En 2006, la Commission était poussée dans le dos par le Parlement européen. Cette fois, la pression créée par les ONG d’environnement semble avoir grandement joué. On se souviendra en effet que, en octobre 2006, la fédération européenne Transport and Environment (T&E, à laquelle IEW est affiliée) avait créé l’évènement en rendant public un classement des différents constructeurs automobiles en matière d’émissions de CO2 des voitures neuves (rapport « How clean is your car brand »). En distinguant les « bons » des « mauvais » élèves, T&E fissurait le « front uni » de l’industrie automobile, révélant ses dissensions internes (en caricaturant à l’extrême: les grosses cylindrées allemandes « contre » les petites cylindrées françaises et italiennes). T&E mettait également en évidence le caractère nettement insuffisant des « accords volontaires » (non contraignants) conclus entre l’industrie automobile et la Commission européenne.
Début 2007, la Commission a clairement exprimé la volonté de légiférer, déclenchant une campagne de lobby acharné de la part de l’industrie automobile. De mémoire de fonctionnaire européen, on n’avait jamais vu cela, sauf peut-être au plus fort de la campagne anti-REACH. A présent, les attaques se sont un peu calmées, les arguments se sont affinés. A titre illustratif, il est intéressant de prendre connaissance de la position de l’ACEA (association des constructeurs automobiles européens). L’ACEA se défend fermement de l’accusation de n’avoir pas agit de manière volontaire par le passé. Elle met en avant la « grande part » des budgets de recherche consacrés à l’efficacité énergétique. Les industriels font donc état de moyens développés alors qu’ils s’étaient engagés sur des résultats: 140 gCO2/km en moyenne pour les véhicules neufs vendus en 2008. Notons que si l’on prolonge la tendance actuelle (186 gCO2/km en 1995, 163 en 2004) l’objectif ne sera atteint qu’en … 2013! Enfin, l’ACEA affirme que l’objectif de 130 g/km en 2012 maintenant proposé par la Commission n’est « pas réalisable ». Mais impute aux citoyens-consommateurs l’échec des accords précédents (il est vrai que les Européens sont décourageants, eux qui persistent à se laisser convaincre par les messages publicitaires vantant les grosses cylindrées, au lieu de s’orienter sagement vers des véhicules aux caractéristiques techniques simplement raisonnables).
Dans le cadre de la consultation en cours, il importe de rappeler à la Commission ses objectifs initiaux (en 1995, on parlait à Bruxelles de 120gCO2 /km en … 2005!). L’objectif de 130 gCO2 /km à l’horizon 2012 proposé par la Commission devrait donc, à tout le moins, être ramené à 120 gCO2 /km à cette date. Et être atteint via l’amélioration de l’efficacité énergétique (motorisation, poids du véhicule, aérodynamisme). Les autres mesures listées par la Commission (optimisation des systèmes de climatisation, systèmes de surveillance de pression des pneus, indicateurs de changements de vitesses, biocarburants) doivent être considérées comme autant de « bonus » permettant de faire mieux que les 120 gCO2 /km, mais pas de palier les carences en matière d ‘efficacité énergétique.
Ce dossier est caractérisé par des prises de positions extrêmes, dogmatiques, de la part de l’industrie automobile. Ceci est imputable au fait que, en la matière, on touche clairement aux limites de notre système. Pour maximiser leurs profits (c’est à dire pour offrir un maximum de dividendes aux actionnaires), les industriels ont deux leviers principaux. Limiter les frais (ce qui se traduit notamment en réductions de personnel et en délocalisations) ou augmenter le chiffre d’affaires. En l’occurrence, vendre plus de voitures, et, si possible, de gros modèles, sur lesquels les marges bénéficiaires sont plus grandes. Or, les immatriculations de véhicules neufs sont en baisse en Europe (les ventes ont baissé de 1,6% entre mai 2006 et mai 2007).
Contrainte de légiférer en matière d’émissions de CO2, la Commission semble avoir, en matière de taxation, entendu l’ACEA, répondant à une vieille revendication de l’industrie automobile: la suppression de la taxe de mise en circulation (TMC, encore appéle taxe d’immatriculation ou TI dans certains Etats européens). On se référera à ce propos à la « Proposition de directive du Conseil concernant les taxes sur les voitures particulières (COM(2005)261 du 05/02/2005). Ce document nous apprend que, pour la Commission, «instauration d’une fiscalité liée aux émissions de CO2» rime avec «suppression de la TMC»…
Il est donc grand temps de rappeler la Commission à son devoir d’objectivité et de neutralité. Lui rappeler que le constat sans équivoque qu’elle dresse [[« Alors que l’UE a réduit ses émissions de près de 5 % au cours de la période 1990-2004, les transports routiers sont l’un des rares secteurs dans lequel les émissions continuent d’augmenter; il est donc plus difficile pour l’UE de respecter ses engagements au titre du protocole de Kyoto, et les progrès accomplis par les autres secteurs voient leur effet s’annuler »
SEC(2007) 61, Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen. Résultats du réexamen de la stratégie communautaire de réduction des émissions de CO2 des voitures et véhicules commerciaux légers.]] appelle des mesures fortes. Merci donc de bien vouloir envoyer vos contributions à la consultation en cours, ceci pour le 30 juin.
Soit en rédigeant vous-même votre courrier et en l’envoyant par courrier postal ou par mail à:
Commission européenne
Secrétariat général
Consultation sur la «réduction des émissions de CO2 provenant des voitures»
BERL 6/262
B-1049 Bruxelles
SG-CO2-CARS@ec.europa.eu
Vous trouverez en pièce-jointe notre proposition de courrier.