La politique énergétique wallonne a besoin d’un nouveau souffle, et vite. Le ministre qui en a la charge, Monsieur Crucke a du pain sur la planche : 3 grands dossiers l’attendent en cette année préélectorale.
Stratégie rénovation
On pourrait dire que LE gros dossier sur la table du Gouvernement est celui de la rénovation énergétique. Et qu’il soit sur la table est déjà une bonne nouvelle en soi, tant rénover notre parc immobilier est une priorité environnementale absolue en Wallonie… IEW estime que la stratégie rénovation qui a été approuvée par le Gouvernement est une bonne base. Retour de l’audit obligatoire, en préalable d’une feuille de route du bâtiment, guichet unique énergie, révision du système de prime/prêt à la rénovation… : la stratégie rénovation contient un catalogue de mesures cruciales à prendre de toute urgence. Elles sont reprises dans la note d’orientation de Monsieur Crucke, c’est donc une bonne chose.
Mais le ministre de l’énergie et le ministre du budget vont devoir apprendre à se concerter davantage sous peine de risquer la schizophrénie. Alors que le Ministre de l’énergie, monsieur Crucke donc, fait de la rénovation sa priorité, le ministre du budget, monsieur Crucke, a diminué le budget des primes à la rénovation pour 2018 ! Si IEW partage les préoccupations du Ministre sur le manque d’efficacité des primes ou des prêts à taux préférentiels (ecopack ou reno-pack) qui effectivement ont difficilement trouvé un public, réduire les budgets alors qu’il faudrait les augmenter, nous semble une entrée en matière très préoccupante pour un ministre de l’énergie ambitieux ! Le plan d’investissement du Gouvernement devrait rectifier le tir avec près de 800 millions € annoncés sur 5 ans (dont l’essentiel à travers la rénovation du logement public et privé portée par la ministre Valérie De Bue…
La note d’orientation du Ministre met une idée sur la table : rendre les primes énergies proportionnelles aux réductions d’émissions de GES. Si l’idée est séduisante, IEW estime que d’autres critères doivent entrer en jeu, notamment la localisation des biens rénovés… En effet, la stratégie rénovation doit être couplée à une véritable stratégie territoriale visant à concentrer davantage l’habitat près des lieux d’activité, des nœuds de transport… Une maison bien rénovée mais uniquement accessible en voiture individuelle n’a pas de sens d’un point de vue climatique !
Autre motif de schizophrénie potentielle. Le fiscal shift wallon voté fin d’année 2017 aurait été l’occasion de pousser les wallons à la rénovation. Hélas, le ministre n’a pas saisi l’opportunité d’activer ce moyen réputé efficace pour changer les comportements qu’est la fiscalité. On peut même se demander si certaines mesures comme la suppression du taux majoré sur les droits d’enregistrement d’une 3è habitation ne vont pas carrément à l’encontre de la stratégie rénovation… Cette mesure va favoriser les multipropriétaires n’occupant pas leur(s) logement(s) qui sont justement ceux qui selon la stratégie rénovation du gouvernement seront les plus difficiles à activer.
La promesse d’instaurer une « portabilité des droits d’enregistrement » devrait flexibiliser le marché immobilier wallon qui en a bien besoin – c’est donc une mesure intéressante. C’est une très bonne chose pour le climat. En effet aujourd’hui, la fiscalité pousse les wallons à rester dans leur résidence toute leur vie quoi qu’il arrive, càd même si ils changent de lieux d’emploi, ou si le nombre de personnes dans le ménage diminue. En découle des logements peu adaptés (trop grands) et impliquant une grande consommation de transport…
Renouvelables
Les renouvelables sont sur le point de devenir les énergies les moins chères et la clé de voûte de notre futur système énergétique… 2018, année où les renouvelables passeront du statut d’outsider à celui de leader ? Leur régime de soutien est donc forcément appelé à évoluer, voire à disparaître. Attention toutefois à ne pas casser dans l’œuf le frêle redémarrage d’un secteur désespérément atone dans notre Région… C’est que de nombreux freins pénalisent les renouvelables flexibles comme l’éolien : des tracasseries légales, des problèmes d’acceptabilité au niveau local… Les coûts pour un opérateur en Wallonie sont donc souvent plus élevés qu’ailleurs. Diminuer les niveaux de soutien doit donc se faire en parallèle d’une amélioration des conditions de marché pour les opérateurs et en veillant à ce que les investissements dans le renouvelable en Wallonie restent attractifs.
Le système de soutien actuel principalement sous forme d’un soutien à la production est de moins en moins adapté en tout cas au renouvelable flexible. Nous soutenons donc la proposition de réviser le mécanisme de certificats verts devenu illisible et trop complexe. Des aides à l’investissement seraient un système plus adapté aux spécificités de la plupart des renouvelables…
Le Ministre annonce également la conclusion d’une « Pax eolienica » d’ici fin 2018. Si on peut se réjouir que le Gouvernement cherche à lever les freins d’un secteur en panne depuis plusieurs années, il faudra juger l’arbre à ses fruits. IEW réalise actuellement un travail de fond sur l’éolien avec ses associations membres et espère que l’expertise variée des associations sur les enjeux du développement éolien pourra contribuer à cette « pax eolienica ».
Compteur intelligent et réseau
L’AGW sur le déploiement des compteurs intelligent est sur la table du Gouvernement. Il prévoit un déploiement en priorisant le remplacement des compteurs à budget. Les compteurs intelligents semblent un élément clé de la transition énergétique pour optimaliser la gestion des réseaux de distribution et l’utilisation de l’énergie produite localement… Mais le plus grand potentiel d’optimisation réside chez les prosumers et les gros consommateurs résidentiels ou les PME… Pas chez les wallons en situation de précarité énergétique qui ont aujourd’hui un compteur à budget !
En ciblant les clients les plus précarisés, le risque est que le Gouvernement ne renforce la méfiance par rapport à ces compteurs, perçus alors comme un outil de « flicage » voire d’espionnage, plutôt qu’un outil nécessaire pour le futur de notre planète. Dans le même ordre d’idée, il sera crucial de veiller à ce que les données extraites de ces compteurs soient utilisée spour le bien commun et non pour les bénéfices d’entreprises privées. La confiance sera capitale pour un déploiement optimal de ce type d’outil !
La volonté affichée par le Gouvernement de simplifier l’émergence de microgrid est une demande du mouvement environnemental depuis longtemps. Aujourd’hui, beaucoup trop de projets de production renouvelable ne voient pas le jour parce que des freins les empêchent de pouvoir facilement distribuer l’énergie produite localement. Un exemple concret : une co-propriété dans un immeuble à appartement ne peut toujours pas installer et gérer collectivement des panneaux photovoltaïques sans prendre une licence de fourniture ! Ce genre de non-sens doit être réglé dans ce cadre.