Eoliennes en Wallonie : une enquête publique, pas un référendum

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La saga de l’éolien wallon connaît actuellement un nouvel épisode important : la consultation de la population. L’enquête publique sur la « carte positive de référence traduisant le cadre de référence actualisé, associée à un productible minimal par lot permettant de développer le grand éolien à concurrence d’un objectif de 3.800 GWh à l’horizon 2020 » est organisée au sein des communes du 16 septembre au 30 octobre 2013.

Rétroactes

Depuis 2010, le Gouvernement wallon planche sur une stratégie de développement éolien pour la région. Cette stratégie doit comporter trois outils : un cadre de référence actualisé, une cartographie positive des zones favorables à l’éolien, un décret. Le cadre de référence (CDR) qui datait de 2002 n’était plus en phase ni avec les objectifs de production d’énergie renouvelable que la région s’est fixés[20% d’énergie renouvelable dans la consommation d’énergie finale en 2020, dont 8000 GWh d’électricité renouvelable produite sur le territoire wallon]], ni avec l’appétit des développeurs éoliens. Inutile de répéter les dérives auxquelles l’absence de stratégie concertée en matière d’implantation de parcs éoliens a pu mener. Dès 2011, le Gouvernement wallon s’était accordé sur l’objectif ambitieux d’atteindre une production de 4500 GWh[[À titre de comparaison : la consommation finale d’électricité en Wallonie se situe actuellement entre 23 et 25 TWh]] d’électricité éolienne et sur les grandes lignes du CDR. Les associations de la Fédération avaient d’ailleurs pu s’exprimer sur un premier projet de CDR début 2012 à travers [un avis.

Février 2013, nouvelle mouture du CDR et première sortie publique de la cartographie positive qui, en plus de définir les zones favorables au développement éolien, découpe la Wallonie en une cinquantaine de lots auxquels est associée une potentielle quantité d’électricité qui pourrait y être produite par du grand éolien[[grand éolien : éolienne de puissance supérieure à 1MW, moyen éolien : éolienne de puissance comprise entre 100 KW et 1 MW, petit éolien : éolienne de puissance inférieure à 100KW]]. Cette carte est soumise aux communes en avril. Ces dernières, plutôt circonspectes, réservent un accueil assez tiède et beaucoup disent attendre l’enquête publique pour se prononcer. En parallèle, le rapport sur les incidences environnementales (RIE) de la cartographie positive qui traduit les contraintes imposées par le CDR actualisé a rendu ses conclusions et recommandations. Suite à cela, le Gouvernement revoit sa copie en juillet dernier: la distance d’exclusion de 450 m autour de la zone d’habitat au plan de secteur passe à 600m afin de limiter l’impact auditif et visuel. Des contraintes pour préserver la biodiversité ont aussi été ajoutées.

Ces ajustements sont loin d’être à la marge puisqu’ils amputent le productible de 700 GWh, soit 15 000 ha en moins sur les 52 000 recensés précédemment. Ce sont désormais 2,5%, et non plus 3,5%, du territoire qui est susceptible d’accueillir de l’éolien.

Une consultation : Sur quoi ? Pour qui ?

Divers éléments sont nécessaires afin de bien comprendre les tenants et aboutissants de cette enquête. Tout d’abord, le cadre de référence actualisé et son addendum qui reprend les dernières décisions du gouvernement sur la distance, norme de bruit, etc.

Ensuite une carte générale de la Wallonie représentant les lots et leur productible associé. Une autre carte identifiant les zones favorables à l’implantation d’éoliennes (en vert foncé : les zones sans contraintes, en vert clair : les zones avec contrainte partielle). Cette carte résulte d’une étude de potentiel venteux sur le territoire sur laquelle sont superposés des critères de respect de la qualité de vie des riverains, des contraintes juridiques et techniques de sécurité au sol (la Défense) et aérienne ainsi que des objectifs de préservation de l’environnement (patrimoines naturel, paysager et culturel). Tout ceci expliqué en détail dans dossier méthodologique qui présente les différentes couches  de contraintes sous forme d’une trentaine de cartes.

Sont consultables également, une carte spécifique à chaque commune et des cartes qui « zooment » sur les lots attenants à la commune. Ceci donne une vision panoramique des zones vertes dans un rayon parfois très large autour de la commune. Une fiche synoptique reprenant les informations importantes donne une seconde lecture de la carte communale, puisqu’elle quantifie à l’échelle du territoire de la commune les différents types de zones sous contraintes d’exclusion intégrale et sous contraintes d’exclusion partielle.

Enfin, élément très important, le RIE, dont les 137 pages pourraient en décourager plus d’un. Qu’à ce cela ne tienne, le résumé non technique (RNT) reprend les principales conclusions du RIE.

