Le projet d’une liaison ferroviaire vers l’aéroport de Gosselies à peine mis au frigo, voici que surgit l’idée d’un nouvel arrêt ferroviaire (Ransart ou Luttre) pour améliorer la desserte de l’aéroport. Pourtant, la solution la plus efficace et pragmatique pour remplir ce même objectif est connue et a été soutenue par le Ministre de la Mobilité wallon
Un soutien indirect au secteur aérien inadmissible face à l’urgence climatique
Avant de discuter de la solution, il y a lieu d’interroger l’objectif. Comment des autorités publiques signataires des accords de Paris (COP 21) peuvent-elles continuer à mener des politiques contre-productives en matière de réduction des gaz à effet de serre ? Et qu’on ne me dise pas que ce projet est un projet de mobilité durable pour permettre à des personnes de se déplacer en train plutôt qu’en voiture ! Le secteur aérien est un contributeur de gaz à effet de serre peu contraint et qui poursuit dès lors son développement à un rythme inquiétant. Le rôle attendu des pouvoirs publics serait celui de faire la promotion d’un tourisme local qui valorise notre patrimoine et crée de l’emploi non délocalisable. Et pour accueillir des touristes étrangers, on ferait mieux de se battre pour recréer des services de trains de nuit et sauvegarder les quelques liaisons transfrontalières qui existent encore en Belgique. Bref, affecter des budgets, de manière directe ou indirecte, au secteur aérien, c’est un non-sens environnemental. Une justification sociale serait tout aussi caduque. Ce ne sont pas les précarisés de notre société qui se rendent régulièrement dans un aéroport. Quant au point de vue économique, si on comptabilisait tous les coûts induits par le développement du secteur aérien (pensons simplement aux coûts d’insonorisation des maisons des riverains) et sachant que les billets d’avion échappent à toute TVA, je serais étonnée qu’on arrive à un return positif pour les finances publiques ! Malheureusement, la nécessité de freiner le développement de l’aérien relève du tabou en Wallonie, comme ailleurs.
Une dépense incongrue en période de disette budgétaire
Alors que la restriction budgétaire est de mise dans tous les secteurs, que l’ambition de nombreuses politiques publiques menées se voit réduite faute de moyens disponibles, il y a néanmoins une coalition d’acteurs capables de sortir d’un chapeau un nouveau projet coûteux pour les finances publiques. Bien entendu, le montant à débourser variera selon la formule envisagée.
Première question : créer un nouvel arrêt à Ransart ou rénover la gare de Fleurus existante ? Cette question a eu un écho dans la presse au printemps dernier. Les autorités communales fleurusiennes flairant l’opportunité de voir leur gare rénovée et affublée d’un nouveau statut, ont argumenté en sa faveur. Ransart est plus proche de l’aéroport (3km au lieu de 7 km) mais demanderait des investissements de plusieurs millions pour construire un nouveau quai ou une nouvelle gare. La gare de Fleurus, elle, existe, et serait ainsi sauvée (ses portes ont été fermées en 2015).
Source : dhnet.be
Deuxième question : relier l’arrêt ferroviaire à l’aéroport par un service de bus ou une sorte de « people mover » ? Qu’il s’agisse de Fleurus ou Ransart, il faudra trouver une solution pour permettre aux voyageurs ferroviaires de rejoindre le site de l’aéroport de Gosselies. La rupture de charge est inévitable. L’option d’une desserte par bus classique revient à offrir au final un service quasi à l’identique à celui existant au départ de Charleroi Sud. L’option d’un « people mover » doit d’abord être précisée. Le terme peut en faire rêver certains, il laisse entendre un concept moderne et innovant. Mais à quel prix et avec quels délais de réalisation ? Car s’il s’agit effectivement d’un métro aérien automatique comme le désigne souvent ce terme, le budget global pour l’amélioration de la desserte de l’aéroport de Gosselies ne se chiffre plus à quelques millions d’€ mais à plusieurs dizaines de millions d’€, sans compter le coût des expropriations qui seront nécessaires. La Wallonie a-t-elle l’argent pour cela ?
