Ce n’était pas dans l’air et c’est d’autant plus fourbe, la décision de supprimer les déductions fiscales pour investissements économiseurs d’énergie, ainsi que le « prêt vert » fédéral choque citoyens et entrepreneurs. Premier faux pas (parmi une longue série ?) sur une voie qui devrait être celle de la transition énergétique.
Belgique, passoire énergétique européenne….
Le parc de logements en Belgique est reconnu comme passoire énergétique, la consommation d’énergie dépasse de 72%[[Vers une efficacité énergétique de niveau mondial en Belgique, Mc Kinsey 2009]] la moyenne européenne. 80% du parc immobilier a été construit avant 1981[[Statistique cadastrale du fichier des bâtiments au 1 janvier 2009 (SPF Economie)]], c’est-à-dire avant la mise en place de toute réglementation thermique. Les effets sur l’environnement de cette situation sont simples. La consommation énergétique du parc immobilier belge représente près de 35% de la consommation d’énergie primaire. Le secteur résidentiel est responsable de 16 % des émissions de GES. La décarbonisation de notre société et l’abandon des énergies fossiles ne peut se faire sans diminution de la consommation énergétique.
Les logements sont pour la plupart mal isolés et ont des appareils de chauffage inadaptés. Si ces conditions ont des conséquences sur la santé des habitants, elles ont aussi des conséquences sociales. C’est une réalité, pour beaucoup de citoyens, la facture énergétique devient impayable. Une enquête menée en 2006[[Evaluation de la précarité énergétique en Belgique, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni – EPEE project 2006]] indiquait qu’en Belgique 14,6% des sondés indiquait qu’ils n’avaient pas la capacité à payer pour garder leur logement chaud, 14,8% répondaient qu’il y avait des problèmes d’humidité et des fuites dans leur logement et 5,3% indiquaient n’avoir pu s’acquitter de leur facture d’électricité, d’eau ou de gaz dans les 12 derniers mois. La libéralisation du marché de l’énergie (et les effets pervers qu’on lui connaît) en 2007 ainsi que la flambée des prix pétroliers en 2008 étant passés par là, ces chiffres sont certainement à revoir à la hausse.
Bien sûr, on pourrait avancer que les revenus les plus faibles ne paient pas d’impôts mais on constate que le phénomène de précarité énergétique s’étend progressivement à la classe moyenne. De plus, priver tous les citoyens d’une aide substantielle pour réaliser des travaux économiseurs d’énergie, sans les en avoir avertis au préalable, c’est freiner toute une dynamique qui était amorcée, cohérente avec les différentes initiatives régionales.
Et il et là l’argument du Fédéral, les entités fédérées devront prendre le relais en matière de fiscalité sur les économies d’énergie. Le hic, c’est que le transfert de compétences (et des budgets associés) ne sera effectif qu’en 2014 et que cette suppression des déductions fiscales est d’application dès 2012. D’où un « gap » qu’il sera difficile de combler par les Régions.
Un potentiel, une opportunité.
Une étude réalisée en 2009 estime que le potentiel d’efficacité énergétique dans le secteur résidentiel belge est de 48% à l’horizon 2030. L’exploitation de ce potentiel, par des politiques volontaristes, contribuerait à une réduction d’émissions de gaz à effet de serre de 25 MtCO2e. et permettrait une création nette de 20 000 emplois[[Vers une efficacité énergétique de niveau mondial en Belgique, Mc Kinsey 2009]].
Cette suppression intervient sans consultation ni annonce préalable, le secteur de la construction est désappointé. La Fédération Construction estime que la disparition de ces aides fédérales entraînerait le gel de plans d’engagement, voire la perte de 4 à 5000 emplois. Les demandes de déductions fiscales nécessitant une facture, le risque de recourir au travail au noir n’est pas négligeable.
Tout ça pour une économie annoncée de 330 millions ¤ en 2013, jusqu’à 600 millions en 2014. Mais c’est occulter le fait que les euros investis dans ce type de travaux (521 millions¤ en 2009)[Apere]] sont directement injectés dans l’économie locale, soutiennent le secteur de la construction et de la rénovation durable en pleine mutation, et donc profite aux caisses de l’Etat (TVA et fiscalité sur le travail). Une étude du Jülich Research Centre en Allemagne montre que pour chaque euro investi dans les programmes de construction et de rénovation énergétique, 5 ¤ reviennent alimenter les finances publiques[[ [KfW programmes Energy-efficient Construction and Refurbishment: public budgets benefit up to fivefold from « promotional euros », Jülich Research Centre, 2011]].
Un rendez-vous manqué
Alors que la Belgique va défendre à Durban un objectif de réduction, à l’échelle européenne, de 30% des émissions de gaz à effet de serre en 2020 et de 80 à 95% en 2050, alors la Belgique vise une plus grande autonomie énergétique, alors que la Belgique rêve à une relance économique par des emplois verts et non délocalisables, le futur gouvernement fédéral n’a toujours pas compris que le réduction des consommations d’énergie est un des moyens les plus économiques qui contribuent à la réalisation de ces objectifs.
La note du formateur de juillet comportait un volet « Transition de notre économie vers un modèle de croissance durable ». Le geste posé en supprimant la déduction fiscale pour les investissements économiseurs d’énergie ne va pas dans le sens d’une transition mais bien d‘une régression. L’Etat fédéral gratte le fonds de tiroirs, avec hâte, sans aucune vision d’avenir. Et puisque il fallait bien les trouver quelque part ces milliards d’euros, les négociateurs auraient pu puiser dans la manne nucléaire : seuls 550 millions d’¤ seront prélevés sur une rente estimée pour l’année 2010 à 1, 3 milliards ¤ par la CREG. Des mesures plus ambitieuses touchant les voitures de société constituaient aussi une rentrée non négligeable et surtout écologiquement responsable.
En ce qui concerne l’ensemble des mesures proposées dans l’accord de gouvernement, Inter-Environnement Wallonie reviendra sur leurs impacts environnementaux dans les prochains jours.