Barack Obama vient de l’annoncer: les « riches » (contribuables gagnant plus d’un million de dollars par an) devraient être davantage taxés Outre-Atlantique. Une annonce qui a semé le trouble sur les bancs républicains dont certains, à l’image de la sénatrice Caroline Lindsay Graham, se sont montrés offusqués, évoquant en toute mauvaise foi une “guerre de classes”. Le représentant du Wisconsin Paul Ryan a même parlé “d’un système qui divise les gens”, (…) “qui exploite la peur, la jalousie et l’angoisse”, un système dont il se passerait bien.
Pourtant, le nouvel impôt proposé par Obama ne devrait « affecter » que 0,3 % des contribuables américains, soit moins de 450.000 des 144 millions de déclarations enregistrées en 2010. Pas de quoi donc en faire tout un plat. Néanmoins, l’opposition républicaine est prête à tout pour mettre des bâtons dans les roues du projet du Président démocrate, arguant son impact préjudiciable sur l’économie. Décomplexée et sans culot aucun, la droite américaine.
Cette mesure, baptisée « loi Buffet » du nom du milliardaire Warren Buffet, homme d’affaires de son état, qui, de concert avec quelques autres grosses fortunes, avait appelé en août dernier à payer davantage d’impôts, considérant que les supers nantis américains étaient moins taxés (17,4 % d’impôts sur le revenu pour Buffet) que les salaires moyens (36 % d’impôts en moyenne). Cette injustice fiscale tient notamment au fait que les bénéfices tirés des investissements de ces mêmes millionnaires (plus-values, dividendes et autres intérêts) sont aujourd’hui moins imposés que les salaires.
A noter que cette taxe s’inscrit dans un paquet de mesures visant la réduction du déficit public américain et ambitionnant de renflouer les caisses de l’État de quelques 3.000 milliards de dollars en une dizaine d’années.
L’Espagne et l’Italie, précurseurs européens
La « taxe sur les riches », maintes fois évoquées sur le sol européen, vient également de revoir le jour en Espagne, pays en proie à de graves difficultés financières et au bord de la faillite (40 % des villes espagnoles en seraient menacées). Portant initialement sur les contribuables gagnant plus de 120.000 euros, elle visera finalement les plus d’un million d’euros. Par cette taxe, la gouvernement socialiste de José Luis Zapatero entend faire participer les plus aisés à l’effort d’austérité.
La mesure n’est toutefois ici que temporaire, prévue pour 2 ans. C’est la raison pour laquelle l’économiste espagnol Ignacio Zubiri se montre très mitigé vis-à-vis de cette disposition qui va “dans le bon sens” mais ne constitue “qu’une solution temporaire”. Et d’ajouter : “Ce qu’il faudrait, c’est taxer les plus hauts revenus. L’ennui, c’est que la plupart échappent à ce genre d’impôt en masquant leur fortune via des participations dans des entreprises familiales”.
Les choses bougent également en Italie. Le président du Conseil, Silvio Berlusconi, vient d’annoncer, en marge du renforcement du plan d’austérité italien entériné le 14 septembre dernier, l’instauration d’une taxe de solidarité. Celle-ci avait déjà été évoquée en août mais avait été abandonnée aussitôt, sous la pression de la troisième fortune du pays… qui n’est autre que Berlusconi Silvio! La nouvelle mouture y a néanmoins laissé des plumes; elle ne concerne plus en effet que les revenus annuels supérieurs à 300.000 euros alors que la proposition initiale visait les revenus de plus de 90.000 euros.
La Belgique, un paradis fiscal ?
Chez nous, aucune mesure de ce type n’est à l’ordre du jour. Notre système fiscal apparaît pourtant de plus en plus inéquitable: impôt de moins en moins progressif (au profit des plus nantis), écart d’imposition entre les revenus du travail et ceux issus du capital (au profit de ces derniers, échappant de plus en plus à l’imposition) en sont quelques exemples concrets. Et ceci n’est également pas sans conséquence sur les politiques publiques (sécurité sociale, protection de l’environnement, enseignement de qualité, etc.) dont les moyens fondent à vue d’½il.
Depuis longtemps, des organisations comme le Réseau pour la Justice Fiscale en appellent à une plus grande justice fiscale, laquelle passera par l’instauration d’un impôt sur les grandes fortunes mais également par un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale, la levée du secret bancaire, la taxation des plus-values sur les actions, obligations, options, la simplification et la limitation des multiples déductions fiscales dont bénéficient tant les entreprises que les particuliers, ainsi qu’une réelle progressivité de l’impôt en rétablissant les tranches supérieures d’imposition.
Empêtrés dans les négociations institutionnelles, nos politiques ne se sont pas encore penchés sérieusement sur les questions économiques et sociales. Nul doute que quand l’heure de traiter ces questions sera venue, la « cure d’austérité » qui plane, menaçante, au-dessus de nos têtes s’imposera dans le débat. Puisse alors nos politiques nos politiques s’inspirer de ces propositions…
EN SAVOIR PLUS
Consulter l’analyse du Réseau pour la Justice Fiscale sur les enjeux fiscaux de la note du formateur Di Rupo