Source : www.venise1.com
Une amélioration pour les passagers incertaine et minime
Une troisième question se pose alors : mais que vont gagner les premiers concernés, à savoir les voyageurs à destination de l’aéroport ? Actuellement, les clients de l’aéroport de Gosselies originaires de Bruxelles ont deux options en transport collectif :
- les navettes de cars privées qui quittent Bruxelles-Midi toutes les demi-heures (premier départ à 3h30, dernier à 22h30, temps de trajet de 55 minutes) pour environ 15€ et qui les déposent sans rupture de charge devant l’aéroport
- un trajet en train (via la L124) combiné au service TEC : départ de Bruxelles Nord, Central ou Midi toutes les demi-heures (premier départ vers 5h30, dernier départ vers 00 h30, temps de trajet de 53 minutes) puis la ligne A TEC devant la gare de Charleroi-Sud (toutes les demi-heures avec un premier départ à 5h25 et un dernier à 22h25, temps de trajet de 18 minutes) ; pour un coût total approximatif entre 14€ et 31€ (formule pass ou ticket unique) et un temps de trajet total de 1h30 temps de correspondance inclus.
Pour les clients originaires d’Ottignies ou Leuven, ils doivent actuellement combiner le train (via la L 139 et L140) avec la ligne A TEC. Avec les services de train actuels, cela implique une double rupture de charge pour les personnes en provenance de Leuven : une première fois à Ottignies, une seconde fois à Charleroi-Sud. Et c’est ce qui semble poser problème à Monsieur Cloquet, le patron de l’aéroport de Gosselies : « L’objectif premier, pour nous, c’est de pouvoir relier la zone de chalandise de Leuven, en passant donc par Gosselies, parce qu’elle n’est aujourd’hui pas facile d’accès » (LLB, 17/05/17).
Un arrêt à Fleurus ou Ransart, permettrait de raccourcir le trajet en train de quelques minutes, et peut-être celui en bus ou « people mover » de plusieurs minutes également. Encore faudra-t-il que la SNCB décide de mettre une liaison IC sur cet axe (L139-L140), avec idéalement une liaison directe sans changement à Ottignies. Ce qui n’est pas gagné. Alors seulement, oui, il y aura une petite amélioration pour les clients originaires de Leuven.
Ainsi donc, la Wallonie qui dispose pour développer le rail sur son territoire d’une bien petite enveloppe (clé 60/40), déciderait d’en consacrer une partie à destination principale des Flamands et Bruxellois qui veulent se rendre à l’aéroport de Gosselies? Mais quelle générosité !
Alors même qu’une solution existe déjà
Depuis de nombreuses années, le TEC dessert l’aéroport de Gosselies à partir de la gare ferroviaire de Charleroi-Sud, avec sa ligne A. Le temps de trajet est de 18 minutes, une bonne partie de l’itinéraire empruntant l’autoroute.
Bien entendu ce service pourrait être amélioré, et c’est bien ce qu’avait proposé le Ministre Di Antonio déjà en 2014 (sans malheureusement remettre en question la nécessité d’une liaison ferroviaire à plus long terme). L’idée était alors d’améliorer la rapidité et la fiabilité de la navette TEC par un aménagement en site propre, et de faciliter la correspondance avec les départs et arrivées au cœur de la gare de Charleroi-Sud, (il existe un projet de réaménagement de la gare de Charleroi-Sud et un budget inscrit, il pourrait inclure les aménagements nécessaires). Ainsi, sans quitter la gare les voyageurs passent du train au bus, avec un temps de correspondances raccourci, et peuvent gagner l’aéroport de Gosselies rapidement et confortablement.
Cette option est indéniablement la plus efficace sur un rapport coûts-bénéfices ; et surtout, elle peut être rapidement mise en œuvre. De plus, l’amélioration de la ligne A TEC bénéficiera non seulement aux voyageurs en provenance de la ligne 124 (Nivelles-Bruxelles), aux voyageurs de la ligne 140 (Ottignies-Leuven) mais aussi à tous les habitants de la région de Charleroi et de la province du Hainaut qui souhaitent se rendre à l’aéroport.
Source : infotec.be
Les milliers de navetteurs quotidiens ont d’autres attentes
Les quelques millions, voire dizaines de millions, qui pourraint être épargnés en ne réalisant pas les projets d’infrastructure imaginés pour soi-disant améliorer la desserte de l’aéroport, pourront alors être consacrés aux attentes prioritaires exprimées par l’ensemble des utilisateurs du transport public: une meilleure ponctualité et fiabilité des services, une meilleure accessibilité des véhicules et des gares et des services plus fréquents. .