Tous ces documents et informations relatives à l’enquête sont disponibles sur le site http://spw.wallonie.be/dgo4/eolien et dans les administrations communales.
Qui est susceptible de répondre à cette enquête ? A priori, tout le monde. Ce n’est pas parce qu’on est citadin (avec a priori peu de chance d’apercevoir une éolienne depuis son domicile) ou habitant d’une commune située dans une zone d’exclusion qu’il faut se désintéresser d’une consultation qui concerne aussi bien le développement du territoire que les énergies que nous voulons pour aujourd’hui et demain.

Quelques avertissements…

L’enquête publique n’est pas un référendum qui interrogerait la population sur un « oui » ou « non » à la possibilité d’implanter des éoliennes sur sa commune ou son giron. Cette consultation est une opportunité pour le citoyen de donner son avis sur la traduction planologique des options retenues par le Gouvernement pour encadrer le développement éolien en Wallonie. La question est de voir si les différents critères d’intégration ou d’exclusion de l’éolien, pris de façon indépendante ou cumulée, sont traduits fidèlement sur la carte positive. C’est donc l’expertise et la connaissance de tout un chacun sur l’environnement – celui où on vit, celui où on travaille, celui que l’on visite- qui sont sollicitées et qui permettront des ajustements nécessaires si une contrainte était mal prise en compte.

Par ailleurs, il n’est pas pour autant assuré que toutes les zones vertes accueilleront des éoliennes dans le futur. En effet, l’occupation d’une zone par un parc peut ajouter de nouvelles contraintes, notamment de co-visibilité, qui excluraient l’implantation sur une zone voisine.

En outre, la carte et son RIE ne remplace en rien les évaluations des incidences sur l’environnement (EIE) établies pour chaque projet d’implantation et qui analysent la situation et les incidences de manière spécifique et beaucoup plus fine. Quels que soient les résultats cette enquête, il n’est pas question de blanc-seing donné aux développeurs pour implanter des éoliennes comme bon leur semble, simplement parce ce que le projet se trouve en zone verte.

Comme le souligne le RIE, le développement éolien, s’il est encadré de façon réglementaire et juridique, mérite aussi un encadrement scientifique pour mieux appréhender les effets des parcs sur la biodiversité en relation avec les milieux où ils s’implantent.

Pour couper court à certaines rumeurs et faire le tri parmi les études contradictoires en matière de potentiels impacts sur la santé, un suivi médical scientifique devrait, en toute transparence, être mené auprès des riverains de parcs. Néanmoins, dans un souci d’objectivation et d’arbitrage des risques, une telle étude devrait mettre ses conclusions sur l’éolien en balance avec les impacts sur la santé, avérés et potentiels, que les alternatives fossiles, nucléaire et renouvelables peuvent générer sur les populations.

Une stratégie « énergie » globale et cohérente

Cette consultation devrait s’inscrire dans une communication plus large de la part du gouvernement wallon sur une stratégie énergie globale. Celle-ci n’est actuellement pas perceptible par la population.  Réforme du mécanisme des certificats verts, plan Qualiwatt, tarification progressive, stratégie éolienne,… autant de pièces d’un puzzle dont on peine à voir l’image qu’elle veut dessiner. Une vision globale et cohérente serait plus qu’utile dans le cadre de cette enquête éolienne. Si l’impulsion donnée à travers les différents éléments de la politique énergétique va dans le sens positif d’une diminution de la consommation d’énergie et d’un approvisionnement énergétique basé sur les renouvelables, ces enjeux du « moins, mieux, autrement[[Moins : diminuer la consommation d’énergie par des changements de comportement, mieux : augmenter l’efficacité énergétique, autrement : substituer un approvisionnement majoritairement basé sur le fossile et le nucléaire par des énergies renouvelables]]  » ne transparaissent pas (ou trop peu) dans le cadre de la consultation éolienne. Le citoyen devrait être amené à réfléchir non seulement sur comment et où l’énergie éolienne peut se développer en Wallonie mais aussi sur le type d’énergie qui devra l’éclairer, le chauffer, lui permettre de se déplacer. L’éolien est une technologie mature dont les coûts de production sont compétitifs[[48€/MWh produit par l’éolien onshore, à titre de comparaison le dernier rapport de la Cour des comptes française le coût par MWh produit par le nucléaire s’élève à 49,5€]]. La Wallonie dispose d’un bon potentiel venteux mais est moins favorisée sur le plan des autres renouvelables. Dès lors que l’objectif d’énergie éolienne est diminué, celui-ci devra être compensé par d’autres sources d’énergie. Sur quelle base l’arbitrage sera réalisé ? Chacun est libre de penser et d’exprimer qu’il n’est pas bon de développer de l’éolien ici ou là (voire même nulle part) et ce, que ce soit fondé sur des préoccupations objectives ou du NIMBYsme. Si c’est le choix du « non éolien » dont on fait davantage écho (dans la presse, dans le monde politique) qui monopolise le débat, il est temps d’introduire dans la discussion la question du « alors quoi d’autre ? »

Il faut espérer que les citoyens qui répondront à cette enquête iront au-delà des clivages « pro » versus « anti » pour contribuer à une planification raisonnée d’une transition énergétique renouvelable et plus durable.

Gaëlle Warnant

Économie Circulaire